Algues vertes, cyanobactéries, faillite des abattoirs, agriculteurs en détresse : les seules solutions visibles ne semblent pas être les meilleures
Nous retransmettons le coup de gueule d'Yves Marie le Lay, Président de Sauvegarde du Trégor
«Cela arrivera près de chez vous : 1999 cochons presquʼà domicile. Heureux seront les Bretons surtout, mais tous les citoyens français aussi, de découvrir bientôt peut-être à leur porte une porcherie de 1999 cochons sans quʼils nʼen aient rien su.
Finies les longues enquêtes publiques ! Finie lʼinformation sur les risques environnementaux que posent de tels élevages ! Et afin que les nuisances soient encore plus proches des gens, rien nʼempêchera lʼadministration préfectorale dʼaccorder une dérogation aux 100 mètres règlementaires des habitations proches, comme elle le fait déjà si souvent. On imagine les motifs dʼune colère bien légitime de ces citoyens bien ordinaires confrontés à cette situation fréquente après la décision du Ministre de lʼAgriculture de faire passer le seuil dʼautorisation dʼouverture dʼune porcherie de 450 à2000 cochons. Que faire alors pour une personne victime immédiate de telles nuisances ?
La première solution est dans la fuite. En ces temps de chaleur, quitter son logis loin des odeurs du noir lisier, se réfugier sur les plages en bord de de mer. Mal lui en prendra ! Elle tombera de Charybde en Scylla. Le noir jus de la putréfaction des marées vertes ne manquera pas dʼattirer son odorat. Du moins on lʼespère, parce que, si elle ne sent plus cette odeur dʼoeufs pourris, cʼest quʼelle est en cours dʼintoxication aiguë à lʼhydrogène sulfuré.
On ne peut même pas conseiller à ce citoyen dépité une échappée belle à la campagne, près dʼun lac ou dʼune retenue dʼeau. Certes, il pourra y dormir sans être dérangé par quelques mauvaises effluves. Mais quʼil ne songe pas à plonger dans lʼonde pure. Sans même boire la tasse, il lui suffira de quelques gouttes avalées en nageant pour prendre une dose dʼalgues bleues toxiques.
Où peut-il aller alors pour goûter pleinement des beautés de la Bretagne ? Il lui reste pour cela quelques caps abrupts battus des flots et des vents à escalader. Ou quelques îlots rocheux à découvrir à grande marée basse. Et encore ne faut-il pas que leur accès soit interdit parce quʼils sont privés ou réservés aux oiseaux. Plus sagement, il pourra arpenter les landes dénudées des Monts dʼArrée. Bref, il se remémorera lʼancienne devise du Comité Régional du Tourisme : Bretagne tonique !
Mais, quʼil soit du cru ou dʼailleurs, sʼil veut découvrir en famille, plus paisiblement les charmes de cette si belle région, quʼil reste chez lui ! Cʼest là quʼil est le plus en sécurité, moyennant bien sûr quelques menus arrangements. Dʼabord, bien se calfeutrer. Il ne faut pas hésiter à bien isoler toutes les ouvertures, et même à construire un sas dʼentrée. Les arrivées dʼair doivent être filtrées grâce à une climatisation adaptée. Ainsi, finie la puanteur du lisier ! En outre, tous ces travaux lʼéloigneront presque magiquement des bruits des 1999 cochons de voisins.
Quʼil sʼassure aussi dʼavoir fait le plein de bouteilles dʼeau des Alpes, cette autre belle région où les porcheries sont plus rares. Réserver lʼeau du robinet pour la toilette du linge et du corps, et encore peut-être pas la toilette intime.
Là, dans son fauteuil, entouré de femmes et enfants, quʼil ouvre la télévision ou ses journaux. Il découvrira des plages magnifiques où il fait si bon se baigner, des ruisseaux charmants qui alimentent des fontaines discrètes, mille et un monuments inoubliables, et même des vaches dans les prés et des cochons sur la paille, visiblement dʼune autreespèce que celle de ses 1999 voisins.
Ah que la Bretagne est belle à travers tant dʼécrans ! Et tout ça pour lui tout seul et sa famille. En plus il apprendra à cuisiner lʼartichaut de la SICA avec le porc de la COOPERL, et même les algues avant quʼelles ne pourrissent. Enfin, il verra bien que la Bretagne se cultive et sʼamuse. Que de festivals, de festou noz, dʼexpositions, de manifestations sportives auxquels il assiste aux premières loges !
Ainsi rassuré, calmé dʼune colère outrancière, il sera reconnaissant au gouvernement dʼune telle clairvoyance dans ces décisions. Autoriser une porcherie de 1999 têtes près de chez lui, sans même lʼen informer nʼest finalement pas un drame. Après tout, un peu de pollution, cela nʼa jamais fait de mal. Et même, là où la pollution se développe, cʼest là où lʼemploi prospère. Il suffit de regarder la Chine ! Et lʼemploi, nʼest-ce pas lʼavenir de ses enfants ?
Devant les belles images de la Bretagne qui défilent devant les yeux, il se dit quʼil a de la chance dʼêtre dans un pays si bien gouverné, avec un si bon usage des deniers publics; quʼil ne regrette pas son choix de mai 2012; enfin quʼil faut en finir avec le pessimisme ambiant ! Il vit ou passe ses vacances dans la plus belle région de France. Nʼest-ce pas cela lʼessentiel ?»
Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor
■Laissons à certains leur négationnisme quant à la réalité des pollutions environnementales en Bretagne. Celles des cours d'eaux, celles des points de captage d'eau de consommation et celles des plages, dont l'aspect verdoyant et l'odeur sulfureuse n'abusent plus personne.
Laissons aux esprits sourds la mélopée des cocoricos poussés par quelques zélés bipèdes abusés par les sirènes du lobby agricole. Ils doivent pour réussir leurs étés réussis apprécier de baigner leurs petons délicats dans les couches souples et parfumés, devenant vite putrides, prospérant sur les plages des magnifiques baies bretonnes. Que ce soient celles de Saint-Brieuc, de Lannion, de Fouesnant, de Douarnenez, de Plouescat, de Guissény, de Morlaix, etc. La liste est longue des plages à la salubrité douteuse.
Malgré la noria des pelleteuses engagées et payées par les communes touchées, du Nord au Sud de la Bretagne. Et qui espèrent vainement cacher leur misère, ou au moins être remboursées un jour par l'Etat et faire cesser les méfaits des pollueurs, et continuer à attirer autant de visiteurs.
Demandez-donc ce qu'en pensent les amateurs de baignade qui désertent les eaux troubles de Mousterlin, à Fouesnant, du Ris, à Douarnenez, de la lieue de Grèves entre Plestin et Saint-Michel-en Grèves et tous les nombreux autres petits coins charmants traditionnellement appréciés des familles avant la vague verte nourrie de nitrates et pesticides ?
Mais les chiffres valent mieux que les exaspérations. Donnons donc les chiffres-clés du Ministère de l'Ecologie et du développement sur la pollution par nitrates et le coût du ramassage des algues vertes pour la collectivité. Les chiffres parlent avec vigueur de la situation réelle de notre environnement.
«- Entre 40 000 et 70 000 m3 d’algues vertes s’échouent chaque année sur le littoral breton, essentiellement des Côtes-d’Armor et du Finistère.
- Coût du ramassage : 300 à 500 000 euros par an, pris en charge par les communes et les conseils généraux des Côtes-d’Armor et du Finistère
- Concentration moyenne des rivières bretonnes en nitrates : 36, 5 mg /l aujourd’hui (niveau autorisé pour l’eau potable : 50 mg/l)»
Aujourd’hui, environ 55 % de la surface agricole de la France est classée en zone vulnérable, cela correspond aux régions où l’activité agricole est la plus importante. Cette révision s’est traduite par le classement de 1 440 communes supplémentaires aux quelque 18 400 communes déjà concernées, essentiellement localisées dans les bassins Adour-Garonne, Loire-Bretagne, Rhône-Méditerranée et Seine-Normandie. 617 communes ont été déclassées au vu de l’amélioration ponctuelle de la qualité des eaux superficielles et souterraines traduisant les efforts réalisés par les agriculteurs dans la maîtrise des pollutions azotées. Ces communes déclassées sont essentiellement localisées dans les bassins Adour-Garonne et Artois-Picardie.
Selon le SDAGE Loire-Bretagne no 12 du 12 février 2013 : « La liste des zones vulnérables à la pollution par les nitrates d’origine agricole du bassin Loire-Bretagne a été mise à jour par un arrêté du préfet coordonnateur de bassin le 21 décembre 2012. Cet arrêté fait suite à l’avis favorable du comité de bassin du 13 décembre 2012. 434 nouvelles communes sont concernées par le classement et 17 communes sont déclassées.»
On voit donc que 17 communes de la grande région Bretagne-Loire sont revenues à meilleure fortune environnementale, tandis que 434 communes supplémentaires entrent dans la catégorie des communes vulnérables. Un sacré satisfecit !
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25 août 2013 | Par michel kerninon
Le Télégramme du samedi 24 août a cru pouvoir titrer à sa «Une» : Marées vertes : un important reflux. Le titre triomphant du quotidien de la pointe de Bretagne a fait bondir plus d'un lecteur. Au demeurant, le dossier des pages intérieures du quotidien fait état d'une réalité beaucoup plus contrastée sur le terrain. Et l'article évoque une évolution légèrement favorable due plus à la bonne conjoncture climatique qu'aux efforts réels de quelques éleveurs. Le contenu de l'article faisant ainsi mentir grossièrement le titre de présentation en première page.
PAS DE QUOI PAVOISER
On croyait avoir progressé dans la prise de conscience de la pollution de l'eau. Malgré des cocoricos hâtifs, l'examen précis de la situation par les scientifiques laisse toujours craindre le pire pour la qualité de l'eau publique et la salubrité des estrans.
Sous prétexte que la situation se serait légèrement améliorée dans certains secteurs, en raison de la bonne volonté des éleveurs les plus consciencieux dans quelques bassins versants et du travail tenace des collectivités, il serait déraisonnable de dédouaner le monde agricole intensif de pratiques qui ont abouti à la situation actuelle. Certains captages importants, comme celui de l'Horn, par exemple, insalubres, ont dû être fermés et remplacés par de nouveaux captages, à très grands frais pour la collectivité.
La France est toujours sous la menace de très lourdes pénalités de la part de l'Europe pour ses taux de pollutions importants.
Beaucoup de secteurs des côtes finistériennes et costarmoricaines sont affectés par des taux excessifs en nitrates, phosphates et herbicides, relevés en 2012-2013 dans les cours d'eau. Ils demeurent très alarmants et nettement au-dessus des normes tolérées. Il suffit pour le savoir de regarder les cartes établies par les départements et de consulter les statistiques publiées par les syndicats des bassins versants, dans toute la Bretagne.
On ne peut donc se satisfaire de quelques améliorations, parfois conjoncturelles et climatiques, parfois consécutives à une prise de conscience réelle des dangers. Sans même évoquer, en outre, dans le processus de retour à la salubrité des eaux courantes, la disparition «sauvage» de zones humides entières qui jouaient un rôle primordial dans le filtrage des eaux de surface. Et qu'il sera désormais très difficile de rétablir ou de compenser, comme l'exige la Loi sur l'eau.
On ne peut pas se féliciter de la situation ni de répits relatifs observés ici ou là. Et d'ailleurs la lecture attentive de l'article paru dans Le Télégramme le samedi 24 août corrobore tout à fait le fait que rien n'est réglé pour la quasi totalité du territoire breton, du nord au sud, sur les côtes de La Manche comme sur le littoral atlantique.Certains esprits peu scrupuleux ou intéressés à ce que rien ne change voudraient minimiser les causes et les effets de l'importante présence d'algues vertes sur la côte bretonne, en particulier dans les baies de Lannion, Saint-Brieuc, Douarnenez, Fouesnant, et celles du Haut-Léon, zone en grand danger. Mais leur responsabilité propre, façon de parler, et celle de leurs soutiens doit être dénoncée. Les impôts de tous les contribuables sont effectivement mis à contribution pour pallier la négligence de quelques irresponsables. Et la santé de tous est menacée.
DES CHIFFRES IMPITOYABLES
Eaux et Rivières a récemment mis en relief, sous forme d'infographies, les statistiques officielles relevant la part respective des catégories de contributeurs à l'impôt sur le traitement de l'eau. On y voit clairement que les pollueurs, qu'ils soient agricoles ou industriels, ne sont majoritairement pas les meilleurs contributeurs à l'effort de remise en état des zones touchées par les pollutions, pour l'essentiel à la charge des particuliers. Victime dans sa santé, le citoyen supporte aussi une injustice sociale et fiscale inacceptable et c'est la double punition.
Nota. Sur ce sujet extrêment sensible et biaisé par le lobby porcin breton et ses soutiens, les défenseurs locaux de l'environnement, et en particulier Yves-Marie Le Lay, président de l'association Sauvegarde du Trégor, n'ont pas tardé à protester contre le parti-pris du quotidien finistérien, dont ils disent, et le lecteur peut s'en rendre compte, qu'il fait peu de cas de leurs réunions d'information tant dans l'annonce que dans le compte rendu de celles-ci comme de leurs interventions sur le terrain. C'est d'ailleurs pourquoi, les défenseurs bretons de l'environnement, pour une fois agréablement surpris, avaient applaudi chaleureusement la lecture faite au haut-parleur de l'excellent billet de l'écrivain Hervé Hamon paru dans Le Télégramme au moment des manifestations sur la vasière meurtrière de Saint-Michel-en-Grèves (22) à l'été 2009. Le Télégramme n'ayant généralement pas bonne presse auprès des défenseurs de l'environnement s'estimant peu écoutés de la part de la direction éditoriale du quotidien majoritaire dans le Finistère.
L'arme chimique économique est tolérée, voire encouragée (voir le grand Kapital et la Bretagne, par exemple).
Que faudra-t-il donc pour que les mentalités changent? Pourtant, tout le monde -enfin, j'espère! - est peu ou prou conscient que l'avenir ne s'écrira pas avec du lisier ou de la mélasse verte.
Il y a une composante technique, à la résolution de ce problème, mais pas seulement.
Oui,les abeilles sont sévèrement atteintes, et elles ont un rôle environnemental et économique de première grandeur. Un agriculteur qui oublie d'être paysan, à mon avis, ferme les portes de notre avenir à tous.
Oui, la Bretagne a connu la misère au XIX et jusqu'après la seconde guerre mondiale. Mais plus avant dans l'histoire elle avait été prospère. La politique française a délibérément conduit à son asphyxie, en lui faisant - par choix politique - rater le premier train du développement économique (XIX. I reste à la Bretagne à prendre le nouveau train du développement économique. En matière d'agriculture, cela passe nécessairement par l'objectif de la qualité, dans le résultat (les produits offerts) et dans la manière d'y parvenir (état des terres, des cours d'eau, qualité des élevages).
Je parle ici en simple consommateur (bien que je n'aime pas du tout ce mot), mais aussi en homme sensible aux questions d'aujourd'hui, et enfin en personne encore suffisamment proche de l'agriculture bretonne. Et certainement pas en privilégié!
«Re gozh an douar evit ober goap outañ!». Trop vieille la terre pour que l'on se moque d'elle! Remarque: en breton, les deux mots-clé «an douar» (la terre) et «an dour» (l'eau) sont du genre masculin. Ceci n'est sans doute pas anodin.