Erwan Chartier était ce vendredi l'invité du groupe Ermine à Rennes, il a brossé l'histoire de l'Emsav interceltique de ses débuts au festival de Lorient.
Erwan Chartier est l'auteur d'une thèse sur l'histoire de l'interceltisme en Bretagne. Ce mot ne figure dans aucun dictionnaire de langue française. Alors, comment définir l'interceltisme ? Comment définir ce qu'est un Celte ?
Souvent, c'est un souvenir plus ou moins mythifié de grandes sociétés antiques. La vague celtique du XIXe, de la matière de Bretagne au cycle arthurien, le romantisme vont remettre cette civilisation au goût du jour.
C'est aussi la naissance de la franc-maçonnerie (revival celtique, la fondation des premiers ordres druidiques était très liée aux francs maçons au début).
Le premier courant : les celtomanes
Le plus célèbre d'entre eux est la Tour d'Auvergne (Carhaix), le celte est considéré comme la langue mère de toutes les langues, la langue bretonne, la Bretagne est présentée comme le conservatoire des langues celtiques. Ils auront une certaine influence, Napoléon leur demande de créer une académie celtique, dans une redécouverte de la Gaule (Napoléon : les récits d'Ossian constituent son livre de chevet qu'il lit en italien). Le Gonidec, grammairien, est le secrétaire de cette académie celtique.
L'académie sera supprimée par les Bourbons. Le Gonidec est contacté par des Gallois en 182O pour traduire la Bible en breton, toute traduction représentant alors un standard pour la langue, il en traduira une partie, et donnera les bases du breton moderne.
Les Bretons se déplacent à l'Esteffod : concours de poésie et de littérature regroupant 100 000 personnes pendant une semaine. Le Gonidec va s'y rendre pendant la monarchie de juillet. Augustin Thierry. Hersart de la Villemarqué les accompagne. La publication des Mabinogi est toute récente. En 1838, un long poème de Lamartine sera lu par la délégation bretonne. C'est l'année avant la parution du Barzaz Breizh, et Théodore Hersart de La Villemarqué va être intronisé barde par les Gallois.
Charles de Gaulle, l'oncle du Général, originaire du Nord de la France, va se passionner pour le breton. Paraplégique, il ne se déplace pas mais ½uvre à la mise en place d'une colonie mixte galloise bretonne en Patagonie.
Fin XIXe : les relations interceltiques sont plus solides, Entre Cardiff, Esteffodd, Bretagne, Irlande, Ecosse, Ile de Man,les relations interceltiques sont rendues possibles par les premières organisations politiques régionalistes en Galles, Ecosse, et Bretagne.
1898 : naissance de l'URB à Morlaix, François Jaffrenou, le Mistral breton, a appris le gallois avec F.Vallée à St Brieuc. François devient Taldir (le front d'acier).
Le Gorssedd de Bretagne : la plus vieille association interceltique
1902 : le premier congrès celtique.
Les Irlandais quittent le congrès à cause de la place des catholiques. Et la première guerre mondiale met fin aux relations interceltiques.
1916 : révolution irlandaise et guerre d'indépendance. L'interceltisme est alors un laboratoire d'idées : le mouvement breton renaît en 1919 avec Breiz Atao et des références constantes aux Irlandais. Meaven va en Irlande pour des conseils pratiques en matière («ar follezenn yaouank e bro Iwerzhon») de lutte armée. Le vicomte de Kerampuilh en 1927 part au Pays de Galles dans un but économique : comment produire de l'énergie avec de la tourbe ?
1928 : premier festival interceltique à Riec sur Belon, premier tournoi de lutte interceltique. Avec menhirs en béton et en grès...
1929 : voyage de Castellao, Galicien, voyage de plusieurs mois en Bretagne. Il revient en Galice (la Bretagne est pour lui une Galice idéale, un courant littéraire va naître, inspiré de la Bretagne). Il voulait fonder un Gorsedd de Galice.
1940 et 1950 : réinvestissement dans le culturel : Polig Monjarret invente les bagadoù.
-1961 : création d'une ligue celtique qui existe encore aujourd'hui, limitée à des questions de droits de l'homme aujourd'hui, notamment pourl'Irlande du Nord.
- 1990 : changement avec les dévolutions galloise et écossaise, régulièrement mises en avant aujourd'hui par l'UDB.
Le quatrième interceltisme
Il va naître dans les années 1980 : avec la construction européenne. Les jumelages de 200 communes bretonnes (le Léon avec le Pays de Galles, la Cornouaille et le Trégor avec l'Irlande) ont établi des liens d'amitié, mais peu de perspectives économiques, politiques et culturelles. L'interceltisme de 2013 reste à inventer, trop souvent les Bretons sont considérés comme des «Petits Poucets», pendant le festival interceltique du film. La production audio-visuelle en langue bretonne est infiniment moins importante que celle du Pays de Galles, de l'Ecosse, de la Cornouaille, de l'Irlande... Le culturel aujourd'hui a rejoint l'économique, et le secteur de l'audio-visuel peut créer des emplois, comme ceux des 3 000 salariés gallois de l'audio-visuel...
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