En signant, en juin dernier, l'appel du collectif Vigilance Arménienne contre le Négationnisme (VAN), - appel publié dans le Nouvel Observateur du 5 juin 2013 sous le titre : «TURQUIE. 76 journalistes en prison : il faut soutenir la liberté d'expression» - (voir le site) l'association Amitiés kurdes de Bretagne (AKB) appelait à soutenir tous les démocrates, turcs, kurdes, arméniens, qui luttent en Turquie pour la liberté d'expression, et demandait la libération de tous les prisonniers politiques. Les plus connus de ce procès sont sans doute Ragip Zarakolu, directeur des éditions Belge, arrêté le 28 octobre 2011 à Istanbul, en liberté conditionnelle, (voir le site) et son fils, Deniz Zarakolu, toujours en détention. Les éditions Belge sont notamment «coupables» d'avoir publié «Le dossier KCK : l'Etat global et les Kurdes sans Etat», ouvrage d'investigation journalistique de (voir le site) l'écrivain kurde Mehmet Güler, détenu à Van, dans lequel il décrit le KCK comme ayant le projet d'établir un régime «confédéraliste démocratique» en Turquie. Le procès concerne aussi la professeure Büşra Ersanlı, (voir le site) (aujourd'hui en liberté conditionnelle), experte en droit constitutionnel et membre du Parti pour la paix et la démocratie (BDP) interpellée avec des dizaines d'autres Kurdes ce même 28 octobre 2011.
Le site A.K.B. (voir le site) attire régulièrement l'attention de ses lecteurs sur cette situation inacceptable qui perdure en Turquie.
Séta Papazian, présidente du Collectif VAN signe un nouvel article dans la Huffington post : «Aristote, la bête noire de la justice turque» (voir le site) , dénonçant l'hypocrisie de la diplomatie «néo ottomane» qui, d'un côté, présente des «effets d'annonces» comme des réformes démocratiques et qui, d'un autre, laisse croupir depuis des années 7 000 prisonniers politiques. Elle rappelle qu'un «procès ubuesque se déroule depuis des mois à 67 km d'Istanbul». L'audience actuelle, en cours depuis le 1er octobre, s'achèvera le 10 au soir. Le verdict est attendu.
«Ce procès-fleuve, digne de ceux que l'Europe dénonçait à l'époque stalinienne, voit défiler dans le box qui peut contenir 180 accusés, des centaines de prévenus, arrêtés arbitrairement entre 2009 et 2011 dans le cadre des Opérations KCK [Union des communautés du Kurdistan]. Lors de l'audience qui s'est déroulée du 9 au 20 septembre dernier dans l'immense complexe pénitencier de Silivri, 205 militants et défenseurs des droits de l'homme étaient »jugés«, dont seulement 108 comparaissaient libres».
Le chercheur Etienne Copeaux s'interroge: «Le système de perversion du droit que nous observons en Turquie ne va-t-il pas devenir ordinaire en Europe et dans le monde?». Et Séta Papazian d'ajouter :
«On l'a vu, les lois anti-terroristes en vigueur en Turquie renforcent la tendance du pouvoir d'Ankara à assimiler journalisme critique et terrorisme. Par le biais de ces accords interétatiques, les dérives autoritaires de l'Etat turc font leur lit en Europe: en défendant les droits des démocrates turcs, ce sont également nos propres libertés que nous défendons».
Nous rappellerons ici que nous avions fait part des mêmes craintes au vu des accords sécuritaires signés entre la France et la Turquie et devant être soumis au vote du Parlement. Que nous intervînmes auprès du Président de la République pour lui demander de dénoncer ces accords. (voir le site) Que l'attention des parlementaires avait également été attirée par divers interventions d'ONG, de syndicats et de partis politiques, et par la pétition lancée par la Coordination nationale Solidarité Kurdistan. La Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale qui devait examiner le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de «coopération dans le domaine de la sécurité intérieure signé entre la France et la Turquie le 7 octobre 2011», alertée par ces interventions, décida sagement le report de cet examen. (voir le site)
André Métayer
Photo (avec l'aimable autorisation du Collectif VAN) :
Ragip Zarakolu et Séta Papazian le 22 avril 2013 à Istanbul.
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