Spectacle Yvon Nicolazic, paysan breton ©. L' Abbé Eric Trochet, un auteur heureux

Interview publié le 3/07/13 9:48 dans Festivals par Philippe-Guy Charrière pour Philippe-Guy Charrière
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L'Abbé Eric Trochet devant le presbytère de Carnac
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L'Abbé Eric Trochet en compagnie de M. Philippe Jehanne, Président de l'Association Spectacles Yvon Nicolazic

L'Abbé Eric Trochet, à Carnac actuellement, a fait de brillantes études d'histoire à l'Université de Rennes. Son mémoire de maîtrise sur Talleyrand, remarquable à tout point de vue, est régulièrement cité aujourd'hui comme un exemple en la matière.

Il a préparé un DEA sur les relations entre la France et le Saint-Siège sous Napoléon 1er et devrait dès septembre 2014 commencer une thèse en histoire de l'Eglise... peut-être sur Pie VII.

Il a un style d'écriture sans pareil... aux dires de toutes celles et ceux qui lisent ses écrits. C'est aussi passionné de musique.

Il a séjourné à Rome en début d'année pour travailler dans la Congrégation pour la Cause des Saints. La Ville éternelle n'a pas vraiment été une découverte pour lui car il y a fait, durant cinq ans, des études au Séminaire français, tout en étant guide aux Fouilles de Saint Pierre en parallèle.

ABP : Pourriez-vous nous parler de vous et de votre parcours ?

Abbé Eric Trochet : Je viens du monde rural et j'ai fait ma scolarité à Bruz (Sud-Ouest de Rennes), au collège-lycée Saint-Joseph. Après un DEUG d'histoire à Ker Lann (environs de Rennes), où j'ai eu l'Abbé Frédéric Fagot comme professeur d'histoire contemporaine, j'ai poursuivi mes études à Paris IV-Sorbonne : maîtrise sur Talleyrand, puis DEA sur les rapports entre Napoléon 1er et le Pape, ce qui a été l'occasion d'aller travailler un mois et demi à Rome pour y dépouiller les archives concernant mon sujet. J'ai ensuite enseigné à Paris, dans une école de commerce : la MIP (Ecole de Management Paris).

J'ai ressenti l'appel au sacerdoce en 2005, à la mort de Jean-Paul II. J'ai alors fait une année de discernement à la propédeutique qui s'ouvrait juste à Sainte-Anne d'Auray. Puis ce furent cinq années au Séminaire français à Rome : deux années de philosophie, trois de théologie.

ABP : Racontez-nous le fameux jour où l'Abbé Frédéric Fagot vous a demandé d'écrire le scénario du son et lumière Yvon Nicolazic, paysan breton ©.

Abbé Eric Trochet : En fait, écrire un scénario pourrait remonter à ma deuxième année de DEUG. J'avais sympathisé avec l'Abbé Fagot. Un maire des environs de Rennes lui avait demandé de monter un spectacle. Comme j'avais déjà collaboré à des scénarios de BD avec lui, il m'a demandé de l'aider.

Aujourd'hui, le scénario du spectacle Yvon Nicolazic fait suite à une discussion entre le Recteur de Sainte-Anne d'Auray, l'Abbé Guillevic, et l'Abbé Fagot. Une équipe a été mise en place pour essayer de monter quelque chose. Au final, j'ai fini par hériter du scénario à écrire en entier; mais au départ, nous devions être plusieurs à le faire !

Le but n'est pas de perdre le spectateur dans un flot d'informations et il faut avant tout faire simple.

ABP : Yvon Nicolazic : qui est-ce exactement ?

Abbé Eric Trochet : C'est avant tout un brave homme. Un paysan breton, humble, proche de sa foi, mais aussi en proie au doute sur ses capacités, les options qui sont à sa portée. C'est ce qui le rend finalement aussi proche de nous aujourd'hui. Illettré, il faisait tout de tête. Il ne parlait pas français, contrairement à son frère qui, lui, non seulement le parlait, mais encore l'écrivait. C'est ce qui fait penser que Nicolazic en est volontairement resté au breton seul; il n'a sans doute pas vu l'intérêt, l'utilité d'apprendre le français.

C'est le genre de personne sainte ordinaire, que l'on côtoie tous les jours sans s'en rendre compte. Sainte Anne lui est apparue plusieurs fois. Il nous est très contemporain par sa façon de penser et d'agir : il met beaucoup de temps à réagir face au surnaturel, doute de ses capacité, au point qu'il finit par se faire secouer par sainte Anne !

ABP : Comment vous êtes-vous documenté sur l'histoire et les personnages ?

Abbé Eric Trochet : Les sources restent classiques : Buléon et Le Garrec bien sûr (« Sainte-Anne d'Auray – Histoire d'un village ». Lafolye frères et Cie, Vannes, 1924, 3 vol.), mais aussi Monseigneur Mahuas qui nous a laissé une biographie de Nicolazic avec des données précises non citées ailleurs, comme par exemple son acte de naissance.

On s'aperçoit qu'au XVIIème siècle les prêtres sont très nombreux dans le diocèse et que leur autorité est grande, en particulier celle des Recteurs, souvent autoritaires. Je me suis contenté de remettre de la chair et des os sur les livres d'histoire que j'ai lu. C'est le but d'un projet tel que celui-là. Quant au problème de stérilité du couple Nicolazic-Guillemette, ou du moins de la difficulté à avoir des enfants, c'est toujours un problème actuel. A l'époque, ce n'était pas non plus un cas unique. Que l'on pense par exemple à Louis XIII et Anne d'Autriche (naissance de Louis XIV).

ABP : Quelle est la chose la plus intéressante dans votre travail d'écriture ?

Abbé Eric Trochet : D'abord, c'est de m'inscrire dans un projet, dans une démarche qui nous dépasse complètement. On le voit bien avec les bénévoles qui s'investissent énormémént. On est vraiment tous ensemble pour bâtir quelque chose. Chacun attend la pierre de l'autre pour continuer à contruire l'édifice.

Ensuite, du point de vue de l'écriture, c'est découvrir un peu plus le XVIIème siècle, me replonger dans l'histoire du diocèse, voir le rapport à la foi, les difficultés que Nicolazic a vécues, l'importance de ces événements dans l'histoire de la Bretagne.

Quand vous écrivez en tant qu'historien, vous prenez du recul par rapports aux faits. Ici, vous sentez les choses de l'intérieur. Vous devez imaginer les choses telles qu'elles ont pu se passer. C'est, au final, plus un travail de romancier historique que d'historien. Le but ici n'est pas d'être absolument fidèle à l'histoire, parce qu'il manque des éléments et parce qu'on est forcé de tenir compte du point de vue artistique et donc d'arranger les choses en fonction.

ABP : En quoi ce type de spectacle peut-il présenter un intérêt ?

Abbé Eric Trochet : C'est de réunir des gens pour travailler ensemble. Développer un projet humain pour sortir les gens de leur télévision et du virtuel.

Il y a du coup deux histoires. L'histoire « historique », bien sûr ; mais aussi l'histoire que vit chaque bénévole en intégrant, en assimilant, en vivant son rôle. Ce projet rétablit l'entraide qui existait autrefois entre les gens. Les bénévoles passent des heures à faire des choses pour le spectacle : décors, costumes, rôles à apprendre et à venir répéter...

Au final, il s'agit d'enseigner l'histoire avec des moyens modernes.

ABP : Concernant les répétitions, ça se passe comment ? Vous y assistez ? Quel est votre rôle ?

Abbé Eric Trochet : J'assiste en effet aux répétitions sur place. Certains passages du scénario peuvent ainsi être repris en fonction de ce que l'on me dit ou que je vois. J'ai ajouté par exemple pas mal de bretonnismes suite à des observations de bénévoles.

ABP : Avez-vous des anecdotes à nous partager ?

Abbé Eric Trochet : Il y en aurait plein. Ce n'est pas facile de choisir. Les personnes ont par exemple très vite voulu mettre leurs costumes, apporter des accessoires (paniers, draps...). L'entraide est partout : pour trouver un cheval, une carriole, un menuisier...

Ce qui me frappe le plus, c'est la joie des gens de participer.

Ah si ! Une anecdote particulière... L'Abbé Fagot et moi avons repéré tout de suite, lors de la distribution des rôles, celle qui devait faire Guillemette et celui qui devait jouer Nicolazic. Nous nous sommes aperçus seulement après ces choix que les deux acteurs sont vraiment mari et femme dans la vie ! Evidemment, sur scène, ils n'ont pas de mal à se prendre dans les bras l'un de l'autre !

ABP : Comptez-vous écrire d'autres scénarios ?

Abbé Eric Trochet : Non, je n'ai pas cette intention. J'ai beaucoup à faire sur Carnac, et être disponible pour la paroisse. Cela dit, si on me le demande à nouveau, pourquoi pas ?

ABP : Vous venez d'être nommé collaborateur du postulateur de la cause de béatification d'Yvon Nicolazic. C'est quoi au juste ?

Abbé Eric Trochet : Le collaborateur aide le postulateur à faire le travail qu'il ne peut pas faire. Le postulateur est à Rome. Il s'agit d'un irlandais, Monseigneur Joseph Murphy. Dans les cas de demande de béatification, il y a deux grandes étapes. D'abord, l'enquête dans le diocèse. Elle a été menée par Monseigneur Joseph Mahuas (1922-2011) qui a bâti le dossier Nicolazic pour que la Congrégation romaine puisse ensuite étudier le cas.

Mon évêque, Monseigneur Raymond Centène, m'a demandé d'aider le postulateur en tant que collaborateur. Mon travail consiste, à partir du procès diocésain, à résumer ce qui prouve l'héroïcité des vertus d'Yvon Nicolazic. Pour cela, j'ai dû suivre une formation de trois mois à Rome à la Congrégation pour la Cause des Saints, formation historique, théologique et juridique.

ABP : En quoi va consister votre travail exactement ?

Abbé Eric Trochet : A remettre en forme et synthétiser les textes du procès diocésain pour plus de clarté.

ABP : Avez-vous un dernier petit mot à dire pour clore cette interview ?

Abbé Eric Trochet : Il faut redécouvrir le sens de l'histoire.

L'histoire m'a toujours passionné. D'une part parce que j'aime bien discuter avec les gens et parce qu'on s'enrichit avec l'expérience des autres. Ensuite parce que l'histoire est toujours récupérée pour des raisons ou pour d'autres. Or, elle permet de comprendre beaucoup de choses que l'on vit soi-même.

Contact :

Abbé Eric Trochet

Presbytère de Carnac

28 rue Colary

56340 Carnac

02 97 52 08 08

Spectacle son et lumière « Yvon Nicolazic, paysan breton© »

5 représentations : 10, 11, 12, 13 et 15 août 2013

21h30 : animations

22h15 : son et lumière

Lieu : Mémorial de Sainte-Anne d'Auray

Philippe-Guy Charrière


Vos commentaires :
Jean-Yves LE BIGOT
Jeudi 26 décembre 2024
Merci ERIC, à l'interview de RBG,j'ai dit qu' 68ans,j'étais heureux et fier de participer pour la 1ère fois à un son et lumière.Content aussi de fouler la pelouse du mémorial que tant et tant de bretons (et d'autres)ont écrasée lors des cérémonies de la SAINTE ANNE.

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