Dominika Recalt, auteur basque, critique le bilinguisme et la position des institutions françaises
Mixel Etxekopar a dit l'extrait d'un texte de Dominika Recalt lors de la conférence de janvier : « Les murs de la maison se fissurèrent, les manteaux de cheminées s'écroulèrent, les crémaillères rouillèrent avant de tomber. Le vent venu du nord laissa froid le berceau destiné à accueillir le nouveau né... Les vols de corbeaux « kher kher kher » dans la cour chancelant de leur plainte... une grue pendue à l'envers, le gibet rouge de sang, le dernier coq de la maison décapité...».
Cet extrait d'interview (paru dans le journal du pays basque) montre à quel point les problématiques basques ou bretonnes peuvent être similaires.
- Quel regard portez-vous sur la culture basque, et surtout sur sa situation et son rapport à la langue ? Etes-vous optimiste ou plutôt pessimiste ?
La culture basque, c'est un peuple qui a une langue autour de laquelle s'articule sa vie sentimentale, politique ou artistique. C'est tout.
Quant à dire si je suis pessimiste ou pas sur sa situation, bien que je n'emploie pas ces termes vagues, je dirais que ça dépend des jours. Si l'euskara n'a que peu de place dans la rue, il n'en reste pas moins pratiqué dans la cellule faimiliale. Par contre, ce que je trouve déplorable, c'est que nous venons de vivre une période de campagne électorale pendant laquelle même les abertzale ont fait passer leur message en français.
Même chez eux il y a ce désir de ratisser large ; je trouve ça idiot. Ceux qui sont intéressés par la langue (qu'ils la pratiquent ou non), la culture, sont ceux visés par ces partis. Les autres, ce n'est même pas la peine de s'adresser à eux.
Je ne comprends pas pourquoi ce serait à nous de nous ouvrir. C'est un problème récurrent, on demande en permanence aux minorités de s'ouvrir, arguant qu'elles seraient renfermées sur elles-mêmes. Mais c'est faux, ce sont les Français qui se ferment, c'est à eux de s'ouvrir à une nouvelle langue quand ils la rencontrent. Il y a un territoire donné avec une langue, il s'agirait de s'y ouvrir. Partout où je suis allé, je me suis toujours fondu dans ce que je rencontrais.
- Donc pour vous, la création artistique qui mêle les deux langues n'est pas un bon moyen de véhiculer la culture ?
Non ça ne tient pas la route. Ce n'est pas à nous de nous ouvrir, je n'en démordrai pas. Et les Etats français et espagnols sont bien plus fermés que les autres cultures.
Faire vivre une langue, ce n'est jamais gagné. Et l'officialisation ne résout pas le problème. Il suffit de voir au Sud, bien que l'euskara soit officiel, seulement 1/3 de la population est bascophone. C'est à nous de changer notre façon de le vivre et ne pas nous ouvrir, même si ce que je dis peut paraître sectaire.
Pour en revenir au choix des pièces bilingues, je crois que lorsque l'on fait une pièce, on choisit une langue et c'est tout. Le mélange des deux me fait penser à la world music. Sur des sonorités africaines, par exemple, ou asiatiques, on ajoute des fioritures occidentales. Ce qui aboutit à une musique sans âme, qui n'est pas universelle, mais mondialiste.
Avec ce genre de procédés, on efface tous les particularismes, on en vient à entendre des réflexions du genre de «Qu'est-ce qu'ils sont charmants ces petits peuples» ; c'est du snobisme, ni plus, ni moins.
- Considérez-vous qu'il y a des symboles éminents de la culture, un fonds culturel évident partagé par tous ?
Je ne me préoccupe pas de savoir ce qui est à nous ou pas. Un Français ne se poserait jamais la question de son origine, de ce que signifie pour lui le mot «pierre». Or, nous, les Basques, sommes considérés comme des bizarreries, nous devons nous justifier en permanence. On met dans un musée, on fait des recherches, des analyses tout ça pour finalement être rangé dans un tiroir duquel nous ne pouvons plus sortir. C'est encore une vision de Français.
- Dernière question, que pensez-vous du mode d'action des institutions publiques dédiées à la culture basque ?
Il y a un problème avec les institutions, c'est qu'elles ont été mises en place pour calmer nos revendications, nous endormir. En leur donnant ça, on sera tranquille. Il faut une volonté politique réelle, les Français n'ont eu aucun scrupule à imposer leur langue, nous ne devrions pas avoir de scrupules à agir de la même façon. Ce n'est pas une pièce par-ci par-là en euskara qui va changer la donne. Je ne doute pas de la bonne volonté de l'ICB, mais il n'a pas assez de moyens et il fait fausse route. Il faudrait qu'il se remette à secouer le cocotier.
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