A propos de l'opération «Villes en biens communs», 6-20 octobre 2013
La ville et la communauté urbaine de Brest sont depuis longtemps à l'avant-garde pour que les citoyens puissent tirer profit de leur «citoyenneté numérique».(voir notre article)
Certains diront que le numérique ne nourrit pas, puisque c'est immatériel. En fait, l'immatériel et l'irruption récente de l'informatique dans la vie quotidienne n'ont fait que mettre à jour un problème plus vaste.
Qu'est-ce qui est accessible gratuitement et que peut-on partager? Personne ne pourrait supporter une société où tout serait à acheter. Chacun attend, non seulement que l'air qu'il respire ne soit pas pollué, mais que les relations humaines n'entraînent pas de payer des péages à chaque pas.
Ces enclaves dans lesquelles où on vous oblige à payer sont les enclosures.
C'est là qu'intervient la notion de «bien commun à tous» que les autorités brestoises et de nombreuses associations locales veulent promouvoir et développer. Il s'agit de relations entre individus et non de politique.
Parmi les biens communs, il y en a de très matériels, comme les recettes de cuisine que chacun peut se passer et qui ne sont pas soumises à copyright.
Il y a les savoirs et souvenirs que l'on peut faire partager. Il y a la musique, les textes et toutes les ½uvres, dont on peut décider qu'ils sont librement copiables et utilisables par tous, tant il est vrai que le droit d'auteur, s'il est indispensable, ne doit pas être un carcan et doit avoir des limites.
C'est lnternet qui, par sa capacité à transporter les idées, les savoir-faire et les ½uvres, permet de comprendre qu'il est mieux de vivre dans un monde où l'échange est normal. Et, sans nostalgie, on peut pratiquer, même en ville, les modes d'échange des sociétés paysannes disparues. On en a la preuve avec le mouvement des Incroyables comestibles (cultures en villes accessibles à tous).
Depuis 2009, Brest organise, chaque automne, des actions appelées «Brest en biens communs» (BBC). Preuve que la démarche est pionnière, cette bannière a été reprise par de nombreuses villes : Nantes, Rennes, Paris, Lyon, Toulouse, Marseille, Bolbec, Montréal, Ouagadougou.
C'est à Nantes qu'il y a une «cantine numérique», (voir notre article) qui a été particulièrement aidée par son ancien maire, mais, aussi une active association, Libertic, devenue une référence française pour le numérique citoyen et mis en partage. L'une de ses actions phare est la pression pour la libération des données détenues par les organismes publics (État, collectivités publiques et entreprises sous mandat public). (voir notre article)
D'autres villes, comme Quimper, semblent réfractaires à la publication de leurs données, alors que Digne (18 000 habitants) et Changé (5 000 habitants) ont commencé à le faire.
Mettre en avant le coût éventuel, c'est refuser la transparence de gestion, de plus en plus réclamée à tous les niveaux.
C'est aussi se priver d'outils de pilotage fin des politiques.
La dernière réunion d'organisation de Brest en biens communs, le 13 juin, a fait émerger les idées suivantes :
- Collecte de recettes internationales de soupes
- Fest-noz sous licence libre (11 octobre)
- Atelier de collecte et de numérisation des films de famille
- Apprentissage de la cartographie libre par les collégiens et lycéens
- Causeries sur les musiques et les arts sous licence libre et mise en pratique
- Causeries sur la production libre par les associations
- Causerie sur la neutralité du Net
- Projection d'un film sous licence Creative Commons
- Ateliers de partage de savoir-faire
- Collecte des souvenirs des habitants
- Fabrication d'une maquette de Brest avec une imprimante 3 D
- Diagnostic sur l'accessibilité dans les quartiers et établissement d'une carte spéciale à partir d'OpenStreetMap
- Copy partie pour faire savoir qu'on a droit de faire une copie privée
Cette année, de grandes institutions brestoises se joindront à la vingtaine d'associations qui animent la scène brestoise des biens communs. Les communes de Saint-Pabu, de Plourin et de Plouider feront aussi des opérations en liaison avec Brest en biens communs.
Mais, les participants ne font pas que partager leurs «hobbys» avec ceux qui passent par là. Les buts des «commonistes» est bien de pousser à la réflexion sur tout ce qui est partageable par tous, légumes, soupes, musiques, savoir-faire pour le bien de tous et sans ségrégation.
Certains participants brestois ont des projets avec des Africains pour une déclinaison locale de cet état d'esprit.
C'est ainsi que l'association brestoise Tiriad (=Territoire), qui agit jusqu'en Belgique, collabore avec Humanitarian OSM Team pour accélérer la cartographie libre du Burkina Faso, puisque les vendeurs de carte ne s'occupent pas d'un des pays les plus pauvres de la Terre. L'association OpenStreetMap Burkina est donc en cours de création sur place.
Ceux des Burkinabés qui n'ont pas accès à Internet pourront envoyer les observations et leurs relevés pour qu'ils soient convertis en cartes gratuites.
Il est réjouissant de constater que la Bretagne est un lieu de partage, dont le fest-noz et les danses bretonnes sont si emblématiques que les instances internationales les ont consacrés.
Portail Brest en biens communs 2013 (voir le site)
Villes en biens communs (voir le site)
Manifeste pour la récupération des biens communs (voir le site)
NB : En publiant sous la licence Creative Commons, une grande partie des textes qu'elle produit en son nom, l'Agence Bretagne Presse contribue au mouvement pour la récupération des biens communs
Christian Rogel
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