Deuxième volet de l'enquête : à quoi voit-on que l'on a affaire à une fête «bretonne» ?
Critères objectifs :
1- le mot «breton» est utilisé un nombre exagéré de fois : fête bretonne, gâteau breton, danses bretonnes, lutte bretonne,bière bretonne ..., jusqu'à plus soif.
2- la présence de coiffes et de binious atteste que l'on a bien affaire à une fête à touristes : pendant l'année les Bretons dansent sans costumes, sauf sur scène pour les concours. Le biniou est une curiosité et est attaché depuis Botrel à la bretonnitude, petite cornemuse caractéristique du pays breton en opposition aux grandes cornemuses d'Ecosse adoptées dans les années 1950.
3- on mange breton, du lard, du far, des crêpes, du poisson, on boit breton, du cidre, rarement du jus de pommes, de la bière brassée souvent ailleurs qu'en Bretagne, pour des soucis d'économie.
4- le touriste sert souvent à financer les projets de l'année : le cyclo-club, l'école Diwan, le Parti socialiste, les communaux. Il faut donc «attraper» le touriste pour le faire payer l'entrée, la crêpe...
Critères qui changent beaucoup selon les lieux :
1- la qualité des costumes et de la musique : on peut être très vigilant comme on peut continuer à faire danser les danseurs sur de la musique enregistrée. Si l'organisateur est riche, il peut employer des cercles de 1ere ou 2e catégorie. S'il est pauvre, il recrutera des cercles bon marché et pas forcément très scrupuleux. Souvent le touriste est curieux et demande des explications : sur le costume, la coiffe, l'histoire des danses ... Si les organisateurs ont prévu une présentation, si les danseurs apprennent quelques pas, le touriste devient alors acteur et apprend au lieu de subir une fête qui se déroule sans lui.
2- la lutte bretonne : on peut ne rien expliquer, ne pas faire participer les enfants, ou au contraire expliquer l'histoire, les lutteurs d'autrefois et ceux d'aujourd'hui, et là les touristes ne sont plus des touristes, les locaux apprenant autant que les Allemands ou Néerlandais en vacances.
3- la langue bretonne : l'organisateur peut choisir d'éditer ses tracts et flyers en deux langues (voire trois, au Pouldu ils sont anglais au recto, breton au verso, ou français au recto, breton au verso), les tarifs, les stands, parler breton au micro, il devrait y avoir un label pour les équipes de bénévoles qui parlent en breton (crêpières souvent, les gens qui s'occupent des chevaux, les jeunes lutteurs, les familles Diwan qui aident...)
4- la qualité des produits servis aux touristes : on peut couper la tranche de jambon en trois, on peut prendre les plus bas prix pour un bénéf d'enfer. On peut aussi faire avec de la farine biologique, du lard biologique, encourager la dégustation de fruits locaux (fraises, framboises, ..)et les producteurs locaux. Le consommateur est alors content et reviendra l'année suivante. Et les nombreux «touristes» locaux aussi ...
5- la place des enfants : les enfants sont consommateurs, mais quand ils sont accueillis par des animateurs qui les font jouer à des jeux en bois, leur font apprendre les règles du gouren en s'essayant sur la sciure, qu'ils font des tours de calèche, se promènent sur des échasses ... ils ne boudent pas leur plaisir. «C'est sympa cette fête, pour une fois, ils ont prévu quelque chose pour les enfants...», disait une maman qui téléphonait ce vendredi soir au Pouldu.
6- l'intergénérationnel : les bénévoles de tous âges et de toutes classes sociales se côtoient pour la bonne marche de la fête. Les anciens viennent prêter un terrain, donner une coupe pour le combat de lutte, hébergent les chevaux des attelages, aident au service des crêpes. Les jeunes mettent les nappes, vont distribuer des tracts dans les campings et les parkings de plage. A la fin d'une des plus grandes fêtes du pays, la fête du cidre, des anciens avaient dit, à trois heures du matin quand tout était rangé : «c'était beau, on se serait cru aux battages». Se réapproprier son histoire, grâce aux touristes, c'est pas beau, ça ?
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