Pacte d'avenir: " Ici Rennes! Un Français parle aux Bretons"

Chronique publié le 9/12/13 1:04 dans Politique par Xavier Guilhou pour Xavier Guilhou
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Au lendemain de l' annonce par le gouvernement du Pacte d'avenir pour la Bretagne et dans la perspective de la signature programmée autour du 12 décembre, je n'ai pu résister à une analyse détaillée des propositions gouvernementales qui ont été rendues publiques le 4 décembre (1), et de faire quelques suggestions pour ne pas rester uniquement dans le constat ou la critique.

Dans ce nouveau papier j'aborde la question déliberemment avec mon vécu de Français vis à vis du fonctionnement de l'Etat et je demande aux Bretons de réagir et de se prononcer sur une grille de propositions afin d'essayer de sortir de cette crise économique, politique et identitaire qui est en train se s'installer dans nos pays de Bretagne.

Il est question d'un « Pacte d'avenir pour la Bretagne » avec à l'appui une enveloppe de 2 milliards pour l'horizon 2014-2020. Très franchement à l'énoncé des résultats du conseil des ministres, les préposés à ce travail d'écriture (80 pages) auraient pu avoir la décence de s'affranchir du terme « avenir ». Il s'agit bien d'un pacte pour acheter une nouvelle fois la paix civile (avec des chèques pour le secteur de l'agroalimentaire…) et la paix sociale (avec des garanties pour les syndicats…) sur cette région de révolte qu'est la Bretagne. Concrètement il n'y a que quelques dizaines de millions d'euros pour traiter les urgences, le reste étant des lignes budgétaires anticipées mais sans ressources garanties, seulement préemptées y compris au niveau de l'Europe…

Dans les faits il est clair que ce pacte va :

1) Alimenter les structures de négociation accréditées par l'Etat (réseaux professionnels et syndicats dont la représentativité est historiquement en baisse et de moins en moins légitime pour prétendre représenter ceux qui créent de la richesse dans ce pays).

2) Nourrir les structures de médiation (une fois de plus) labellisées par l'Etat avec du personnel détaché (agences gouvernementales, comités Théodule, commission, médiateurs, banque de participation et d'investissement etc.)

3) Approfondir le divorce Etat-nation en consolidant la défiance qui s'est installée entre des populations qui ne sont pas associées à la construction de la prise de décision et des élites qui improvisent une tentative de neutralisation de la colère fiscale en habillant un contrat de région en un pacte d'avenir. Que l'on ne me dise pas qu'en 15 jours on a enfin trouvé la potion magique dans les couloirs des ministères et de la préfecture de région alors que depuis 4 ans rien n'a été traité sur le fond… (voir l'excellente analyse de Christian Rogel sur les sources de la crise (voir notre article) ).

Face à ce que je considère comme un non-événement (équivalent à ce que je supporte de temps à autre dans mes obligations professionnelles avec des discours fleuves, quasi soviétiques, de ministres qui n'ont plus rien à dire et qui sont dénoués de tout charisme) que pourrions-nous faire pour sortir de l'impasse actuelle tant pour le pays que pour la région ?

Je me risque à vous livrer quelques idées

Tout d'abord pour le pays, la question fiscale étant au coeœur du pacte entre l'Etat et la nation. Avec 5 décisions majeures, nous pourrions rétablir la confiance et retrouver un peu plus de sérénité dans tous les domaines aussi bien socialement que sur le plan économique. Nous pouvons encore les prendre et ne pas attendre qu'on nous les impose de l'extérieur de façon brutale. Elles supposent un peu de courage et de détermination, mais aussi de la solidarité pour amortir les mutations sociales qui seront inévitables :

1) Resserrer le fonctionnement et le budget de l'Etat (qui n'est plus soutenable actuellement) autour de 8 fonctions majeures pour le pays (Défense, Diplomatie, Sécurité, Justice, Economie et Finance, Environnement, Santé et Education). Tout le reste est soit éliminé soit transféré aux régions ou au secteur privé.

2) Supprimer deux étages de fiscalité territoriale, en l'occurrence les communes et les départements en privilégiant un regroupement sur l'intercommunalité, les agglomérations et une mutualisation de certaines fonctions sur les régions. (2)

3) Supprimer les 50 000 agences gouvernementales et institutionnelles (qui ne servent quasiment à rien, si c'était le cas cela se saurait…. Plus le pouvoir en crée pour améliorer notre compétitivité, plus nous sommes dégradés par tous les notateurs du monde… Elles ne font par ailleurs l'objet d'aucune évaluation et l'ensemble coûte la bagatelle de 50 milliards d'euros….). En revanche elles permettent aux politiques de tous bords d'entretenir des clientèles dévouées et dédiées…surtout pour les échéances électorales

4) Rendre inconstitutionnel tout déficit public et soumettre les dettes souveraines et sociales à un seuil défini et voté par les parlementaires.

5) Contraindre socialement et politiquement le niveau d'imposition à un seuil de 40% du PIB et engager une réforme fiscale globale afin de remettre de l'équité à tous les niveaux (et non de la fausse égalité). Ce nettoyage fiscal s'accompagnerait d'un nettoyage des textes de lois et des textes réglementaires sur le plan administratif.

Pour la région (et rien de cela n'est envisageable sans une restructuration impitoyable du fonctionnement de l'Etat, un désendettement du pays et une refonte de la relation fiscale entre l'Etat et la nation) je proposerai bien (et par défaut puisque je n'en vois pas ni côté gouvernemental ni côté Bonnets rouges) une feuille de route stratégique autour de 5 points majeurs :

1) Le Premier ministre montre qu'il n'a pas peur, qu'il aime la Bretagne, qu'il a compris qu'il fallait tourner une page et qu'il était impératif d'inventer collectivement une nouvelle relation Etat/ nation. Il vient en Bretagne le 13 décembre, pas à Rennes, ni à Carhaix mais dans une ville emblématique sur le plan historique, pour annoncer qu'il remanie son gouvernement, qu'il nomme un ministre d'Etat en charge de la régionalisation, avec comme mission sur 2014 de réfléchir et mettre en œ½uvre avec la population et les institutions locales une véritable régionalisation à l'instar des provinces espagnoles et des landers allemands (qu'il connaît bien du fait de sa très bonne pratique de l'allemand). La Bretagne serait alors désignée comme région pilote avant généralisation à l'ensemble de la France. Il vient avec bien entendu le préfet de région et le président du Conseil régional, mais surtout avec des vrais patrons et responsables bretons qui incarnent la région et pas avec une cohorte de petits marquis parisiens. Il profite de cette initiative, où il incarne ce défi régional, au même titre que le défi fiscal qu'il a endossé sur le plan national, pour supprimer l'écotaxe qui sert de prétexte pour alimenter toutes les jacqueries actuelles et remettre ainsi tous les acteurs crédibles et légitimes autour de la table. Avec Le Drian ou Le Fur à la barre cette initiative permettrait de remettre de la confiance et du respect à tous les niveaux. Une signature en grande pompe à Rennes serait une catastrophe pour tout le monde….

2) Dans la foulée, le président du Conseil régional et tous les élus mettent en place une consultation locale (cf. les états généraux aux Antilles après les événements de 2009) sur la réforme territoriale : mutualisation en termes de gouvernance, médiation et transferts de compétence des agences gouvernementales vers des acteurs locaux, décentralisation fonctions Etat vers région….

3) Dans la continuité des états généraux et toujours sous la présidence du Conseil régional: Mise en oeœuvre avec les élus d'une refonte de la fiscalisation régionale

4) En parallèle remise à plat avec tous les acteurs concernés des enjeux culturels, éducatifs, identitaires en s'appuyant sur les autres expériences des pays européens

5) Enfin à tous les niveaux mise en oeuvre d'une rénovation de la gouvernance locale, dune véritable simplification administrative et décentralisation des décisions.

Quant à l'économie, on laisse les entrepreneurs à la manœoeuvre, ils savent mieux que quiconque ce qu'il faut faire pour transformer la situation et redresser les secteurs en difficulté ; ce n'est pas l'affaire de l'Etat, en revanche si les banques pouvaient faire leur métier, ce serait idéal pour imaginer une véritable sortie de crise. Dans cette perspective les banques régionales ont un rôle crucial et stratégique à jouer.

Vous allez me dire que je suis un doux rêveur, à cette heure tardive j'en conviens volontiers, maintenant les Canadiens, les Espagnols, les Suédois, etc …. l'ont fait…. Alors pourquoi pas nous ? Et pas besoin des conseils de l'Europe ou d'attendre d'être mis sous la contrainte du FMI, nous sommes suffisamment « grands » pour le faire tout seul, de plus notre Premier Ministre n'a aucune excuse, il connaît bien la région…. Il est légitime plus que quiconque pour ouvrir le champ et faire bouger les lignes. Et nous avons localement des milliers de gens intelligents qui n'attendent qu'une occasion pour servir utilement la région et le pays. …

Maintenant si vous avez d'autres idées c'est le moment d'en faire état, on ne sait jamais et qui sait. Devant le vide conceptuel qui sévit de tous les côtés, il est temps d'ouvrir le questionnement et de faire des propositions plus que des doléances.

Notes :

(1)Ce papier a été rédigé dans la continuité de la réflexion autour du mouvement des bonnets rouges, il fait suite à la chronique du 3 novembre "Ici Quimper ! Les Bretons parlent aux Français " [Voir (voir notre article) et à celle du 1er décembre "Ici Carhaix! les Bretons parlent de nouveau aux Français" (voir (voir notre article)) . Il est né des échanges denses et passionnants sur le blog de l'ABP.

(2) En ce qui concerne la simplification du mille-feuille territorial le rapport Balladur avait dans sa première version proposé 15 régions au lieu de 22. (voir (voir notre article) et (voir notre article)).


Vos commentaires :
Lundi 29 avril 2024
Xavier
Ok
Mais,je me positionne en stand by....
J'ai envoyé un mail au sieur Le FUR .
J'attends une mise en formation bretonne de tous les députés......auront ils le courage d'être des bretons avant d'être des députés bretons.
Je rappelle qu'une formation bretonne au sein de l'assemblée devient une force d'opposition sinon de nuisance au gouvernement et à tous ses diktats.
Ceci pour faire admettre nos spécificités.
Nous ne voulons pas tuer la république seulement une reconnaissance de notre et nos espaces bretons .
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