Jacques Demy : un Breton à l'honneur à la Cinémathèque française, Paris

Chronique publié le 19/06/13 16:45 dans Cultures par Sylvie Le Moël pour Sylvie Le Moël
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Catherine Deneuve photographiée lors du tournage de Peau d\'âne de Jacques Demy, en 1970
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Présentées à l'exposition,les robes couleur du Temps et couleur de Soleil du film "Peau d'âne de Jacques DEMY. Ce sont les répliques des robes originales réalisées par Gitt MAGRINI

C'est sous la houlette de son président Costa Gavras, que la Cinémathèque propose jusqu'au 4 août 2013, une magnifique exposition intitulée «Le monde enchanté de Jacques Demy». Cette large rétrospective évoque la puissance inassouvie de ce brillant cinéaste nantais, né en 1931 à Pontchâteau (Loire-Atlantique) et mort, trop tôt, en 1990. Homme protée, principalement connu en qualité de réalisateur, il était aussi scénariste, dialoguiste, parolier, producteur et acteur. Traversée de courants artistiques les plus divers, «son oeuvre aux 18 films qu'il désirait 'liés les uns aux autres' fait de Jacques Demy le cinéaste le plus enjoué et le plus mélancolique de l'Hexagone» souligne Serge Toubiana, directeur général de la Cinémathèque... deux caractéristiques typiques de l'âme bretonne !

«C'est à Nantes que j'ai vécu les moments les plus extraordinaires de mon existence» insistait le réalisateur de Lola. La capitale du Duché de Bretagne fonctionne pour lui comme une réplique miniature d'un monde qui tourne autour du Passage Pommeraye, cette galerie marchande à l'immense verrière faite d'arcades ornées de stucs où l'adolescent acheta sa première caméra Pathé Baby à l'âge de 13 ans. Les particularités topographiques de Nantes vont fortement imprégner la géographie poétique de Demy : son port industriel, ses bars de marins en permission - «Je vais en 'perm' à Nantes» faisait-il dire en chantant à Maxence incarné par Jacques Perrin dans les Demoiselles de Rochefort - sans oublier les repères familiaux que constituent le garage de son père, le salon de coiffure de sa mère et la salle de cinéma du Katorza où se jouera sa découverte du 7e Art. Dès son enfance, dans le grenier nantais de ses parents, le jeune Jacques, déjà cinéphile et passionné de technique, invente des courts métrages d'animation. En 1947 naît Pont de Mauves, un film peint en celluloïd, puis Attaque Nocturne en 1948. Quelques années plus tard le créateur de Une chambre en ville affirmera au sujet de Nantes : «Dans cette ville folle et très belle, je pouvais marquer l'opposition entre la cité reconstruite après la guerre et ce qui reste des vieux quartiers. De plus, ce décor moderne et baroque s'harmonise avec les personnages et les sentiments».

Mathieu Orléan, commissaire de l'exposition, a bénéficié du précieux concours d'Agnès Varda, de Rosalie Varda-Demy et de Mathieu Demy pour constituer cette belle fresque en l'honneur de Jacquot de Nantes. Mathieu Orléan indique que le réalisateur des Parapluies de Cherbourg, Palme d'or au Festival de Cannes en 1964, et de Trois places pour le 26 où Yves Montand tenait le rôle principal, «a su garder son enfance intacte, continuant d'y puiser tout au long de sa vie son énergie créatrice». Jacquot de Nantes le bien-nommé, comme l'avait si bien compris son épouse, la réalisatrice Agnès Varda, César 1982 du meilleur court métrage pour Ulysse et qui puise elle-même ses racines paternelles en Grèce.

Dessinant un monde de villes portuaires traversé de chassés-croisés amoureux où l'imaginaire a toujours raison de l'impossible, la production de ce perfectionniste nantais – qui a su s'adjoindre la collaboration de guest stars comme Gene Kelly ou bien encore l'Américain d'origine grecque, Georges Chakiris dans les Demoiselles de Rochefort - dépasse la seule histoire du cinéma pour s'inscrire dans celle de l'art du vingtième siècle.

«Pour prouver ce postulat esthétique, l'exposition, construite de manière chronologique, confronte des oeuvres originales d'artistes dont Demy a explicitement revendiqué l'influence : Raoul Dufy, David Hockney ou Léonor Fini pressentie pour créer les costumes fabuleux de Peau d'âne» précise Mathieu Orléan. Pour permettre au visiteur de savourer pleinement la magie du moment, les célèbres robes de Peau d'âne ont été reproduites à l'identique par la talentueuse costumière Gitt Magrini : la robe couleur du Temps, celle couleur de Lune et celle couleur de Soleil, ainsi que la robe mauve de la Fée des Lilas. La peau d'âne portée par Catherine Deneuve dans le film éponyme figure également dans cette merveilleuse rétrospective et donnera certainement quelques frissons aux plus petits. De plus, les délicieuses musiques de Michel Legrand qui jalonnent le parcours, contribuent parfaitement à l'enchantement.

Voilà une exposition qui se déguste sans modération, à l'instar du fameux «Cake d'Amour» dont la recette aurait très bien pu être celle de notre légendaire «Kouign Amann» !

Sylvie Le Moël

Exposition «Le monde enchanté de Jacques Demy» jusqu'au 4 août

La Cinémathèque française, Musée du Cinéma

51 rue de Bercy

75012 Paris

Tel: 01 71 19 33 33

Site internet : (voir le site)

Métro : Bercy

Tarif exposition : 10 euros (réduit : 8 euros).

A se procurer : le Catalogue de l'exposition «Le monde enchanté de Jacques Demy», co-édité par La Cinémathèque française, Ciné-Tamaris et Skira-Flammarion.

Code : 9782081295322

256 p., 45 euros.


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