Stetrice : Tu es là

Communiqué de presse publié le 27/04/13 18:24 dans musique par Gérard Simon pour Gérard Simon
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Dire que ce nouvel album de Stetrice se situe dans la droite ligne du précédent « Naoned e Breizh » (voir notre article) est, à la fois, exact, mais restrictif et réducteur.

Ce CD, « Tu es là » apparaît, certes, dans sa suite logique puisque nous retrouvons dans ce présent opus, des compositions originales, au nombre de 11 sur les 13 titres qui le composent. 9 d'entre elles sont écrites et composées par Patrice Deshayes et 2 co-créées par le chanteur et sa « compagne de scène et de vie », Stéphanie.

L'inspiration de ce nouveau voyage, tout comme le précédent, prend, également, âme au coeur des océans, des souvenirs d'enfance, des histoires et légendes, des choses simples et belles, parce que narrées avec la poésie et le pittoresque d'écriture de ce qu'il convient bien d'appeler, nos deux auteurs !

Alors, quels sont les éléments qui écartent, définitivement, toute impression de « Bis repetita », tout risque de récurrence avec le précédent recueil ?

Avec Frédéric Perroux, à la batterie, percussions et accordéon, Phil Ker Dan, à la guitare électrique et, sur deux titres, Christophe Morvan, cornemuse et bombarde, Stetrice revêt ici, et pour la première fois, l'homogène parure musicale d'un authentique groupe.

De plus, grâce à l'expertise de l'ingénieur du son des Tri Yann, Pascal Mandin, cet enregistrement réalisé, mixé, masterisé au célèbre studio Marzelle des « 3 Jean », offre une production de meilleure facture que le précédent. Il y a, ici, de l'espace, des plans sonores des mises en valeurs des instruments, une « brillance », une harmonique qui manquaient, souvent, à l'album antérieur.

Artistiquement, nous avons l'impression que « STEphanie et paTRICE », après leur première tentative de compositions originales, déjà, fort réussie (les ventes de « Naoned e Breizh », à la fin de chaque concert, le prouvent), se sont, cette fois-ci, dans cette voie de création originale, pleinement « autorisés ».

La présence, l'interprétation, la conviction, l'osmose y ont encore gagné.

L'ambiance de l'enregistrement paraît déjà scénique !

Le passage du folk acoustique au rock électrique accentue encore cette affirmation, cette émancipation, ce pari délibéré et convaincant.

Nous rentrons, avec grand plaisir et de plain-pied, dans ce nouveau CD par un fraternel salut aux Bretons du monde avec « Tu es là », titre éponyme de l'album.

Sur quelques très infimes libertés prises avec le marquage de tempo qui évoque la danse traditionnelle, le solo quelque peu échevelé de la guitare électrique n'occulte, d'aucune façon, le fondamental : « le gwenn ha du levé »,

« le Duché aux 5 départements »…. mais la vision va de New York à Paris, de Papeete à Spezet !

Puis, bien sûr, nous retrouvons des morceaux, parfois, un peu « clichés », mais qui ravissent les spectateurs et auditeurs des concerts, festivals et événements de rue de l'été où Stetrice à l'habitude de donner au public l'image de la Bretagne que le chaland attend.

C'est le cas pour « Kig ha farz 'mo », où l'on retrouve l'ambiance « fest-Noz' » avec la bombarde de Christophe Morvan et les « la la la la léno… la la la la he ho ! », d'usage.

Mais n'était-ce pas le 5 décembre 2012, que l'Unesco inscrivait ce dansant rassemblement festif breton qu'est le fest-noz au patrimoine immatériel de l'humanité ?

Stetrice s'inscrit ainsi, dans le contexte d'une actualité encore récente.

Dans ce registre « images de mer, de Bretagne d'Armor et d'Argoat », « He Ho Matelot », « Korrigan » trouvent tout naturellement leurs places.

Côté « navigation difficile », à noter, un « contre-champ » amusant, inattendu, bien troussé, « Le Belem ».

N'attendez pas, à travers cette chanson, une ode enflammée à la gloire de cet altier 3 mâts.

Il s'agit plutôt, entre Saint-Malo et Jersey, de l'histoire d'une rencontre de jeunesse, presque totalement manquée avec ce légendaire vaisseau. La faute à un manque de visibilité imputable à un lendemain de fête où, annihilant les saines perceptions, le roulis sévit autant sinon plus, au fond de soi-même que sur une mer agitée, semblable à la soirée copieusement arrosée « survécue », très tard, la veille, dans les bars du port qui semblent, néanmoins, au narrateur, fermer trop tôt !

Il manquait, justement, l'évocation de ces estaminets à matelots. Bras enlacés et corps oscillants en vagues, ô combien humaines, écoutons « Mets une tournée » qui conclut l'album, sur des plaintes nostalgiques d'harmonica et un évident duo vocal.

Au coeur des CD de Stetrice, il y a toujours une place pour l'histoire…

« Coeur Vaillant » relate en plage 5 la période de « La Terreur » (1793).

Par sa syntaxe (je partions… si je croisions….), par sa mélodie son rythme et sa ligne de guitare, ce titre rappelle de très près le fameux « Pelot d'Hennebont » des Tri Yann, notamment, interprété dans sa version scénique.

Nous voici, à présent, rendus une centaine d'années plus tard, plus spécifiquement à San Francisco au temps de la marine à voile où « l'on enrôlait de force » sur les baleiniers… Première escale du cauchemar : Shangaï. D'où le titre « Shangaïe » donné à ces hommes asservis.

Eu égard à la contrainte et la souffrance fort bien exprimées par les mots de Patrice, nous aurions, pour notre part, souhaité une musique, peut-être plus rugueuse, plus rock, en meilleure adéquation avec le sujet traité.

Mais ne boudons pas notre plaisir car la mélodie est intrinsèquement fort belle. La ponctuation particulière et le solo de la guitare rappellent le phrasé du « Sultan of Swing » … Mark Knopfler ! Bravo Monsieur Ker Dann !

Mais, l'histoire, plus contemporaine, est aussi, parfois, dans un autre domaine, bien que toujours maritime, tout aussi dramatique.

En plage 3 : « Erika », seconde co-écriture de Stéphanie et Patrice.

1999 : Une encre noire nauséabonde et visqueuse se répand sur les belles pages d'ocre et de beige qui font la beauté initiale des plages du littoral breton.

Emouvante évocation, magnifiquement servie par la superbe voix veloutée et nuancée de Stéphanie qui rend, notamment, hommage aux « nettoyeurs » bénévoles avec une parfaite et intelligible diction, ce qui est souvent un luxe par les temps qui courent.

Une bonne idée d'avoir à nouveau mis en exergue cet inoubliable drame, d'autant qu'il aura fallu presque 13 ans pour en connaître le jugement historique final.

Là encore, Stetrice s'inscrit dans le contexte d'une actualité récente.

C'est l'un de nos titres préférés.

Puisque nous en sommes arrivés à nos préférence qui n'occultent en rien, vous venez de le lire, l'intérêt porté aux morceaux sus-énumérés, voici les plages du disque qui nous ont particulièrement séduits :

Entre Rahan et les débuts de Tri Yann ou de Stivell, nous découvrons « Les vacances à Paimpol » : superbe « diapositive » colorée des seventies, « morceaux de l'enfance » de Patrice a pleinement et chaleureusement vécus à Yvias, lorsque le 22e département,.. « ça s'appelait les Côtes-du-Nord, bien avant les Côtes-d'Armor ».

Rythme soutenu et galopant, texte très descriptif, voix enjouée de Patrice, ponctuation de l'harmonica, cet idéal compagnon de séjour estival, reprise du couplet à deux voix, tout concoure à donner à cette peinture l' « ensoleillement de vie » qui nous manque, en ces jours, trop souvent… autre époque !

Voici, à présent, une perle. Normal me direz-vous pour cette chanson co-écrite par Stéphanie et Patrice et nommée… « La pluie ».

La voix de Stéphanie apporte intimité et quiétude à ce texte fort bien écrit.

La « coda » bien détachée, chantée a cappella, par ce « système vocal quasi irréprochable » qu'est Stetrice, vient apporter le sceau certifiant les pensées du regretté Jean-Michel Caradec : « Qu'elle est belle ma Bretagne quand elle pleut ».

Nous avons, également, bien apprécié cette ballade « The two of cups », co-écrite par Beth Patterson et Tomaz Boucherif-Kadiou, à la fois rock et celtique, où guitares et whistle semblent rendre respectueux hommage à Tomaz créateur et leader de l'excellent groupe de musique celtique progressive, Tornaod, tragiquement disparu en 2012.

Le titre « The two of cups » figurait sur l'album « Orin » de ce groupe créé en 1998.

« Gaspard », hymne à la tolérance crée en 1991 par l'auteur compositeur interprète berlinois, Frédérik Mey a, aussi, retenu toute notre attention.

La voix de braise et l'excellente interprétation convaincante de Patrice sur les déliés abyssaux de l'accordéon et les chauds et ronds arpèges de guitare électrique font de ce morceau, l'un des points d'orgue de cet opus.

Quelle belle idée d'avoir repris ce titre qui ne nuit en rien à l'original, mais le perpétue dans le total respect de la création ciselée de Monsieur Mey.

La longueur de cette présentation, prouve, s'il en est besoin, combien, nous avons été attentifs et sensibles à « Tu es là » et à cette nouvelle et plus ample démarche artistique qui s'inscrit, sans cassure, dans la continuité et l'évidente progression de cet authentique groupe, à chaque étape, attachant.

L'avenir de Stetrice est très prometteur. Sa maturité, son évidente capacité vocale, sa grande force d'écriture peut lui permettre de renforcer, encore, son potentiel de compositions et de faire, progressivement, l'économie de quelques stéréotypes dont certains se contentent et dupliquent, faute de pouvoir mieux faire.

Stetrice peut aller plus loin et va, déjà, plus loin…

Bravo aux musiciens qui n'ont pas « sur joué », mais qui se sont appliqués à servir cette horloge vocale si bien réglée à laquelle nous tenons tant.

« Tu es là », un fort intéressant CD, amicalement et joliment préfacé par Jean Chocun des Tri Yann et distribué par Coop BreizhO. A acheter « en physique » ou à télécharger sur le site de la boutique Celtufest : (voir le site) ….

… puisque la Bretagne a fait naître, en Stetrice, l'expression de deux fines plumes et de deux superbes voix qui, souvent, n'en font qu'une.

Gérard Simon


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