Georges Cadiou, qui est journaliste de profession, s'essaye à l'Histoire depuis quelques années, de manière honorable, bien qu'à un niveau moins professionnel que Michel Nicolas. Voir (voir notre article).
Mais, cela ne dévalue l'intérêt d'un outil de référence qui manquait et fait mieux que compléter les ouvrages du professeur Jean-Loup Avril (Mille Bretons, Le Portes du Large, 2002) qui ne se limitaient pas aux personnalités (pas toutes bretonnes) qui ont eu un lien avec cette vaste mosaïque à dimension variable qui est appelée «Mouvement breton» ou «Emsav».
Curieusement, la préface ne permet pas de saisir quelle délimitation, l'auteur donne à son sujet, puisqu'il donne dans la tautologie, «l'Emsav», c'est un «mouvement politique breton».
C'est en lisant l'ensemble des notices que l'on comprend que l'auteur veut montrer que, lors du «Deuxième Emsav» (1918-1944) et lors de la période actuelle du mouvement breton, qui serait le «Troisième Emsav», les idées de gauche ont toujours été présentes.
Ce n'est pas inattendu de la part d'un adjoint au maire Union démocratique bretonne, à Quimper, et, cela a le mérite d'élargir les perspectives.
Celles-ci sont élargies à souhait, car, Georges Cadiou a rédigé de grands articles, pas toujours très fouillés, sur les concepts politiques qui tiennent au sujet, comme le nationalisme, le régionalisme, l'indépendance, le socialisme, le communisme... et des éclairages historiques sur l'État breton médiéval, la Révolte des Bonnets Rouges (1675), l'Affaire Pontcallec (1718-1719), la République, la Commune de Paris, etc.
Si le «nordisme» est convoqué, à juste titre, pour montrer la proximité de certains membres du Parti national Breton (PNB) avec l'idéologie nazie qui combat une, soi-disant, sécheresse et indolence des pays latins, on ne peut s'empêcher de trouver bizarre cet écho de l' antagonisme que certains croient voir, aujourd'hui, entre l'Allemagne et les «pays du Club Med» (pays méditerranéens, France incluse).
On est étonné de ne trouver aucune mention du «panceltisme», car le néo-druidisme n'a jamais concerné que les trois pays de langue britonnique, or, l'Écosse et l'Irlande, qui ont eu des liens permanents avec la politique bretonne depuis des siècles, ne sont traités que dans des articles courts et peu approfondis.
Le lien entre le panceltisme originel, celui de Taldir, et le régionalisme, alors farouchement antinationaliste et anti-PNB, n'est pas perçu.
Le mérite de Georges Cadiou est de montrer, au fil des biographies, les passerelles qui ont pu s'établir entre contemporains qu'on pouvaient croire indifférents ou opposés les uns aux autres.
Un parcours peu banal est celui de Lucien Divard qui, le 13 juillet 1967, tente le premier attentat connu du Front de libération de la Bretagne (FLB), à La Pâquelais, en Vigneux-de-Bretagne, à peu de distance de l'endroit où doit être construit le nouvel aéroport de Nantes.
Pouvait-on imaginer qu'on le verra, moins de 15 ans plus tard, adjoint radical de gauche au maire socialiste de Saint-Herblain, un certain Jean-Marc Ayrault? Son frère, Lionel, lui aussi ancien membre du FLB, a été, adjoint du maire socialiste de Nantes, Alain Chenard, et a présidé le Mouvement des radicaux de gauche départemental !
Cela confirme que Loire-Atlantique est un lieu majeur du mouvement breton (école d'agriculture de Grand-Jouan, à Nozay, revues littéraires, cercle celtique de Nantes, imprimerie du PNB, Résistance d'un groupe nazairien sous des couleurs bretonnes, bagadoù et fêtes celtiques, Skoazhell Vreizh, votes bretons parfois supérieurs, etc.).
Marcel Cachin, alors directeur de «l'Humanité», écrivait, en 1932, «le mouvement autonomiste breton doit être défendu... le peuple breton recèle une particularité ethique indiscutable, sa langue, son passé millénaire». Il croisera les chefs du PNB, lors de l'enterrement de leur ami commun, Yann Sohier.
Georges Cadiou rappelle une déclaration immortelle de Maurice Thorez, député communiste, qui déclare à la Chambre des Députés en 1931 : «nous réclamons... l'indépendance absolue et inconditionnée du peuple d'Alsace et de Lorraine».
Depuis, les communistes se sont affadis et sont devenus des chantres de l'État-Nation, comme les autres politiciens français.
Gabriel Jaffrès (1905-1958), proche des communistes, disait, en 1937, n'avoir pas peur de l'autonomie de la Bretagne), car, dans ce cas, les communistes auraient «une solution... uniquement inspirée des intérêts du peuple».
L'auteur mentionne que le Parti communiste breton, un groupuscule des années 70, a été fondé par quelques personnalités dissemblables : «Yann-Morvan Gefflot, Kristian Hamon, Youenn Drézen fils, Mériadec de Gouyon-Matignon, Gwenc'hlan Le Scouëzec, Jean-Pierre Vigier et Padrig Montauzier».
Si la moindre tendance de gauche du mouvement breton est décrite, l'auteur a tenté, autant qu'il lui était possible, de traiter ceux qui n'étaient pas ou ne sont pas à gauche, avec une certaine forme d'½cuménisme, qui s'arrête à la collaboration avérée pendant la guerre ou à l'expression des idées racistes.
Il lui suffit, souvent, de citations qui parlent souvent par elles-mêmes. La collaboration de Roparz Hemon est mentionnée, sans accabler l'homme, bien qu'il soit omis de dire qu'il a été acquitté pour l'incrimination principale : «trahison et intelligence avec l'ennemi» et est donc sorti libre du tribunal.
Ce dictionnaire rassemble des informations jusqu'ici dispersées et, s'il y a des erreurs factuelles, elles semblent, a priori, assez peu nombreuses.
Il manque, pour un grand nombre d'articles les informations qu'on aurait aimé avoir (elles ne sont pas facile à trouver) : le statut social et/ou la profession des personnes et, surtout, pourquoi sont-elles rattachables au mouvement breton?
D'après nos informations, un autre dictionnaire du mouvement breton est en préparation et il n'y a pas de doute que, puisque son auteur a eu un parcours politique très différent, il sera très intéressant de comparer le champ politique choisi et les points de vue.
On en saura, sans doute, plus sur les hauts et les bas de l'Union démocratique bretonne...
Georges Cadiou, Emsav, dictionnaire critique, historique et biographique : le mouvement breton de A à Z, Coop Breizh, 2013, 24,90 euros.
Christian Rogel
■Le régionalisme en Bretagne est inexistant. Il a eu son temps, de l'époque de l'URB avan de péricliter au profit du national-autonomisme puis du nationalisme (PAB / PNB). Les fédéralistes ont échoué dans leur tentative.
Après quant à la capacité du PNB d'entraîner les Bretons, elle est mineure quoique réelle. Mais c'est normal, les Bretons ne font pas de politique, surtout qui leur profite, ceci depuis deux siècles au moins. Il n'en reste pas moins que l'histoire bretonne du XXème siècle ne retient à raison que deux noms : PNB / FLB.
Intelligent selon quels critères ? Et selon qui ? Je préfère et de beaucoup la Vox Populi, celle qui se rappelle aussi des Chouans de Quiberon, des insurgés de Pontcallec, de la Rouërie et de Kadoudal, des exploits des deux Jeanne contre la menace d'annexion, des héros malheureux de 1488.
L'histoire est dérisoire par rapport à la mémoire, la première intéresse la minorité soucieuse du détail, mais indffère l'immense majorité qui ne retient que de rares noms et quelques faits d'armes. La Vox populi, pour ce qui concerne le XXème siècle en Bretagne, retiendra au moins ce fameux PNB, ces «Breiz Atao» qui ont marqué l'histoire et le FLB, pour les mêmes raisons. Le reste, détails de spécialistes qui ne dépasseront jamais le cadre des études confidentielles d'universitaires sans public.
Ensuite, comparer ce qui se fit en Bretagne avec ce qui se fit au Royaume-Uni est un non sens : l'Angleterre n'a pas été envahi par l'armée allemande, n'a pas vu l'état central anglais remis en question par un envahisseur éventuellement ouvert aux autonomies écossaie et galloise. C'est probablement ce qui a permis une relative stabilité de ces mouvements. En Bretagne la guerre était une donnée avec laquelle il fallait composer, et pourquoi, en 1936, le PNB ne serait-il pas pris à rêver d'une France vaincue, démantelée, par un ennemi, la Prusse, ouverte à l'autonomie bretonne ? À cette date, Hitler était appelé «Monsieur le Chancelier», on vantait ses réussites économiques stupéfiantes et l'on était somme toute admiratif devant la capacité du nouveau gouvernement allemand de supprimer la menace communiste sans guerre civile. Bref, en 1936, peu nombreux étaient ceux qui voyaient l'Allemagne d'Hitler comme autre chose que l'éternelle Prusse autoritaire et militariste qu'elle était depuis Frédéric II Le Grand.
Au reste, à cette même époque, l'Irlande libérée est amie de l'Allemagne et le restera jusqu'en avril 1945, preuve s'il en est que le conflit n'était perçu pas tant comme idéologique que comme national, à la façon de 14-18. Et chacun de se ménager des alliances.
Bref, en 1936, le PNB jouait des cartes, tantôt une carte communiste, tantôt une carte allemande, et si l'Angleterre s'était montrée intéressée, sûrement le PNB se serait découvert anglophile. Un jeune mouvement à la recherche d'appuis s'essayait à des partenariat étrangers. Qui, depuis en Bretagne, a pu bâtir quelque chose de suffisamment solide au point d'intéresser un gouvernement étranger ne serait-ce qu'en première intention ?
Je le dis tout nettement : il s'en est fallu de peu que le PNB n'obtienne en 1940 un état breton en bonne et due forme allié à l'Allemagne. Indépendamment du contexte, des évolutions ultérieures, le fait est que pour une si petite organisation, dépourvue de moyens, déclarant la guerre à une France alors deuxième puissance mondiale dont la capitale est à 300 kilomètres de nos frontières et dont l'armée comme la police campaient dans nos villes, c'était un tour de force jamais vu depuis 1487. Il s'en est fallu de très peu que la Bretagne ne renaisse comme état européen par la détermination d'une poignée de quadragénaires.
Cela appelle au moins la modestie, car pour ces seuls faits, les intéressés ont été condamnés à mort et ont du fuir, sans savoir si ce pari fou serait couronné de succès. Et Ribbentropp de dire au tandem Mordrel-Debeauvais que l'Allemagne remettait la chose entre leurs mains, qu'ils devaient démontrer que la population suivait. Ce qui fit dire à Mordrel, bien sûr, que la messe était dite.
J'oserais même dire que ce type d'aventures fut le commun de TOUTES les nations d'Europe. Baltes, Slovaques, Croates, etc., tous virent dans cette castrophe qu'était la guerre une ouverture de tous les possibles et jouèrent leurs cartes. TOUS LES PEUPLES qui allèrent jusqu'au bout de cette alliance sont aujourd'hui indépendants, tous, sans exception. Ils avaient lancé un précédent historique majeur, effacé en 1944 par l'invasion soviétique, mais jamais éteinte. Le sentiment national était semé.
Les Bretons eux ont choisi la France et non leur pays. Cela leur a coûté la totalité de leur héritage : aujourd'hui ce pays n'est plus rien que ce que la France veut bien qu'il soit.
Qu'on ne se méprenne pas sur mon propos, qui n'est pas ici de vanter le fascisme, le nazisme et le totalitarisme. le fait est que l'histoire ne retient que ceux qui osent et agissent. Et il s'en est fallu de peu que la Bretagne ne revienne sur la scène européenne comme un phénix renaissant de ses cendres et ceci par la seule action d'une douzaine de cadres brillants. Et peu importe qui offrait cette possibilité, l'histoire a voulu que ce soit l'Allemagne.
Il y en eut d'autres qui optèrent pour la France et qu'obtinrent-ils ? Rien, si ce n'est une surenchère ethnocidaire de la par de la France gaullo-communiste.
Au reste Mordrel tenta de prendre contact très tôt avec l'Angleterre, qui misait uniquement sur la France.
Bref, à côté de ce genre d'aventures les compilateurs d'articles grisonnant d'avant-guerre n'offrent aucun relief et ne furent jamais si près de gains aussi spectaculaires. Le PNB a échoué en 1940, parce que la France s'est rapprochée de l'Allemagne. Il n'en demeure pas moins l'exemple de ce qu'une poignée d'idéalistes peut renverser les montagnes si sa cause est juste.
En 1944, un état breton autonome écrasé par la France, sauvagement détruit, avec une purge terrible aurait laissé ici le souvenir de ce qu'un peuple avait encore le désir de vivre debout, en dehors de l'orbite français. Cela aurait été un martyre décisif, marquant l'histoire bretonne à tout jamais. Cet état breton nouveau aurait aligné vraisemblablement quelques dizaines de milliers de soldats face aux FFI, et consorts, aurait tenté de traiter avec les Alliés, bref aurait démontré sa volonté de vivre en Europe.
Cela aurait été encore plus marquant que la chouannerie. Et c'est ce souvenir sanglant qui aurait maintenu vivant l'idée que la Bretagne n'est pas réductible à la France.
La collaboration ne m'intéresse pas, ni le fascisme, c'est le précédent dramatique qui m'intéresse et ses conséquences mémorielles. On ne nous aurait pas enterrés comme cela, même vaincus, comme on a pas enterrés les Flamands malgré leur appui massif à l'Allemagne, et ainsi pour chaque minorité d'Europe occupée.
Certes, j'aurais aimé que l'Angleterre tende la main aux Bretons du PNB dans le cadre de la guerre, cela aurait été préférable au vu de ce que nous savons. Mais cela ne fut pas possible.
La guerre au final pour nous a été le coup d'arrêt à notre travail, réactivant le virus du chauvinisme français, répandu chez les communistes comme les gaullistes, chauffé à blanc et plus sanglant encore qu'en 1793. Si nous avions eu la paix, n'avions pas connu l'occupation, nous aurions, peu ou proue, un front politique comparable à celui du Pays de Galles ou d'Écosse. Compte tenu des circonstances, ce qui a été fait était le maximum de ce qui était possible. Et c'est bien pour cela qu'ils ont marqué l'histoire et, à mon avis, seront réhabilités dans le courant de ce siècle.
Quant à ceux qui veulent rester dans le résistantialisme, qu'ils y restent !
Jamais au PNB aucun dirigeant ne se proposa d'éliminer en Bretagne quiconque. debeauvais sauva la vie de la femme de Mazeas, juive, comme de sa belle-mère via un ami alsacien. L'action du PNB et des éléments nationalistes séparatistes radicaux - et non pas «nazis» comme vous dites - n'a jamais reposé sur une haine d'un groupe ethnique particulier. Xénophobie oui, largement répandue au reste et pas qu'à droite.
«c'est insulter ceux qui ont tout de suite compris sur quelle pente glissante pouvait entraîner l'acceptation des faits.»
Ah lesquels ? Les 99% de vichyssois qui composaient la France d'alors ? Ou alors les gaullistes qui ont fait crever notre pays ? À moins qu'il ne s'agisse des communistes qui collaborèrent activement pendant un tiers de la guerre avec l'Allemagne ?
Les cadres du PNB, Mordrel, Debeauvais, en tête n'ont jamais été accusés du moindre crime sanglant. Pas du moindre acte de nature violente. Ils ont été jugés pour séparatisme et condamnés à mort pour cela, en 1939, puis en 1944 pour Olier Mordrel.
Bref, le PNB n'est comptable d'aucun crime de guerre, crime contre l'humanité ou autre. En revanche il e a subi de la part de terroristes communistes : cf le massacre sauvage de Jeanne Du Guerny, écrivain. La liste est consistante.
Pour en revenir au propos : ce qui a marqué l'histoire et fait donc date, c'est l'aventure de Breiz Atao et du PNB et ce n'est que de cela qu'il est question quand on parle de séparatisme breton, avec bien sûr le FLB.
Parler d'Emsav en niant la centralité de Breiz Atao, du PAB et du PNB dans sa création, son évolution, dans la première moitié de la décennie, c'est ne pas raisonner en Breton mais en partisan de la ligne française. Je n'ai rien contre, mais il faut le dire. Je précise bien : il ne s'agit pas aujourd'hui d'être «pour ou contre» les choix du PNB, ça n'a aucun sens, mais de rendre à César ce qui est à César et aux Anciens - que moi j'apprécie pour leur audace et leur apport essentiel.
Comme disait Glenmor, ancien du PNB, «La place de Mordrel est à prendre». Oui, en effet, Mordrel est le plus grand intellectuel breton - c'est à dire uniquement breton et non pas «franco-breton» - du XXème siècle. Le penseur du nationalisme, le théoricien jamais contesté, uniquement dénigré, parce que dans son domaine personne n'a pu aller le bousculer.
C'est un élément essentiel : tous ceux qui hurlent avec les loups du gaullo-communisme contre le PNB se trouvent objectivement sur la ligne française établie en 1944 par les vainqueurs. Une chose que les Irlandais n'ont jamais osé faire. Mais comme on dit, nul n'est prophète en son pays. Aussi pas étonnant que Louis feutren ait donné sa collection d'ouvrages bretons à la libraire nationale galloise, il ne savait que trop bien la lâcheté ambiante dans cette Bretagne démantelée du XXIème siècle...
«My country, right or wrong»
La collaboration est un terme visant exclusivement les rapports franco-allemands entre 1940 et 1945. L'action du PNB à partir du milieu des années trente est une politique d'alliance entre la Bretagne et l'Allemagne au même titre que la Slovaquie et d'autres petites nations d'Europe à ce moment.
Mordrel a été écarté précisément parce qu'il ne voulait pas entrer dans la politique de collaboration, ce qui le porta à titrer dans «L'Heure Bretonne», «Ni Français, ni Allemand, Bretons seulement». La politique de collaboration supposait d'adhérer à l'idée que la Bretagne s'incluait dans le cadre de l'État Français dirigé par Philippe Pétain et que Vichy était l'autorité légitime pour régler les rapports britto-allemands. Tout cela a été rejeté en bloc par Mordrel qui a donc été sanctionné immédiatement par l'occupant allemand : il a été interdit d'action politique puis déporté en Allemagne où il fut placé en résidence surveillé pendant deux ans.
Donc votre assertion est erronée : les collaborateurs furent les frères Delaporte qui déterminaient la ligne pro-vichyste du nouveau PNB. Le soutien au Maréchal Pétain représente alors la seule option politique en France, plébiscitée par l'écrasante majorité des Français. Le PNB ne se distingue de personne à ce titre.
«De toute façon, il s'agit d'une histoire qui n'est pas encore réellement écrite. »
Il y a déjà un pas mal d'ouvrages sur cette période.
«Mordrelle a tellement clamé son adhésion aux principes du nazisme que c'est une tentative désespérée que de le déguiser en pseudo-agneau du nationalisme radical.»
Réduire Mordrel à simple «nazi» est erroné, il était influencé par la révolution conservatrice allemande via un ami professeur breton de Paris lecteur et ami de cercles de cette mouvance. Le racisme, l'eugénisme, l'élitisme sont à cette époque des théories largement répandues voire appliquées : aux USA notamment où l'eugénisme est la règle, au Chili ou Salvador Allende se veut un partisan engagé de cette politique. La France coloniale est largement acquise à l'idée de hiérarchie des races comme l'Angleterre, ce n'est pas du tout un produit conceptuel propre au nazisme.
De fait, on ne trouve pas de développement écrit de Mordrel que l'on puisse réduire à du simple nazisme. Mordrel est au c½ur de trop d'influences diverses : romantisme, nationalisme, maurrassisme, etc. Le goût pour les solutions autoritaires est aussi très présent avec le camp royaliste toujours actif qui fut le milieu d'ou jailli l'URB.
Mordrel dans les années 70 a bien détaillé sa pensée, toute de nuance, qui si elle nationaliste n'est pas pour autant totalitaire. Il n'y a rien de commun entre la pensée fasciste italienne ou le national-socialisme allemand et le celtisme de Mordrel qui laisse une grande importance à la liberté individuelle et au principe de subsidiarité organique que l'on retrouve chez les fédéralistes par ailleurs. Bref, Mordrel est plus complexe qu'un simple slogan.
«Ante Pavelic et Mgr Stepinac n'étaient pas nazis, mais leur «nationalisme radical» ne les a pas empêchés de couvrir les abominations de Jasenovac.»
Et ? Quel rapport avec la Bretagne ? Encore une fois : quels crimes de sang reproche-t'on à Mordrel ou Debauvais ? Je n'en vois aucun dans les décisions de justice françaises prononcées contre eux.
Merci en tous cas de m'avoir laissé exprimer ce point de vue. En toute amitié, HLD.
N'aurait-on pas pu le juger par contumace s'il s'est enfui ? Fouéré n'a-t-il pas été jugé alors qu'il avait fuit en Irlande (Procès avec Jacques Guillemot propiétaire des quotidiens «La Bretagne» et de «la Dépêche de Morlaix» ?
Ce à quoi nous avons assisté cher Kristian, en termes de violences politiques, c'est à l'orgie d'assassinats des membres du PCF. J'ai relevé sur base d'archives 1200 assassinats en Bretagne hors nécessité militaire, c'est à dire «assassinats politique». Celui de l'Abbé Perrot est connu, et aujourd'hui encore nous trouverions des intellectuels de gauche pour «expliquer» un tel assassinat, mais prenons-en un autre plus édifiant : celui de l'Abbé Lec'hvien à Kemper-Guezenec. Ce bon abbé était parfaitement apolitique, ne prenant part à aucune organisation ni ne tenant tribune sur des thèmes d'ordre politique. Mais il était ardemment passionné par la langue bretonne, selon le mot d'ordre breton du XIXème siècle : «Feiz ha Breiz». Il fut assassiné à l'été 1944, d'une balle dans la tête, par un commando communiste. La population locale, identifiant vite les auteurs, les prend à partie dans le bourg du village quelques jours plus tard : «Pourquoi avez-vous assassiné notre curé ?», réponse déconcertante d'un des assassins : «Parce que sinon les Américains l'aurait relâché». En somme, étant innocent, le PCF n'aurait pu abattre ce prêtre.
Les cas du genre sont légion. Par comparaison, Lainé dispose d'un groupe en uniforme et ne constitue donc par des groupes de franc-tireurs. Je ne reviens pas ici sur l'opportunité d'un tel engagement, mais sur sa nature. Ce groupe agit aux côtés des forces armées allemandes contre des maquisards : je rappelle ici les textes internationaux quant aux lois de la guerre. Tout homme portant arme sans uniforme peut être abattu sur place. Car une des règles de la guerre est précisément de distinguer civils et militaires afin de limiter l'impact des affrontements sur les civils. La guérilla inverse le raisonnement : maximiser l'impact sur les civils pour contraindre ceux-ci à soutenir la guérilla.
Quand le Bezen a agi en opération, il a respecté les lois de la guerre, réserve étant mis sur les éventuels cas de torture gratuite, bien que là encore - comme durant la guerre d'Algérie - l'hypothèse d'une neutralisation plus rapide d'un ennemi opérant hors lois de la guerre fut un des motifs de procédés expéditifs comme ceux-là.
Mais là encore nous parlons de 60 hommes qui eurent autant de pertes que leurs opposants, lors d'affrontements directs et frontaux. Pas d'assassinats ciblés, sans uniformes, contre des civils à raison d'engagement politique. Ainsi Lainé, quelque soit les motifs de son action, a t'il encore agi dans un cadre militaire conventionnel. Ce qui ne fut pas le cas des communistes.
De là à dire, par un raccourci malvenu, que Lainé était un Oustacha en puissance, c'est sortir du cadre de l'histoire car c'est un plan sur la comète. Les Oustachas s'en prenaient à des minorités présentes sur leur sol, question qui en Bretagne ne se posait pas puisqu'il n'y en avait pas. Même pour le cas des juifs, leur nombre à cette époque en Bretagne est absolument dérisoire : il dut y avoir 300 juifs déportés en tout et pour tout pour toute la région, ce qui est certes toujours trop, mais sans commune mesure avec le reste de la France.
Une analogie est donc hors de propos et aucun historien, même hostile, n'a jamais tenté de sortir du cadres des faits établis pour établir des parallèles improbables.
«C'est bien parce que le PNB n'avait pas un minimum d'ancrage que les Nazis l'ont passé par pertes et profits et cantonné à un rôle de roquet mordant les mollets de Pétain.»
Oui, mais cela n'est pas la faute du PNB, ni du PAB qui depuis 20 ans - avant 1939 - agissaient sur le terrain. Ni aucune autre organisation : l'immense masse des Bretons étaient paysanne, très sommairement alphabétisée, politisée par simple réflexe, certains bassins étant plus remuants que d'autres, essentiellement ceux se déchristianisant et basculant dans l'orbite communiste. Les lectures étaient rares. Le profil des membres du PNB est révélateur : c'est une élite. Ingénieurs, professeurs, architectes, chef d'entreprise, autant de professions qui à cette époque dénotent une forte position sociale qui n'est pas celle du commun des Bretons. Élite urbaine, de classe moyenne ou moyenne supérieure. Il y a de fait une forte barrière sociale entre de tels milieux.
«Prendre le PNB pour un symptôme politique, oui, en faire un début de marche vers la liberté avortée à cause des méchants Français, non. »
De fait si, car le PNB est l'organisation s'étant donné le plus de moyens et ayant approché le plus des objectifs d'émancipation, effort brisé par des contingences extérieures de même nature que celles qui avaient rendu possible une évolution. Ce pari a raté, mais il avait pris corps et c'est l'effort le plus concret allant en ce sens depuis très longtemps.
«Pas de reproches judiciaires à Debauvais et Mordrelle : c'était impossible, car, l'un était mort et l'autre enfui.»
Mordrel a été condamné par contumace, mais pas pour crime de sang. Pour «haute trahison et intelligence avec l'ennemi», ce qui pour un séparatiste breton recherchant une alliance avec l'Allemagne est un non sens naturellement. Mordrel ne trahissant pas un pays contre lequel se bat...
Plus généralement, les assauts contre Mordrel, Debeauvais ou d'autres me semblent toujours aisées surtout car le plus souvent, elles consistent en des règlements de comptes partisans de gens de gauche, parfois ouvertement communiste - et Dieu sait qu'en Bretagne, le PCF a du sang sur les mains.
Il y a beaucoup de fantasmes, une démonisation qui empêche la compréhension des engagements de cette époque.
J'apprécie notre échange quoiqu'il en soit,
Bien à vous, HLD.