Monsieur le Président de la République, Monsieur le Ministre des armées,
C'est affecté par une grande tristesse que je vous écris, ce 6 juin 2014, jour commémoratif du débarquement, symbole de liberté et de démocratie.
Emile BOUETARD, jeune breton de 29 ans, est le premier homme mort pour le débarquement. De nombreux autres des maquis de Saint Marcel ou de n'importe quel maquis en Bretagne ont perdu leur vie ou leur jeunesse pour permettre de libérer leur pays de l'emprise des régimes totalitaires de Pétain ou d'Hitler.
Mon père avait 22 ans, il s'était engagé dans le maquis de Moëlan pour repousser l'occupation allemande. Il n'a jamais été militant, mais il a toujours revendiqué son identité bretonne. Il aurait pu faire carrière au ministère de la marine à Paris, mais il n'aurait pas supporté que son fils et ses filles naissent et soient élevés ailleurs qu'en Bretagne.
Ces jeunes bretons, dans leur lutte de libération, se sont battus contre toutes les décisions arbitraires prises par le gouvernement en place y compris le décret de Pétain, approuvé par les nazis, qui a séparé la Loire-inférieure du reste de la Bretagne sans l'avis des populations concernées. Il est vrai que le régime était dictatorial.
Il a aujourd'hui 92 ans.
Comment lui expliquer que les idéaux de démocratie pour lesquels ils se sont battus sont aujourd'hui remplacés par des logiques technocratiques totalement arbitraires et que seuls les caprices d'élus sont écoutés ?
Comment lui expliquer que le pays pour lequel ils ont risqué ou perdu leur vie entérine ce décret inique et, pire encore, s'apprête, contre l'avis des bretons, à rayer de la carte jusqu'au nom de la Bretagne en la fusionnant dans un ensemble sans identité, sans culture, et sans cohérence économique ?
Comment lui dire que l'année de la célébration d'Anne de Bretagne, la France s'apprête à bafouer le traité d'union en ne respectant pas les limites du territoire breton ?
En bref, comment lui annoncer que la France n'est pas la démocratie pour laquelle ils se sont battus.
La Bretagne n'est pas une région comme les autres. La Bretagne a forgé son territoire et son identité pendant de longs siècles d'indépendance ou d'autonomie.
Monsieur le Drian, vous qui êtes breton, pour quels idéaux votre père s'est il battu. Et vous même qui dites aimer la Bretagne, la laisserez vous disparaitre dans un grand ouest anonyme.
Un gros travail de destruction du sentiment breton a été effectué en Loire-Atlantique depuis la partition du général Pétain, au point d'entendre certains annoncer, sérieusement, que Nantes n'a jamais été bretonne.
La Loire-Atlantique doit revenir en Bretagne dans le cadre de la réorganisation territoriale organisée par votre gouvernement. C'est la seule voie pour revenir à un état de démocratie qui respecte ses territoires et ses populations.
CLAUDINE PERRON
MIITANTE CULTURELLE
ET POLITIQUE
■La Bretagne est un pays, pas une région ! Il faut le répéter, le marteler, le crier sur les toits. Parler de «région-Bretagne», c'est participer à une tromperie, à un mensonge qui dure depuis trop longtemps, et que ceux qui, de bonne foi souvent, utilisent ce mot, contribuent à pérenniser.
Les mots sont importants et révélateurs de ceux qui les utilisent. Chez les gens intellectuellement malhonnêtes, ils sont utilisés, non pas pour renseigner, mais pour tromper. Un champion dans ce domaine est Monsieur Auxiette, le Président de la pseudo-région des PDL qui ose parler d'«annexion de la Loire-Atlantique par les Bretons». Quelle honte pour un homme qui a été, si mes renseignements sont exacts, membre de l'enseignement, c'est-à-dire quelqu'un qui, en matière d'honnêteté intellectuelle, devrait être un modèle !
La race des gens honnêtes n'était pas encore éteinte chez nos amis français, lorsque écrivait, dans son «Histoire de la Réunion de la Bretagne à la France», l'abbé Augustin-Simon Irailh, né au Puy-en-Velay en 1717. En deux paragraphes, il brosse un tableau saisissant de ce qu'était la Bretagne au moment où elle perdit son indépendance. Ils valent la peine d'être cités intégralement. Nous le ferons en laissant son orthographe à Augustin-Simon Irailh, orthographe et style désuets qui ne manquent pas de charme :
«Ce n'est pas l'étendue d'un Etat qui fait sa réputation, c'est l'Esprit qui l'anime, c'est l'Agriculture, la Population, le Commerce & les Arts. Lorsque avec de petits moyens, une Nation fait de grandes choses, elle est toujours sûre de s'assurer de la considération par elle-même, d'exciter l'admiration ou la jalousie de ses voisins, & d'influer sur les affaires générales. La Bretagne qui n'est aujourd'hui qu'une Province de France d'environ soixante lieues dans toute sa longueur, et de trente-cinq à quarante dans toute sa largeur, était au quinzième siècle un Etat florissant & l'objet de l'attention de l'Europe entière.
»Ses alliances avec les Puissances les plus formidables, l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal, la Suède & le Dannemarc ; l'industrie de ses peuples, les talents & les soins paternels de ses Souverains ; l'amour patriotique qui formait l'union des uns & des autres, tout la rendait respectable aux Nations ; elle semblait faire la destinée du Continent. Par ses forces de terre & par sa politique elle était l'écueil de l'usurpation et de la Tyrannie. Environnée de toutes parts par l'Océan, exceptée vers l'Orient où elle confine avec l'Anjou, le Maine, la Normandie et le Poitou ; elle n'eut de vives inquiétudes du côté de la France que sous le règne de Louis XI.«
France, qu'as-u fait de nous ?
J'ai mis ce texte en tête de mon livre »La Bretagne n'a pas dit son dernier mot« qui, disons-le en passant, en vertu de la »liberté d'expression" qui règne dans ce beau pays, a été soigneusement étouffé...
Mais, ce titre est toujours vrai: la Bretagne est encore en vie, et les turbulences qu'elle traverse en ce moment ne peuvent que la réveiller !
A galon,