C'est quoi une fête bretonne ?

Communiqué de presse publié le 30/07/13 19:55 dans Gastronomie par Fanny Chauffin pour Fanny Chauffin
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Lewellyn Loxq et Alexis Hié

Deuxième volet de l'enquête : à quoi voit-on que l'on a affaire à une fête «bretonne» ?

Critères objectifs :

1- le mot «breton» est utilisé un nombre exagéré de fois : fête bretonne, gâteau breton, danses bretonnes, lutte bretonne,bière bretonne ..., jusqu'à plus soif.

2- la présence de coiffes et de binious atteste que l'on a bien affaire à une fête à touristes : pendant l'année les Bretons dansent sans costumes, sauf sur scène pour les concours. Le biniou est une curiosité et est attaché depuis Botrel à la bretonnitude, petite cornemuse caractéristique du pays breton en opposition aux grandes cornemuses d'Ecosse adoptées dans les années 1950.

3- on mange breton, du lard, du far, des crêpes, du poisson, on boit breton, du cidre, rarement du jus de pommes, de la bière brassée souvent ailleurs qu'en Bretagne, pour des soucis d'économie.

4- le touriste sert souvent à financer les projets de l'année : le cyclo-club, l'école Diwan, le Parti socialiste, les communaux. Il faut donc «attraper» le touriste pour le faire payer l'entrée, la crêpe...

Critères qui changent beaucoup selon les lieux :

1- la qualité des costumes et de la musique : on peut être très vigilant comme on peut continuer à faire danser les danseurs sur de la musique enregistrée. Si l'organisateur est riche, il peut employer des cercles de 1ere ou 2e catégorie. S'il est pauvre, il recrutera des cercles bon marché et pas forcément très scrupuleux. Souvent le touriste est curieux et demande des explications : sur le costume, la coiffe, l'histoire des danses ... Si les organisateurs ont prévu une présentation, si les danseurs apprennent quelques pas, le touriste devient alors acteur et apprend au lieu de subir une fête qui se déroule sans lui.

2- la lutte bretonne : on peut ne rien expliquer, ne pas faire participer les enfants, ou au contraire expliquer l'histoire, les lutteurs d'autrefois et ceux d'aujourd'hui, et là les touristes ne sont plus des touristes, les locaux apprenant autant que les Allemands ou Néerlandais en vacances.

3- la langue bretonne : l'organisateur peut choisir d'éditer ses tracts et flyers en deux langues (voire trois, au Pouldu ils sont anglais au recto, breton au verso, ou français au recto, breton au verso), les tarifs, les stands, parler breton au micro, il devrait y avoir un label pour les équipes de bénévoles qui parlent en breton (crêpières souvent, les gens qui s'occupent des chevaux, les jeunes lutteurs, les familles Diwan qui aident...)

4- la qualité des produits servis aux touristes : on peut couper la tranche de jambon en trois, on peut prendre les plus bas prix pour un bénéf d'enfer. On peut aussi faire avec de la farine biologique, du lard biologique, encourager la dégustation de fruits locaux (fraises, framboises, ..)et les producteurs locaux. Le consommateur est alors content et reviendra l'année suivante. Et les nombreux «touristes» locaux aussi ...

5- la place des enfants : les enfants sont consommateurs, mais quand ils sont accueillis par des animateurs qui les font jouer à des jeux en bois, leur font apprendre les règles du gouren en s'essayant sur la sciure, qu'ils font des tours de calèche, se promènent sur des échasses ... ils ne boudent pas leur plaisir. «C'est sympa cette fête, pour une fois, ils ont prévu quelque chose pour les enfants...», disait une maman qui téléphonait ce vendredi soir au Pouldu.

6- l'intergénérationnel : les bénévoles de tous âges et de toutes classes sociales se côtoient pour la bonne marche de la fête. Les anciens viennent prêter un terrain, donner une coupe pour le combat de lutte, hébergent les chevaux des attelages, aident au service des crêpes. Les jeunes mettent les nappes, vont distribuer des tracts dans les campings et les parkings de plage. A la fin d'une des plus grandes fêtes du pays, la fête du cidre, des anciens avaient dit, à trois heures du matin quand tout était rangé : «c'était beau, on se serait cru aux battages». Se réapproprier son histoire, grâce aux touristes, c'est pas beau, ça ?


Vos commentaires :
Dr J.L. LE MEE -wwwafb-ekb.org
Jeudi 21 novembre 2024
Article très intéressant et qui pose des questions de fond. Ne faudrait-il pas se demander si cet investissement estival dans les «fètes bretonnes à touristes » ne fait pas que traduire l' aliènation du peuple breton. En langage psychanalytique on appelle celà un transfert. Le peuple breton n'ose pas se battre ouvertement [ et sereinement] pour un véritable «homerule». Celà se traduit par les fètes folkloriques , le fin du fin étant «la noce bretonne». Souvenons nous que les masques africains n'ont jamais été aussi beaux qu'au temps du summum de l'ère coloniale.
Pourtant regardons autour de nous, rien qu'en Europe, est-ce que les Norvégiens ou les Autrichiens, par exemple,montent «war al leur» pour plaire aux touristes ?
Remarquons aussi que l'Etat français et ses relais locaux ont tout intérèt à favoriser les « festivals et fètes bretonnes» de l'été. Double intérèt pour l' Etat centraliste. Intérèt premier: pendant ce temps-là la population bretonne ne pense pas à revendiquer le «homerule» et les droits que les traités internationaux lui permettraient d'exercer. Second avantage: on démontre aux éventuels «pisse-vinaigres» étrangers que tout baigne en Bretagne en faisant oublier que la France n'applique pas en Bretagne ce qu'elle exige des autres Etats.

Emilie Le Berre
Jeudi 21 novembre 2024
Bonne définition le terme «touristes locaux» pour qualifier les ouest français d'aujourd'hui.

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