Les Bonnets rouges ont tenu, avec succès, les États-Généraux de Bretagne, à Morlaix, le 8 mars 2014.
Dans un précédent article (voir notre article), nous disions qu'une machine politique devait avoir sa constitution, une plateforme à même de réunir tous ses participants.
A l'appel du «Collectif Vivre, décider et travailler en Bretagne», les 60 comités locaux des Bonnets rouges ont fait venir plus de 5 000 personnes et ont publié la leur, exactement trois mois après avoir dit qu'ils le feraient et comme ils avaient dit qu'ils l'écriraient. Ils ont aussi confirmé, malgré les doutes des observateurs, qu'ils ont gardé la dynamique issue des deux rasssemblements réussis de novembre 2013 à Quimper et à Carhaix (voir notre article) et (voir notre article).
L'énergie ne s'est pas perdue parce que leur ciment, fruit d'une lutte de plusieurs années (voir notre article) et de traditions centenaires, n'est pas un brouillard de revendications catégorielles que les institutions classiques savent réduire et diluer, mais un socle d'analyses partagées par de nombreux acteurs, en apparence disparates, mais, tous Bretons de coeur et de raison.
Thierry Merret, syndicaliste agricole et porte-parole, a répété ce qu'il avait dit à Carhaix sur la méthode pour savoir ce dont les Bretons ont besoin : il suffit de faire l'inverse de ce qui se fait d'habitude, comme dans un pacte d'avenir, par exemple. On demande à des hauts fonctionnaires d'assembler en urgence une botte de mesures supposées réparatrices et on demande aux élus de contresigner.
225 ans après la dernière réunion des États-Généraux de Bretagne en 1789, les Bonnets rouges sont partis à la recherche des doléances individuelles des Bretons. De presque 15 000 documents, allant d'une seule phrase à 37 pages, il a été tiré, par des moyens informatiques de pointe, plusieurs regroupements de thèmes, soit proches, soit reliés par des idées. Le concours empressé des meilleurs spécialistes européens a été obtenu pour avoir des résultats impartiaux, dont les graphes (nuages, liaisons) sont publiés. Cette méthode est originale et un moyen révolutionnaire pour déterminer la volonté du peuple.
Dans un grand déploiement de drapeaux bretons et de sirènes, les États-Généraux de Bretagne 2014 ont ainsi pu adopter les 11 revendications, dont la satisfaction doit permettre un nouvel envol pour le pays.
Les quatre premières sont déjà présentes dans la Charte des Bonnets rouges (voir notre article)
- Maintenir la gratuité des routes en Bretagne et supprimer définitivement l'écotaxe.
- Libérer les énergies et soutenir l'emploi par l'allègement des charges et des contraintes administratives.
- En finir avec le dumping social et les distorsions de concurrence en Europe
- Relocaliser les décisions et les pouvoirs économiques en Bretagne
Les sept suivantes sont issues de l'analyse des doléances des Bretons
- Développer des infrastructures et des modes alternatifs de transport avec un rééquilibrage Ouest-Est
- Appropriation par les Bretons de la filière énergie et développement des énergies renouvelables
- Relocaliser la finance
- Officialiser la langue et la culture bretonnes
- Renforcer l'expérimentation, le dialogue, la transparence et le « vivre ensemble » en Bretagne
- Doter la Bretagne de ses propres médias audiovisuels et numériques
- Une Bretagne forte à 5 départements avec relocalisation des décisions politiques.
Corinne Nicole, déléguée syndicale de l'ancien abattoir Gad, a pointé la manie des médias parisiens de répéter que les Bonnets rouges sont hétéroclites. Elle a insisté sur l'idée que si un vrai dialogue social est en place, il n'y a pas de raison que les salariés et les employeurs prennent des postures d'opposition permanente, surtout, si la transparence et la franchise sont possibles.
Claude Quéguiner, vendeur de matériaux de construction, a renchéri en disant que, chez lui, les instances sociales étaient présentes, même en l'absence d'obligation, et il a appelé tous les patrons à pratiquer assidument le dialogue social.
Ce qui transpire des interventions aux États-Généraux de Bretagne est qu'il y a des solutions qui ne peuvent être mises en place que dans un esprit commun, que certains ont défini par le fait de vouloir travailler pour le bien du territoire breton.
Les deux universitaires témoins, Jacques Baguenard et Romain Pasquier, auxquels la salle a demandé de porter le bonnet rouge symbolique, ont parlé d'un peuple en marche, prêt à se réinvestir dans le développement économique et soulignant que la Bretagne a toujours bougé la première, entraînant la France par contrecoup (le Code paysan des Bonnets rouges annonce la Déclaration des droits de l'Homme, les étudiants de Rennes donnent en janvier 1788 le coup d'envoi de la Révolution) et appellent de leurs voeux, l'un, l'autonomie fiscale, l'autre, l'expérimentation de la relocalisation des décisions dans les domaines les plus nombreux possibles. Les 16 milliards d'épargne des Bretons qui se perdent hors de chez eux, dans de grands groupes prédateurs, devraient être réinvestis par les banques mutualistes pour revitaliser la Bretagne.
Ceux qui croient qu'il y a des Bretons dans des compartiments étanches, avec de l'économique d'un côté et du culturel de l'autre, doivent apprendre que c'est un raisonnement artificiel et vieilli.
C'est le même patron de la Brittany Ferries, Jean-Marc Roué, qui innove en faisant construire à Saint-Nazaire, un navire qui utilisera du gaz produit localement et qui souhaite que les maires fassent appel aux anciens pour initier les enfants au breton dans les activités périscolaires.
Un autre souligne que les collectivités locales sont frileuses pour aider les chaînes de télévision locales Tébéo et Tébésud, alors que des entreprises ont franchi le pas. Bruno Rosec, petit entrepreneur dans le photovoltaïque, souligne qu'un décret, suspendu à la demande de Bruxelles, met en péril 12 000 emplois en France, dont 2 000 en Bretagne.
Jean-François Jacob, président de Combiwest (transport camion-train) (voir notre article) annonce que les Bretons vont reprendre en main leurs outils logistiques que le gouvernement a laissé dégrader et auquel il n'affecterait pas l'écotaxe. Valérie Bescond, conjointe d'un artisan pêcheur, a prévenu que, face aux réglementations absurdes, au découragement des jeunes, à la vente des bateaux aux Espagnols, les marins-pêcheurs allaient, de nouveau, se joindre au mouvement.
Mais, si la salle a vibré à l'énoncé des revendications économiques, elle a, particulièrement, été enthousiaste à l'évocation de l'officialisation de la langue et de la culture bretonnes, et, peut-être plus encore, à la revendication du retour, sans conditions, de la Loire-Atlantique en Bretagne.
Dans sa propre ville de Morlaix, Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'État et de la Décentralisation, a été la cible de quelques mouvements d'humeur, étant accusée de vouloir noyer la Bretagne dans un grand Ouest invertébré et soupçonnée de mollesse dans l'élaboration d'une loi de décentralisation. Sans les Bonnets rouges, est-il dit, elle ne parlerait pas de région, et Jean-Jacques Urvoas d'une Assemblée de Bretagne, proposition qualifiée de «poudre de perlinpinpin» (C. Troadec).
Les larges autonomies de Catalogne, d'Écosse, du Pays Basque-Sud et des Länder allemands sont plébiscitées par la salle et Christian Troadec indique que l'Écosse, en se rendant autonome par les énergies renouvelables, en attend 220 000 emplois.
Beaucoup de mouvements politiques (guerres du Golfe, printemps arabes, Ukraine) sont liés à des questions énergétiques et les doléances bretonnes incluent un volet sur l'autonomie énergétique à conquérir.
Thierry Merret et Christian Troadec ont mentionné l'éventualité d'un «printemps des Bonnets rouges» (titre d'une célèbre pièce de théâtre de Paol Keineg) qui pourrait être chaud et faire pendant à «l'automme des Bonnets rouges» (Éd. Dialogues (voir notre article)). Seule condition suspensive : la venue du président de la République, François Hollande, pour négocier avec le «Collectif Vivre, décider et travailler en Bretagne» qui représente toutes les professions.
Pour définir l'attitude des Bonnets rouges, André Lavanant, ancien président de Diwan, la rapproche de celle d'Anne de Bretagne dont le 500ème anniversaire de la mort est célébré cette année, car, en rétablissant le gouvernement de la Bretagne, deux jours après la mort de son rustre de mari, elle montra son esprit d'insoumission.
C'est l'état d'esprit naturel des plus jeunes qui, encore une fois, étaient nombreux à Morlaix. Les manifestants de novembre qui n'y étaient pas, reviendront dans le mouvement en juin, pourvu que l'objectif fixé soit clair.
Note : Taper «Bonnets rouges» dans le moteur de recherche de l'Agence Bretagne Presse donne accès à la plus quande quantité au monde de textes sur ce mouvement. «Écotaxe» permet d'en faire l'historique sur 5 ans.
Christian Rogel
■Laissez nous rire !
Personne n'en parle et pourtant la semaine dernière comme au mois de décembre la pollution aux particules fines a gravement pollué Paris et toute sa région. Le Préfet de police a invité les locaux à ne plus prendre leurs voitures et a réduit la vitesse autorisée de 20 km. le nombre de journées dans ce cas est passé de 53 en 2001 à 117 en 2013. On se croirait à Pékin. Il est urgent d'agir... Aussi je propose:
D'instaurer une taxe sur toutes les sociétés et entreprises ayant leur siège à Paris ou en région parisienne et en particulier les grosses qui y sont à 90%. Par exemple 1 % sur le chiffre d'affaires aurait des conséquences positives immenses:
Cela rapporterait énormément...
Certaines sociétés ou entreprises iraient peut-être s'installe à Brest, Nantes, ou Gap. Du coup elles y payeraient leurs impôts. Les cadres domiciliés un peu partout dans l'hexagone contribuerait ainsi à l'étalement des richesses.
En amaigrissant la trop grosse tête il n'y aurait plus besoin de tenter de faire le «Grand Paris» à un moment où on nous dit inlassablement qu'il n'y plus de sous.
En plus, on pourrait revendre les portiques encore existants en Chine ou dans les émirats...On en garderait un comme première pièce d'un musée de la création française qu'on installerait dans le Limousin...
Ce serait tout bénéfice pour tout le monde.
Yannig Baron