Madame Angèle Jacq (voir le site) est une grande dame de la poésie et de la littérature française et bretonne. Elle a fait l'honneur de présider la 6e édition de Ene Breizh (Âme de la Bretagne) ce lundi 20 janvier dans la fameuse salle Vasse à Nantes (voir le site) .
Tu écris comme au cinéma
Angèle Jacq apprit le français dans les écoles françaises à Quimper, puis à Chambéry, au grand dam de sa grand-mère qui, elle, la faisait parler le breton - la langue familiale !!! - à chacun de ses retours. Brillante, elle l'était déjà, et ses camarades ne manquaient pas de lui dire «tu écris comme au cinéma» . Ses rédactions, en langue française donc, étaient reprises par toute la classe.
Toutefois, ce n'est que tardivement qu'elle se met à l'écriture. Sa première ½uvre est consacrée à Per Briand, agriculteur, premier député du Finistère en 1791. « Tous les jours, près de l'église, je passais devant sa tombe » nous confie-t-elle. « Je m'étais juré de faire une communication sur lui ». Parallèlement à son travail, agricultrice : elle avait repris la modeste ferme familiale, puis première « démarcheuse femme en Bretagne pour une banque », elle écrit, ce document durant seize années. En 1995 sort ainsi l'ouvrage Les braises de la liberté, chez France-Empire. Premier succès, republié en 2010 chez Coop-Breizh (voir le site) . Ce roman fait l'objet d'une suite, Tinaig encore éditée par Coop Breizh.
La Bretagne est une chanson
Angèle Jacq écrit romans, contes pour veillées, et poèmes. Neuf ½uvres au total, toutes éditées ou rééditées à 10.000 exemplaires ou plus. La poésie, dans la bouche d'Angèle Jacq, est une musique douce, reposante, pleine. Les mots sont habilement choisis, les vers chantent, mettant en valeur la beauté de la langue bretonne (1).
Le sens du mot, Angèle Jacq l'a aussi dans la discussion. « Il m'était facile d'écrire, dit-elle, car la Bretagne est une chanson» . La langue bretonne est une musique, et les mots de ses textes ne sont pas anodins. Bretonne jusqu'au bout de la plume, mêlant aisément légendes et réalité, elle n'hésite pas à lâcher, heureuse d'être à Nantes «les fées reviendront, dans un siècle pair, mais dans une Bretagne réunifiée » .
Les collégiens de Skolaj Diwan aussi en vedette
Les textes d'Angèle Jacq doivent être lus à haute voix, vécus, imprégnés. C'est ce que n'ont pas manqué de faire les collégiens de Skolaj Diwan (voir notre article) . De la 6e à la 3e, toutes les classes ont lu des poèmes (2) extraits de son dernier ouvrage, bilingue, Par la vertu de la noisette. Manifestement, ils étaient impressionnés d'être en présence de cette grande dame. Angèle Jacq est émue aussi, de son côté. Émue de voir ces adolescents bretons reprendre, vivre ses poèmes. Ces jeunes bourrés de talent se souviendront longtemps de cette soirée, et Angèle aussi.
Il faut apprendre ses textes par corps !!!
Intense émotion aussi, quand les comédiens amateurs de Kentelioù an Noz (voir le site) mettent en scène trois poèmes de Angèle Jacq (3). Ces textes ont une nouvelle vie à travers cette troupe. Le fameux Patatez (4) prend une nouvelle dimension. Angèle Jacq, mi-surprise, mi-amusée de cette interprétation vivante nous expliquera à la fin combien elle a apprécié cette relecture.«Il faut apprendre ses textes par corps insiste Michel Valmer, co-fondateur et co-directeur artistique de la Salle Vasse.
Pas besoin de sunligths
Il n'est pas peu fier, Michel Valmer, quand il parle de la salle Vasse (voir le site) . Il est le cofondateur avec Françoise Thyrion, de cette salle à l'âme si particulière. D'entrée le public est frappé de lire sur le mur « Mon corps est fait du bruit des autres » (Antoine Vitez). Cette seule maxime est son Credo. Le Théâtre, ce n'est pas qu'un échange entre le comédien et le public. Le comédien doit être habité par l'Autre, ainsi se fondre en Lui.
Ene breizh est né d'une rencontre avec Yves Averty, coordinateur de l'Agence culturelle bretonne Morvan Lebesque (voir le site) . Quand deux amoureux de la Bretagne, deux amoureux des Lettres se rencontrent, cela donne Ene Breizh. L'action se situe dans le hall du Théâtre, le public (une centaine de personnes) est à deux pas des invités. La communion se fait tout de suite. Dès l'accueil, amical. Pas besoin de frapper les trois coups, pas besoin de lever le rideau, pas besoin d'allumer les sunligths. La magie s'opère. Magie des mots, des chants, magie des regards, des respirations. Du bruit de l'Autre.
Des invités prestigieux
Avant Angèle Jacq, des noms tout aussi prestigieux l'ont précédée à Ene Breizh :
Bernez Tangi (voir le site) , Yann-Ber Piriou (voir le site) , Youenn Guillanton (voir notre article) , Nolwenn Korbell (voir le site) , Tugdual Kalvez (voir notre article) furent les invités des cinq premières éditions.
Quel(le) sera l'heureux(-se) élu(e) l'année prochaine ? Sûrement Michel Valmer et Yves Averty ont une idée, mais ccchhhut, c'est un secret.
Notes
(1) extrait de Dre vertuz ar graoñenn - Par la vertu de la noisette (voir notre article) :
Dre vertuz ar graoñenn
Dañsomp ha korollomp,
Marv an diaoul ha klañv e vamm !
Kazel-ha-Kazel,
Ma dimezell,
Toupenn-ha-toupenn
Ma jiletenn
Fidamtouseg !
Ar Bouezvara en un toull-penn !
Par la vertu de la noisette
Dansons et formons des rondes,
Le diable est mort et sa mère est malade !
ras dessus, bras dessous
Ma demoiselle
Houppe à houppe,
Mon gilet,
Nom d'un crapaud !
Ar Bouezvara En une culbute !
(2) poèmes récités par les enfants de Skolaj Diwan
Aet oa maez ar c'hiz
Buhez kuzhet ar yeun : ur baradoz kollet
An danserien war an traezh
Diskouezhadeg a oa da vezan
Dam betra ar boudigoù gwenn o deus dilaosket ac'hanomp?
Evit ho trugarekaat
(3) poèmes mis en scène par la troupe de kentelioù an Noz
Muzik ha yaouankiz
Devezh ha devezh Petra eo mel ar vuhez
Patatez
(4) Angèle Jacq a écrit des textes pour cet ouvrage surprenant « Pomme de terre : cultures et créations » de Robert Gernot, éditions du Palémon (voir le site) . Après la lecture de ce livre, personne ne regardera plus la pomme de terre de la même façon.
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