Nantes. Marie-Hélène Prouteau dédicace « L'enfant des vagues » à la librairie Coiffard samed

Agenda publié le 6/02/14 18:44 dans Cultures par Maryvonne Cadiou pour Maryvonne Cadiou

Marie-Hélène Prouteau signera son nouveau roman L'enfant des vagues à la librairie Coiffard de Nantes, rue de la Fosse (voir le site) le samedi 8 février à partir de 16 h 30 dans la librairie principale, dénommée le Tome 1.


À cette occasion nous l'avons rencontrée pour en savoir plus sur le livre, sur ce qui l'a amenée à l'écrire, comment elle a peu à peu construit son roman à partir de faits réels et de témoignages de nombreuses personnes qu'elle a rencontrées ou avec qui elle a dialogué, qui ont montré grand intérêt pour son projet : raconter les marées noires vues par les yeux d'un enfant.

Qui est Marie-Hélène Prouteau

Originaire de Brest, toute sa famille réside à Brest, Landerneau, Plouescat... Elle vit près de Nantes.

Elle a été professeure de lettres-philo au lycée Clemenceau et à ce titre a participé au livre (1) Le lycée Clemenceau. 200 ans d'histoire, de [[Jean Guiffan]], Joël Barreau, Jean-Louis Liters (2) aux éd. Coiffard en 2008. Ainsi qu'aux Cahiers du Comité de l'Histoire du lycée Clemenceau en 2004 (3). Elle y a organisé des conférences, entre autres, avec [[Michel Chaillou]].

Elle est investie sur Nantes dans l'association des Amis de la Bibliothèque municipale (4), où elle organise des rencontres d'auteurs.

Voir sa page sur (voir le site) de la Maison des écrivains et de la littérature avec sa bibliographie complète.

Interview de Marie-Hélène Prouteau

ABP : Bonjour Marie-Hélène. Quelle est votre relation à la Bretagne ?

Marie-Hélène Prouteau-Stéphan :

Être née au bout du bout de la carte de France et d'Europe m'a donné le goût de l'ailleurs. Mes racines sont ici mais j'aime à franchir les frontières, pas seulement géographiques.

Il y a une citation qui définit assez bien ma relation à la Bretagne, c'est celle du poète Miguel Torga : « L'universel, c'est le local moins les murs ».

ABP : Qu'est-ce qui vous a amenée à écrire sur une marée noire ?

M.-H. P.-S. :

- Dans ce projet d'écrire un roman sur la catastrophe, il y a d'abord le sentiment de révolte. Celle éprouvée devant les images de la plate-forme pétrolière [[Deep Water Horizon]] en 2010. Révolte de voir qu'aucune leçon n'a été tirée des catastrophes en Bretagne, en Galice. Et comme la Bretagne m'est plus familière que la Louisiane, j'ai situé mon roman au pays des champs d'algues

Révolte que je retrouvais chez Bertrand Poirot-Delpech dans Le Monde du 31 mars 1978, « L'affaire de quelques-uns ». Il dénonçait, en plein drame de l'Amoco, le discours de la « faute à pas de chance » qui noyait les responsabilités et « polluait » les esprits au lieu de pointer le « crime de quelques-uns » : compagnies pétrolières, ministres...

- Les différentes marées noires intervenues : 1967 Torrey Canyon, 1978 Amoco Cadiz, Exon Valdez 1989, Erika 1999, Prestige 2002.

- Mon amour de la nature, présent dans tous mes écrits et romans précédents. La beauté éphémère des choses : les plages de sable fin, les gros rochers… Et ici la beauté des champs d'algues, des abysses.

- Un défi : faire entrer le thème de la catastrophe - non naturelle, mais industrielle, ce que l'homme inflige à la nature - dans le genre romanesque. Sur ce sujet, il y a eu beaucoup de documentaires mais pas ou peu de romans, alors que dans la littérature étrangère… J'avais le désir de montrer que face aux catastrophes créées par l'homme, une résistance est possible.

- Il faut ajouter ma réaction de honte devant ces images de 1978 retrouvées sur le Net et dans le film de Vautier.

ABP : Situez-vous explicitement ce roman en Bretagne ?

M.-H. P.-S. : Non. Les lieux, la Bretagne, sont suggérés par une métaphore « le pays des champs d'algues et des menhirs » : liberté grande est laissée au lecteur de situer le récit dans tel ou tel lieu.

ABP : Comment avez-vous fait pour montrer l'ampleur de la catastrophe ?

M.-H. P.-S. : J'ai eu de nombreux contacts directs pendant plusieurs mois pour préparer ce livre.

Je suis allée sur le terrain, entre [[Portsall]] et Roscoff, voir des goémoniers de la côte et de Porsal, des pêcheurs, des gens du comité des pêches de Brest, j'en ai tiré des anecdotes. J'ai retrouvé des bénévoles venus de toute la France, des gens de la Ligue pour la protection des oiseaux, des chercheurs de la Station biologique de Roscoff et de l'Ifremer sur les algues.

J'ai échangé avec ces différents acteurs [voir paragraphe suivant] : j'ai aimé la variété et la richesse de ces contacts. Ils donnaient un poids de chair à ceux et celles qui avaient lutté il y a trente ans. Tous m'ont montré que ces événements sont gravés dans les mémoires bretonnes.

Et puis ils faisaient contrepoids aux images terribles du film de René Vautier Marée noire, colère rouge que j'ai commandé à la Cinémathèque de Bretagne. J'ai eu des échanges avec [[Jean Bulot]], auteur de Colères noires et Erika, plus jamais ça ! Histoire d'un naufrage de complaisance.

ABP : Quelles ont été vos autres lectures ?

M.-H. P.-S. : Outre Jean Bulot, j'ai lu Retour de Tchernobyl de Jean-Pierre Dupuy, philosophe, sur les lieux de Tchernobyl pour préparer le roman. Il parle lui aussi de honte. Il reprend le propos de Günther Anders, philosophe allemand devant Hiroshima « Nous avions honte d'être des hommes ». On ne ressent pas de « honte » devant une catastrophe naturelle, inondations, tsunamis.

J'ai eu ainsi un échange avec Frédéric Keck, anthropologue, qui travaille sur la notion de sentinelle que nos sociétés font jouer aux animaux dans l'annonce des catastrophes, en particulier l'oiseau dans la grippe aviaire. L'oiseau englué dans le mazout symbolise le mouvement figé de la vie qui s'arrête, alors que nos sociétés ne cessent de louer les images de flux, ceux des marchandises, de l'argent, des hommes.

Honte et vie figée, c'est ce qui me semble ressortir de ces catastrophes que l'homme provoque par sa propre action technique sur la nature.

Mon travail d'écriture fut de digérer cette matière importante de témoignages, de lectures plus théoriques.

ABP : Pourquoi avoir choisi le point de vue d'un jeune garçon ?

M.-H. P.-S. : C'est un point de vue décalé : l'enfant n'a pas les moyens de comprendre ces vagues figées et coagulées, cette mer qu'on n'entend plus tant elle est alourdie par le pétrole. L'odeur qui empuantit l'air et la vue horrible de ces nappes sur la mer, les plages et les rochers. J'ai voulu entremêler la tragédie de la mer et le drame intime qu'il vit, l'absence mystérieuse du père.

ABP : Et qu'éprouve l'enfant ?

M.-H. P.-S. : Le récit commence un matin de vacances d'hiver, un jeune garçon de douze ans joue avec son cerf-volant. Soudain, stupeur.

Le nez d'abord « Quelle odeur ! », les oreilles : « On n'entend plus la mer », la vue « Ce n'est plus de l'eau… un immense drap noir ».

Mon idée était de montrer comment c'est toute la vie qui s'arrête, figée comme ces vagues qui n'en sont plus. Au bourg, du marin pêcheur aux femmes de la conserverie, à la marchande de couleurs. J'ai donné vie à une série de personnages affectés dans leur quotidien par cette catastrophe.

C'est une double quête : retrouver le père et la mer qu'il a connus, autant d'ingrédients d'un conte initiatique.

ABP : Le personnage principal s'appelle donc l'enfant, il n'est pas nommé. Qui est-il ?

M.-H. P.-S. : Cet enfant vit dans son monde imaginaire, parle aux rochers et aux tamaris ; avant le jour du grand malheur de la mer, il se baladait sur les dunes et faisait de belles compositions marines sur le sable avec algues, coquillages. Il aime que la mer défasse d'un coup ses belles réalisations. Il a la mer en lui, son rythme, son souffle…

Il est curieux, ce qui va permettre cette amitié forte avec le vieux monsieur - un chercheur en phycologie, la science des algues - imaginé à partir de la Station biologique de Roscoff.

L'absence du père : l'enfant veut en ignorer la vraie raison, que le lecteur, par contre, devine assez vite. C'est un roman d'initiation : comment grandit-on ? Comment passer les épreuves ? Tout l'enjeu du récit, c'est que l'enfant parvienne au bout d'un chemin parfois douloureux à sortir de cette bulle qu'il s'est construite pour faire face à cette absence paternelle, doublement importante car c'est le père, goémonier, qui aurait pu l'aider à comprendre cette catastrophe. L'enfant s'est aveuglé, a mis en place un pacte de silence avec sa mère qui se débat comme elle peut, seule avec lui. La marée noire chamboule les esprits et les coeurs - c'est le médecin qui le dit - Et donc sa douleur personnelle et celle qu'il éprouve devant la mer assassinée se rejoignent. Alors il fait des bêtises, devient violent sans raison.

Mais deux choses le sauvent : le livre Morceaux choisis de l'Odyssée, un livre de mer, si l'on peut dire. Il a été donné par son père. Et il parle sans cesse du retour du héros en son île. Les compagnies pétrolières prennent l'allure des dieux tout-puissants et malfaisants qui harcèlent le héros Ulysse.

La promesse qu'il a faite en rêve à son père de faire quelque chose en faveur des oiseaux mazoutés, c'est sa façon à lui de lutter. Rituel quotidien et magique où il va noter le nombre d'oiseaux morts dans le carnet bleu. Il finit par être un peu le symbole de cette révolte et de la détermination des hommes et des femmes qui ont eu à les affronter.

Et puis, comme dans tout conte, il y a des personnages qui aident le jeune garçon dans ses épreuves, comme l'oncle Gaby, sa mère et le vieux monsieur de l'Institut de la mer.

ABP : Y a-t-il une part autobiographique dans l'enfant ? Avez-vous transposé votre rapport personnel à la mer ? Je pense à ses compositions marines sur le sable, son écoute de la mer...

M.-H. P.-S. : Écrire ce roman c'était pour moi retrouver un territoire d'enfance, quand je ramassais algues et coquillages sur les grèves comme ce jeune garçon, et quand je regardais la mer et les rochers pendant des heures de la fenêtre de la maison familiale.

ABP : Quel genre d'écriture avez-vous choisi ?

M.-H. P.-S. : Je me suis tournée vers une écriture poétique, indirecte, faite souvent de non-dits. Pour être au plus près des émotions éprouvées par le jeune garçon, j'ai cherché des images simples, empruntées au monde de la nature qui est le sien. Et pleines de la beauté des éléments qui l'entourent, la mer, les rochers, les dunes...

ABP : Que vous reste-t-il de ce travail d'écriture ?

M.-H. P.-S. : La phrase de Mark Twain ne cesse de résonner en moi : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait ». Nettoyer les bayous de Louisiane était à peu près aussi « fou » que de nettoyer les rochers finistériens ! La toute-puissance de l'homme est battue en brèche : il restait aux bénévoles leurs mains et les petites cuillères que j'évoque dans le roman. Et leur opiniâtreté.

ABP : Merci Marie-Hélène !

Ses échanges avec :

- Jean Bulot, ancien commandant de l'[[Abeille Flandre]], « que j'avais croisé au salon du livre du Croisic en 2008, a bien voulu échanger en 2011 avec moi sur la marée noire » ;

- Michel Glémarec, professeur d'océanographie biologique à l'Université de Bretagne Occidentale. Il faisait partie de la quinzaine d'experts, côté français, au procès de l'Amoco (voir le site) ;

- Yann Fontana de la [[Station biologique de Roscoff]] (voir le site) , photographe sous-marin, photographe sous-terrain aussi (les mines d'ardoises...) (voir le site) ;

- Joseph Patinec, ancien adjoint au maire de Ploudalmézeau ;

- Karen Raccah, artiste de Land Art (voir le site) ;

- Gérard Borvon, auteur du livre Plogoff, un combat pour demain, éd. Cloître, 2004. Créateur de l'association S-eau-S et de son blog de défense de l'eau : (voir le site) ;

- Armelle Griffon, à Concarneau, responsable de la Ligue de protection des Oiseaux (LPO) pour le Finistère (voir le site) ;

- Anne-Laure Dugué, responsable “Oiseaux en détresse” de la LPO ;

- Jean-Pierre Carval, qui a été longtemps responsable du Comité des pêches du Finistère (voir le site) ;

- Michel Thépaut, goémonier.

Le livre L'Enfant des vagues

L'Enfant des vagues, de Marie-Hélène Prouteau. Rennes, éd. Apogée, 2014. 160 p. 16 euros. (voir le site) de l'éditeur.

Il a été signalé sur (voir notre article) par les éditions Apogée, dans la collection de littérature Piqué d'étoiles, dirigée par [[Jacques Josse]].

- Relaté dans Le Courrier du Léon et du Trégor, par Paul Férec le 17 janvier 2014 ;

- Relaté dans Presse-Océan le 26 janvier 2014 ;

- Relaté dans Ouest France

(voir le site) édition de Brest le 25 janvier (non signé) ;

et (voir le site) édition de Nantes, par Daniel Morvan le 29 janvier ;

- Relaté dans Le Télégramme

Corinne Abjean, dans la séquence Lettres bretonnes du 2 février, l'a également présenté : (voir le site) et lui a attribué trois étoiles. Contenu réservé aux abonnés ;

- Relaté sur La Cause littéraire

(voir le site) par David Campisi le 5 février ;

- Relaté sur le blog Eireann de Yvon Bouette (voir le site) de Eireann, littérature d'Irlande, de Bretagne et d'ailleurs..., page : (voir le site) le 12 février ;

- Article sur Presse Océan le 7 février en page Thouaré-sur-Loire, documenté sur l'auteure et son oeuvre avec annonce de la dédicace chez Coiffard et photo de l'auteure ;

- Signalé sur le site de Paris Breton (voir le site) le 28 février ;

- Chroniqué sur le site de Revue-texture

(voir le site) par Roland Halbert (sans date) ;

- Chroniqué sur Place publique

(voir le site) par Daniel Morvan (p. 114, mars-avril 2014, édition de Nantes) non visible en ligne.

Prochaines dédicaces de Marie-Hélène Prouteau

La retrouver à Nantes et aux environs, les samedis :

- 29 mars à la médiathèque de Sainte-Luce-sur-Loire, de 11 h à 13 h ;

- 5 avril à la librairie L'Embarcadère à Saint-Nazaire, à 17 h ;

- 12 avril sur radio Alternantes - 98,1 Mhz - de 10 h 30 à 11 h 30 ;

Nota Le projet de dédicace à la librairie Vent d'ouest à Nantes le 19 avril a été repoussé à une date ultérieure du fait que c'est le week-end de Pâques ;

- le mercredi 12 mars à Brest à librairie Dialogues ;

- le 25 avril à Groix à la librairie l'Écume pour une rencontre littéraire, invitée par Anne Bihan ;

- les 26 et 27 avril au Conquet au Salon du livre maritime, (voir le site) de La Mer en livres, page des auteurs invités.

Ses autres ouvrages

Outre articles et prose poétique dans les revues Recours au poème (5), Terres de femmes (6), [[Spered Gouez / L'Esprit sauvage]] (7), [[Encres de Loire]] (8), des études littéraires parues aux éd. Ellipses (9), elle a écrit deux romans, parus en 2008 et 2010 aux éditions La Part commune.

Ses deux premiers romans :

- Les Blessures fossiles, 2008

Relaté sur (voir le site) de [[La Part Commune]] dirigées par Yves Landrein à Rennes.

et sur (voir le site) de Eireann

ainsi que Questions posées à Marie-Hélène Prouteau à l'occasion de la publication de son livre: en vidéo (voir le site) de la librairie Dialogues de Brest.

- Les balcons de la Loire, 2010

Relaté sur (voir le site) de La Part Commune.

(voir le site) de Radio Canada qui signale, dans sa rubrique Coups de coeur littéraires du 3 août 2013 : Grande passionnée de lecture, Pauline Bourque a été séduite par le roman de Marie-Hélène Prouteau, Les balcons de la Loire, publié aux éditions La Part Commune.

Audio de l'émission : (voir le site) de radio Canada.

(voir le site) de loirevalley-worldheritage.org qui le présente en anglais.

Notes

(1) (voir le site) de Décitre, par exemple, pour le résumé sur sa 4e de couverture. Son écrit porte sur les femmes : Les pionnières de l'autre siècle. Marie-Hélène Prouteau publia aussi, déjà sur les femmes, Les premières jeunes filles en classes préparatoires depuis 1925 dans Notre Mémoire, in Cahiers du Comité de l'Histoire, 2004.

(2) Jean-Louis Liters : (voir le site)

(3) Pour le centième anniversaire de la reconstruction de l'établissement, en 1992, était paru par les mêmes auteurs, Un Grand lycée de province : le lycée Clemenceau de Nantes dans l'histoire et la littérature depuis le Premier Empire, Thonon-les-Bains, éd. de l'Albaron, 412 p. Relaté sur (voir le site) de Persée.

(4) (voir le site) des Amis de la BMN, association créée en 1966.

(5) Recours au poème (voir le site)

(6) Terres de femmes, comme la chronique littéraire (voir le site)

(7) Spered Gouez, revue fondée à Carhaix en 1991 (voir le site)

(8) Elle fait partie du comité de rédaction de la revue Encres de Loire.

(9) Chez Ellipses : sur Gogol, la littérature russe, Hugo, Stendhal, Gide, Yourcenar (voir le site)


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