Dieux et déesses bretonnes, Belenos, II

Chronique publié le 22/04/13 0:07 dans Histoire de Bretagne par marc Patay Lejean pour marc Patay Lejean
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sanctuaire de Belenos

Lorsque l'on consulte des cartes IGN ou le site Geoportail sur internet, il n'est pas rare en France aussi bien qu'en Bretagne de découvrir ici ou là le toponyme Belair (Bel-air, Beler). Il se pourrait bien sûr qu'un bourgeois eut l'idée autrefois de faire construire au pied de cette colline ou de ce tertre boisé, au bord de ce ruisseau, une maison de maître puis de baptiser le bel endroit de ce nom anodin. Il n'en n'est rien car bien souvent ces Belair, «bois, friches, ou landes, à l'écart des routes et des habitations, vivant dans l'étirement d'un temps à eux seuls consacré, sourds aux heurts et cliquetis de la plaine, nourrissent en leur sein végétal, dans le labeur des jours et des nuits, l'effervescence de la vie»; ces Belair, dis-je, font référence au dieu Belenos.

Les forêts sont rares en Bretagne, mais les taillis, les haies, les bois solitaires nombreux encore, et disjoints de l'homme parfois qui n'y pénètre que rarement. Plus encore que les forêts qui sont des jardins où croissent les baliveaux, les bois sont des palais délaissés, propices au rêve et à la déréliction où errent encore les faunes et les dieux pour qui les sait voir.

Pénétrons sous les frondaisons. «Bel-air dort ou fait semblant, renouant dans nos pas les liens des branches écartées, peignant à nouveau les herbes déchirées, reposant aussitôt les bruits éveillés comme des feuilles anciennes glissant près de terre».

Il s'y passe parfois des choses cruelles. Blaireau, notable local, y meurt dans les fers, en terribles souffrances, mais quand les chasseurs refluent et la fureur homicide avec eux, Bel, le dieu réprouvé, recouvre son royaume. Belen, Beler, Belinus, Belenos, le brillant, honoré encore le 1er mai (Beltaine) et lors des feux de la saint Jean, est une sorte d'Apollon, un dieu salutaire, solaire ou de la lumière, inventeur et guérisseur à la fois, le Mabon gallois, dont le culte se pratiquait sur les hauteurs et dans les clairières sacrées. Est ce le Belin du roman de Renart. Ausone, poète de Bordeaux, parle de Belenos, ainsi que Tertullien puis Hérode. En Irlande, Beli ou Bilé est le père des dieux et des hommes. Ce fut aussi un souverain du royaume de l'île de Bretagne, selon l'Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth.

Bel a donné son nom à la fontaine de Barenton, à la forêt du Nevet, au Nivot (Braspart), à Tombelaine (près du mont Saint Michel) et non tombe d'Hélène. A noter que saint Ronan, tel un druide, se serait réfugié dans la forêt et sanctuaire du Nevet.

Plus qu'en forêt, pénétrer dans un bois comporte des périls car sitôt, «Pan s'éveille, son cortège dansant au son de la flûte s'égare sous les pampres, Beler, Segomo, Camulus, gardiens du temps et du mouvement, des sources, des lacs et des ruisseaux, dieux aux trois visages, déesse-jument, statuettes de bois et d'argile rongées de pluies, péries à vau-l'eau, ameutent au temple de verdure consacré les va-nu-pieds levant les yeux aux cimaises où savent jouer les ocelles et les fuseaux du soleil».

Cheminons dans la cépée, «dans les vals accotés de mystère, les arbres aux jaillissements modestes ne sont pas de ces rois dont la force domine. Ils sont las ces sujets aux visages pâlis envahis de ridules, branlant du chef sous le martèlement des nuages et leurs yeux emplis de larmes et leurs bras faibles brandis vers l'horizon défendent d'y venir pénétrer sans y laisser un peu».

Mais toujours, Belenos se dérobe à la vue, vaincu deux fois, par le vrai Dieu d'abord, par les Lumières ensuite. Bel, le brillant, le lumineux, se dissout à chacun de nos pas, sa forme prosaïque rejoint l'éther et paria, il trouve en poésie son dernier refuge.

Notes :

• Nemeton : sanctuaire en Gaulois

• Barenton, Bel Nemeton, cité dans le roman de Rou de Wace en tant que Belleton

• Tombelaine : tumulus de Bel


Vos commentaires :
Serj an Huede
Vendredi 15 novembre 2024
Si je peux me permettre une petite précision, les 'Bel-air' sont souvent en hauteur, je l'ai constaté en faisant du cyclo-tourisme... De même, les chapelles sont souvent en hauteur, et les fontaines qui y sont associées en contrebas, si bien qu'il faut parfois une bonne petite marche pour aller de l'un à l'autre.

patrick Y GIRARD
Vendredi 15 novembre 2024
J'ai qq difficulés à souscrire à cette éthymologie. En effet, les nombreux bel-air q j'ai pu recenser sont presq'exclusivement situés sur des sommets en Penthièvre comme en Poudouvre et je tenterais plus volontiers un rapprochement avec le breton «gwelout» à l'impersonnel «gweler» signifiant «on voit», par extension d' «où l'on voit» ou d'où l'on découvre«. Le »gw« du breton, du gallois et du cornique provient du celtique »v«. Un autre cas de toponymie m'a interpellé c'est les nombreux chesnay, chesnaies situés sur des élévations toujours en Penthièvre et Poudouvre alors q'à l'évidence, ds bi des endroits n'y aurait pu tenir le moindre bois. L'initiale du toponyme breton »kenec'h" aurait pu subir la palatisation qui affecta les palatales sourdes en latin comme en celtique?

Noëlle Cée
Vendredi 15 novembre 2024
Bel-air, j'en connais au moins un en Lorraine. Il est sur une butte qui surplombe la Moselle. Pas loin de Toul, nom qu'on retrouve souvent en Bretagne. Une ville «Tomblaine», aussi...

Serj an Huede
Vendredi 15 novembre 2024
@ patrick Y GIRARD
C'est pourtant aussi l'étymologie qu'en donnait le chanoine Falc'hun: Bel-air proviendrait de Belen are : «are» étant un terme gaulois d'où est tiré le français aire, are, (hectare, etc...) et le breton 'ar' dans arvor, argoad.

Léon-Paul Creton
Vendredi 15 novembre 2024
... Et déclinons "«ARAR» (charrue), pluriel «Erer Kozh» ou Vieilles Charrues ;0)

Léon-Paul Creton
Vendredi 15 novembre 2024
...Et pourquoi pas «Terres araBLES»!

Léon-Paul Creton
Vendredi 15 novembre 2024
Bien entendu il ne saurait tarder que quelqu'un nous parla du latin «arare» (labourer). Latin comme chacun le sait (et seulement en France), est à la racine de sanskrit et des langues indo-européennes...
Ce n'est peut-être pas la réalité...Mais qui le sait vraiment? (NDL'auteur)

BAYKL
Vendredi 15 novembre 2024
Bonjour à tous !

Il est vrai que ces toponymes en «Bel air» sont surprenants, il faudrait trouver des formes anciennes pour nous aider.
Comme dit précédemment, les Bel Air, de ce que je vois aussi, se trouvent plutôt sur des hauteurs (dans le pays nantais en tout cas).

Pour la fontaine de Baranton il serait peut être plus logique d'y voir une forme du breton «andon» ? «barr andon» : «la haute source». Pour la fontaine mythique je veux dire. Pour la fontaine de Paimpont en revanche, tardivement affiliée à Baranton, elle se nommait à l'origine «Belleanton», plus proche du mot «Belen», soit. Menfin.

Mabon était aussi connu en Bretagne armoricaine, il a été porté comme prénom jusqu'à assez tard. Il y a aussi des noms de lieux comme Kervabon vers Guérande.

Pour le dieu «Belen», son nom est devenus une sorte d'archétype du dieu païen au moyen age. Ce qui lui a permit un certain succès. On le retrouve aussi dans le roman de la rose :

«Mais gart qu'ele ne soit si sote
Pour riens que clerc ne lay li note
que jà riens d'enchantement croie
ne sorcerie, ne charmoie
ne Belenus, ne sa science
ne Magique, ne nigromance»

Selon ce roman les femmes seraient enclines à se vouer à Belenus.

Selon J. Lacroix, il serait passé dans le mot occitan «belin» (sorcier). Pour ma part je le verrais bien dans le mot d'Oïl bien connu en gallo : Belou (paysan), ce n'est pas si saugrenu, le mot paysan lui même vient de «païen». Et comme on dit par chez nous

«chrétien d'naissance mais païen d'nature»

Kenavo !


patrickygirard@hotmail.com
Vendredi 15 novembre 2024
Dans les toponymes de de Barenton & Tombelaine il n'y a pas eu d'évolution en «r» alors q ts les «Bel-air» ont subit cette évolution? d'autre part, quelle signification peut-on donner aux très nombreux «Bel-orient» qui ne rivalisent pas sur le terrain avec bel occident. «orien» ne conviendrait-il pas à la désinence plurielle de gweler?

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