C'est en la qualifiant « d'historique » que le premier ministre turc et chef du parti islamo-conservateur AKP, RT Erdogan, a rendu public « sa » réforme tant attendue, devant ouvrir la voie à une vraie démocratisation de la Turquie et devant trouver une issue négociée au conflit kurde, comme pouvaient le laisser entendre les pourparlers entre les représentants de l'Etat turc et Abdullah Öcalan, le leader des Kurdes.
La déception est grande à l'annonce d'une série de mesures essentiellement guidées par des préoccupations électoralistes : il ne s'agit pas de proposer un programme de démocratisation mais de gagner des élections, locales et présidentielles en mars et en août 2014 et législatives en 2015. La paquet de mesures prévoit que l'enseignement en langue kurde sera désormais autorisé en Turquie, mais dans les écoles privées et payantes seulement, que le port du voile ne sera plus interdit dans la fonction publique (à l'exception des juges, des procureures, des policières et des militaires), qu'il sera possible, sans être poursuivi par la justice, d'user officiellement des lettres spécifiques à l'alphabet kurde (Q,X,W), qu'il sera donné à l'Université de Nevşehir le nom de l'un des fondateurs de l'alévisme, Haci Bektaş, que le monastère de Mor Gabriel sera rendu définitivement aux Syriaques, et que des minorités telles que les Roms, les Alévis, les Syriaques jouiront de plus de libertés (sans plus de précisions), que sera supprimé le serment que les écoliers doivent réciter chaque matin : « Je suis turc, je suis juste, je suis travailleur...Heureux qui se dit Turc ».
Le Premier ministre promet, en outre, une discussion sur l'abaissement du seuil de 10% des suffrages nécessaire pour entrer au Parlement de renforcer le financement des partis politiques et enfin d'améliorer les libertés fondamentales (droit de manifester, liberté d'expression).
Le « paquet démocratique » du gouvernement a été accueilli avec déception par les partis de l'opposition et les ONG. C'est le moins qu'on puisse dire !
Le paquet de réformes qui a été annoncé démontre que l'AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir) a adopté une politique de non résolution de la question kurde, a déclaré la direction du PKK à l'agence de presse kurde Firat.
Gültan Kisanak, vice-présidente du Parti pour la Paix et la Démocratie (BDP), a froidement accueilli cette série de réformes : «soyons clairs : c'est un paquet qui ne répond aux intérêts de personne. Ce n'est pas un ensemble de réformes qui répond aux besoins de démocratisation de la Turquie.»
Les revendications du mouvement kurde, comme l'inscription d'une référence explicite à l'identité kurde dans la Constitution et une révision de la loi antiterroriste de façon à permettre la libération de milliers de militants kurdes détenus pour des liens supposés avec le PKK, n'ont même pas été évoquées par le chef de gouvernement.
Pour le journal Zaman, le Premier ministre Erdogan a mis l'accent sur deux points concernant les limites des réformes :
- «Vous ne pouvez pas imposer un programme uniforme ou libertaire qui dépasse ce que peuvent accepter les citoyens. Nous essayons de construire une démocratie avec notre peuple».
- «Ces réformes n'ont été négociées avec aucun parti».
C'est donc un pur produit de l'AKP.
André Métayer
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