Le ministre de l'agriculture à Rennes a annoncé qu'une aide de 15 millions d'€ pourrait être débloquée sur le court terme pour aider une partie de la Bretagne (sans la Loire-Atlantique). Dans le même moment, l'Etat verse 3 milliards d'€ à Marseille pour pallier la délinquance et développer les transports dans cette ville.
La Bretagne ne réclame pas l'aumône M. Le Foll ! Nous voulons le juste retour de nos impôts en Bretagne, la fin du centralisme pompant nos hommes, nos richesses et mettre un terme aux décisions à l'encontre de notre développement. Nos intérêts ne sont manifestement pas ceux du « grand Paris » ni ceux de l'Europe Franco-Allemande mais celle de l'Europe des peuples.
Au moment où l'on assiste à des plans sociaux lourds, des licenciements massifs, nous exprimons plus que jamais notre ras-le-bol d'être étranglés sous les taxes et sous les diktats contreproductifs. La Bretagne a des circuits à développer en interne et en Europe, des marchés maritimes, des infrastructures à bâtir sans le bricolage inefficace et anti-écologique qu'on nous impose.
La révolte des Bonnets Rouges démontre s'il le fallait le peu d'utilité d'avoir des élus des partis siégeant à Paris. Que disent les députés à la réputation « bretonnante » dans cette crise ? Certains portent l'étiquette des partis les plus pro-écotaxes !
De même nous notons bien la campagne de contre-information puissante organisée, notamment par des dirigeants syndicaux au nationalisme cocardier inavouable. Les faits sont amalgamés, déformés pour répondre à la vieille devise « diviser pour mieux régner ».
Seul le vote breton pourra nous permettre de vivre, travailler et décider au pays.
Pour Vannes 2014,
Bertrand Deléon
■Le détournement du symbole des Bonnets Rouges s'est construit habilement à Pont de Buis, par le côté visuel cher aux médias et par l'amnésie collective du contenu de cette révolte historique, avec ses revendications égalitaires, décentralisatrices et les actions prémonitoires de la tempête révolutionnaire un siècle plus tard. Aujourd'hui qu'est ce que les bonnets rouges de 2013 annoncent en réalité?
- Laissons de côté le réveil de l'agro business qui s'entête avec les vieilles recettes pour continuer à faire son beurre (recettes qui marchent plus que jamais aux USA avec les multinationales Monsanto, International Harvester et autres trusts subventionnés par l'administration, mais qui en Europe entrent en contradiction avec le pseudo libéralisme censé gérer les rapports entre économies respectives des états de l'UE).
- les bonnets rouges de 2013 annoncent les premières résistances spectaculaires et collectives à la réorganisation accélérée du territoire hexagonal en métropoles, seule échelle susceptible, aux yeux des aménageurs, de permettre de résister à la compétition capitaliste internationale. Face aux délocalisations vers les économies émergentes ou nouvellement développées (Asie, Amérique Latine, Afrique), pour cause de main-d'oeuvre bon marché, de demande de consommation et de lois favorables au business débridé et ravageur, l'état français et Bruxelles soutiennent certains pôles de regroupement de moyens humains, financiers, logistiques, culturels: Marseille, Lille, Toulouse.... Nouvelle recette magique des technocrates!
En Bretagne le projet de métropole Saint-Nazaire/Nantes/Rennes tient la corde pour réorganiser autour de lui tout le «Grand Ouest» et ses six millions d'habitants, mais il va falloir liquider certains «archaïsmes»... Car la Bretagne a maintenu un réseau de villes petites et moyennes sur son territoire par l'attachement de ses populations à leurs racines (plus fort taux de propriétaires de leur logement, plus fort taux de réseaux associatifs, dynamisme culturel spécifique, pratiques collectives de résistance à Plogoff, au Carnet, à l'ANDRA, à Notre Dame des Landes, à Carhaix...).
La petite paysannerie a été taxée de retardataire, obscurantiste - les« ploucs» bretons- pour pousser la compétition entre producteurs, concentrer les terres et capitaliser l'agriculture. Aujourd'hui l'autonomie des producteurs rescapés face aux banques (Crédit Agricole), au machinisme agricole, aux semenciers internationaux, à la grande distribution, et aux fermes de 1000 vaches annoncées, se réduit toujours plus ... Pour Bruxelles et Paris, il faut «rationaliser» tout ça.
Si la révolte est partie du centre Bretagne, c'est bien parce que géographiquement ce territoire a bénéficié déjà de l'exemple de résistances collectives et de réseaux existants toujours actifs pour pouvoir réagir, mais aussi d'une lisibilité d'intérêts communs qui ont poussé les gens à se regrouper et se lancer dans l'action, malgré les encouragements à l'attentisme, à la passivité, face aux appels des médias à la délégation de pouvoir aux spécialistes, économistes, politiciens, bureaucrates syndicaux parisiens.
La manifestation de Quimper du 2 novembre est éclairante là-dessus. Que ce soit le patronat ou les syndicats, presque tous se sont retrouvés divisés sur une base territoriale entre les directions régionales/hexagonales d'un côté (MEDEF, FNTR, FNSEA, CGT, Solidaires,.. il suffit de lire leurs communiqués sur leurs sites respectifs) et les acteurs locaux de l'autre (qui sont allés à Quimper). Les premiers n'appelaient pas à manifester - ou bien à Carhaix-, contrairement aux autres qui voient les conséquences du nouveau cours de l'économie, à l'oeuvre aujourd'hui: un nouvel exode rural, une dégradation de leurs conditions de vie (quand le dumping social européen aura réduit à néant les garanties salariales et le revenu indirect, assurance maladie, retraites, allocations et aides sociales).
Cette résistance au réaménagement du territoire et de nos vies trouve une illustration singulière avec la résistance au projet d'aéroport de Notre Dame des Landes. Ce projet, de l'aveu même du PDG de Vinci Aéroports, Notebaert, ne se justifie aucunement pour des raisons aéronautiques mais d'organisation territoriale des flux autour de la métropole nantaise. Par exemple assécher tous les aéroports du Grand-Ouest en les concentrant dans un hub air-rail-route-mer... Face à ce projet de Nantes Métropole (ou devrait-on dire, de Nantes Nécropole), qui émerge depuis une vingtaine d'années, la population de Loire-Atlantique, et plus particulièrement du nord du département autour de Notre Dame des Landes, résiste.
Sur le terrain plusieurs expérimentations sont en cours, petites et limitées certes, avec le soutien de paysans du COPAIN 44 autour de l'expérience Séme ta ZAD, à contre courant du productivisme breton qui apparaît encore en Bretagne à beaucoup comme la seule issue possible encore aujourd'hui, certes. Mais si nous voulons vivre, travailler et décider au pays, sans destruction de la nature, sans exploitation des humains et sans condamner l'avenir, nous ne pouvons plus confier nos destins à ceux qui les ont menés dans l'impasse actuelle.
Si la résistance bretonne au déménagement du territoire et de nos vies doit ouvrir de nouvelles pistes alternatives à l'impasse du productivisme ou à l'exode programmé, c'est à mon sens en prêtant toute l'attention nécessaire à cette lutte près de Nantes qui expérimente grandeur nature, avec très peu de moyens, une autre façon de vivre, produire et décider au pays.