Bientôt 1999 cochons près de chez vous sans autorisation

Communiqué de presse publié le 31/07/13 10:06 dans Agriculture par Fanny Chauffin pour Festival Taol Kurun
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Algues vertes, cyanobactéries, faillite des abattoirs, agriculteurs en détresse : les seules solutions visibles ne semblent pas être les meilleures

Nous retransmettons le coup de gueule d'Yves Marie le Lay, Président de Sauvegarde du Trégor

"Cela arrivera près de chez vous : 1999 cochons presquʼà domicile. Heureux seront les Bretons surtout, mais tous les citoyens français aussi, de découvrir bientôt peut-être à leur porte une porcherie de 1999 cochons sans quʼils nʼen aient rien su.

Finies les longues enquêtes publiques ! Finie lʼinformation sur les risques environnementaux que posent de tels élevages ! Et afin que les nuisances soient encore plus proches des gens, rien nʼempêchera lʼadministration préfectorale dʼaccorder une dérogation aux 100 mètres règlementaires des habitations proches, comme elle le fait déjà si souvent. On imagine les motifs dʼune colère bien légitime de ces citoyens bien ordinaires confrontés à cette situation fréquente après la décision du Ministre de lʼAgriculture de faire passer le seuil dʼautorisation dʼouverture dʼune porcherie de 450 à2000 cochons. Que faire alors pour une personne victime immédiate de telles nuisances ?

La première solution est dans la fuite. En ces temps de chaleur, quitter son logis loin des odeurs du noir lisier, se réfugier sur les plages en bord de de mer. Mal lui en prendra ! Elle tombera de Charybde en Scylla. Le noir jus de la putréfaction des marées vertes ne manquera pas dʼattirer son odorat. Du moins on lʼespère, parce que, si elle ne sent plus cette odeur dʼoeufs pourris, cʼest quʼelle est en cours dʼintoxication aiguë à lʼhydrogène sulfuré.

On ne peut même pas conseiller à ce citoyen dépité une échappée belle à la campagne, près dʼun lac ou dʼune retenue dʼeau. Certes, il pourra y dormir sans être dérangé par quelques mauvaises effluves. Mais quʼil ne songe pas à plonger dans lʼonde pure. Sans même boire la tasse, il lui suffira de quelques gouttes avalées en nageant pour prendre une dose dʼalgues bleues toxiques.

Où peut-il aller alors pour goûter pleinement des beautés de la Bretagne ? Il lui reste pour cela quelques caps abrupts battus des flots et des vents à escalader. Ou quelques îlots rocheux à découvrir à grande marée basse. Et encore ne faut-il pas que leur accès soit interdit parce quʼils sont privés ou réservés aux oiseaux. Plus sagement, il pourra arpenter les landes dénudées des Monts dʼArrée. Bref, il se remémorera lʼancienne devise du Comité Régional du Tourisme : Bretagne tonique !

Mais, quʼil soit du cru ou dʼailleurs, sʼil veut découvrir en famille, plus paisiblement les charmes de cette si belle région, quʼil reste chez lui ! Cʼest là quʼil est le plus en sécurité, moyennant bien sûr quelques menus arrangements. Dʼabord, bien se calfeutrer. Il ne faut pas hésiter à bien isoler toutes les ouvertures, et même à construire un sas dʼentrée. Les arrivées dʼair doivent être filtrées grâce à une climatisation adaptée. Ainsi, finie la puanteur du lisier ! En outre, tous ces travaux lʼéloigneront presque magiquement des bruits des 1999 cochons de voisins.

Quʼil sʼassure aussi dʼavoir fait le plein de bouteilles dʼeau des Alpes, cette autre belle région où les porcheries sont plus rares. Réserver lʼeau du robinet pour la toilette du linge et du corps, et encore peut-être pas la toilette intime.

Là, dans son fauteuil, entouré de femmes et enfants, quʼil ouvre la télévision ou ses journaux. Il découvrira des plages magnifiques où il fait si bon se baigner, des ruisseaux charmants qui alimentent des fontaines discrètes, mille et un monuments inoubliables, et même des vaches dans les prés et des cochons sur la paille, visiblement dʼune autreespèce que celle de ses 1999 voisins.

Ah que la Bretagne est belle à travers tant dʼécrans ! Et tout ça pour lui tout seul et sa famille. En plus il apprendra à cuisiner lʼartichaut de la SICA avec le porc de la COOPERL, et même les algues avant quʼelles ne pourrissent. Enfin, il verra bien que la Bretagne se cultive et sʼamuse. Que de festivals, de festou noz, dʼexpositions, de manifestations sportives auxquels il assiste aux premières loges !

Ainsi rassuré, calmé dʼune colère outrancière, il sera reconnaissant au gouvernement dʼune telle clairvoyance dans ces décisions. Autoriser une porcherie de 1999 têtes près de chez lui, sans même lʼen informer nʼest finalement pas un drame. Après tout, un peu de pollution, cela nʼa jamais fait de mal. Et même, là où la pollution se développe, cʼest là où lʼemploi prospère. Il suffit de regarder la Chine ! Et lʼemploi, nʼest-ce pas lʼavenir de ses enfants ?

Devant les belles images de la Bretagne qui défilent devant les yeux, il se dit quʼil a de la chance dʼêtre dans un pays si bien gouverné, avec un si bon usage des deniers publics; quʼil ne regrette pas son choix de mai 2012; enfin quʼil faut en finir avec le pessimisme ambiant ! Il vit ou passe ses vacances dans la plus belle région de France. Nʼest-ce pas cela lʼessentiel ?"

Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor


Vos commentaires :
Dimanche 5 mai 2024
L'arme chimique militaire est interdite (voir la Syrie, par exemple).

L'arme chimique économique est tolérée, voire encouragée (voir le grand Kapital et la Bretagne, par exemple).

Que faudra-t-il donc pour que les mentalités changent? Pourtant, tout le monde -enfin, j'espère! - est peu ou prou conscient que l'avenir ne s'écrira pas avec du lisier ou de la mélasse verte.

Il y a une composante technique, à la résolution de ce problème, mais pas seulement.

Oui,les abeilles sont sévèrement atteintes, et elles ont un rôle environnemental et économique de première grandeur. Un agriculteur qui oublie d'être paysan, à mon avis, ferme les portes de notre avenir à tous.


Oui, la Bretagne a connu la misère au XIX et jusqu'après la seconde guerre mondiale. Mais plus avant dans l'histoire elle avait été prospère. La politique française a délibérément conduit à son asphyxie, en lui faisant - par choix politique - rater le premier train du développement économique (XIX. I reste à la Bretagne à prendre le nouveau train du développement économique. En matière d'agriculture, cela passe nécessairement par l'objectif de la qualité, dans le résultat (les produits offerts) et dans la manière d'y parvenir (état des terres, des cours d'eau, qualité des élevages).

Je parle ici en simple consommateur (bien que je n'aime pas du tout ce mot), mais aussi en homme sensible aux questions d'aujourd'hui, et enfin en personne encore suffisamment proche de l'agriculture bretonne. Et certainement pas en privilégié!

«Re gozh an douar evit ober goap outañ!». Trop vieille la terre pour que l'on se moque d'elle! Remarque: en breton, les deux mots-clé «an douar» (la terre) et «an dour» (l'eau) sont du genre masculin. Ceci n'est sans doute pas anodin.

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