Pour vivre, décider et travailler en Bretagne, Kevre Breizh, coordination des associations culturelles de Bretagne, appelle à la manifestation pour l'emploi à Quimper samedi 2 novembre à 15 heures place de la Résistance.
La suspension de l'écotaxe ne règle pas les difficultés économiques, ni le problème du « mal français » dont les révoltes périodiques sont la manifestation, particulièrement dans les périphéries de l'État : un jour en Corse, un autre au Pays basque, puis dans les banlieues urbaines ou encore en Guadeloupe (1) et aujourd'hui à la pointe de la Bretagne. Elles témoignent de l'ignorance et du mépris d'une bourgeoisie d'État parisienne envers « la province », synonyme de pays conquis, de décisions autoritaires, sans respect d'une démocratie réelle, ni des différentes identités et situations. C'est cette arrogance du pouvoir qui pousse à la violence pour se faire entendre. Pour illustrer cette domination, le géographe Jean Ollivro souligne que 90% de ceux qui sortent de l'ENA sont nés à Paris et que 70% des journalistes français travaillent en région parisienne (2). On sait aussi que 95% des charges sociales des entreprises audiovisuelles sont versées en Ile-de-France (3).
D'un gouvernement à l'autre, la décentralisation n'avance pas. Pire : le fameux « Acte 3 de la décentralisation », par la création de métropoles, accouche d'un grave recul de la régionalisation, accentue les inégalités, voire organise le déménagement du territoire pour la Bretagne occidentale. La ratification de la Charte européenne des langues régionales est sacrifiée sur l'autel de « l'unicité du peuple français », dogme néo-républicain qui nie la diversité culturelle de la France, et impose de fait l'inégalité des droits selon que l'on appartienne à l'élite de la communauté dominante, ou à une communauté dominée dont les Bretons font partie.
Ni le libéralisme à tout crin et à courte vue, ni l'étatisme bureaucratique n'apporteront de solution à l'emploi en Bretagne qui a besoin de cohésion sociale, d'une vision d'avenir et d'une harmonisation des règles sociales et fiscales au niveau européen.
Les Bretons attendent une véritable reconnaissance, des institutions propres dotées de moyens juridiques et fiscaux, ainsi qu'un véritable pouvoir pour décider de leur avenir collectif. La Bretagne reste un nain politique, coupée entre deux régions administratives, avec un budget ridicule dépendant à 90% de transferts de l'État, contrairement aux autres régions européennes comparables dans des grands États qui ont su adapter leur organisation politique, comme l'Espagne, le Royaume Uni, ou l'Italie ou un État fédéral comme l'Allemagne.
Nous voulons :
- la reconnaissance en tant qu'entité sur le territoire des cinq départements bretons, avec le droit et les moyens de développer nos langues et nos cultures, notre histoire, porteuses de lien social et d'emplois diversifiés, permettant l'expression et la diffusion de tous nos talents,
-un grand service de l'audiovisuel, créateur d'emplois plus équitablement répartis, moyen d'expression de la vie économique, sociale, culturelle et politique de la Bretagne, financé par la retenue de 50% de la redevance collectée dans les cinq départements bretons,
-le droit pour le Département de Loire-Atlantique de choisir sa région d'appartenance.
Si une alternative politique n'est pas apportée aux Bretons en réponse à leurs aspirations, à leurs capacités et à leur ouverture sur le monde, le rejet du pouvoir se renforcera encore, faisant monter les forces xénophobes, anti-européennes et autoritaires, dont la Bretagne a jusqu'aujourd'hui été relativement préservée.
KEVRE BREIZH
(1) «La Gwadloup sé tan nou, la Gwadloup a pa ta yo : yo péké fè sa yo vlé an péyi an-nou» (La Guadeloupe nous appartient, elle ne leur appartient pas : ils ne feront pas ce qu'ils veulent dans notre pays). Chant de la Manif 2009 en Guadeloupe. (2) « La Machine France » - Éditions du Temps, Nantes – (3) Étude association « Film en Bretagne”
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