Décentralisation - Acte III alias “L’Arlésienne”

Chronique publié le 2/02/13 13:50 dans Editorial par Paul Chérel pour Paul Chérel

La centralisation des pouvoirs et des décisions est le “mal français” par excellence. Son origine date de la fin de l'époque féodale et des débuts de la monarchie (XIIIe/XIVe siècle). Il s'agissait alors principalement d'un essai d'unification des divers droits juridiques en vigueur issus du droit romain, du droit germanique et des droits coutumiers dans une France qui n'existait pas encore, morcelée par les invasions. Vint ensuite une montée en puissance de la monarchie royale face à un affaiblissement progressif des pouvoirs féodaux locaux, en grande partie dû aux droits de succession. L'apogée du système se situe avec les rois “Louis” des XVIIe et XVIIIe siècles. Les rois étendent alors leur autorité dans tous les domaines, territoriaux, administratifs, militaires puis économiques et sociaux. Napoléon et les républiques n'ont fait que profiter de la situation établie en la renforçant grâce à des moyens plus modernes, plus efficaces, plus adaptés à un contrôle total des activités du pays y compris dans des domaines tels que l'éducation et depuis peu, la culture.

Aujourd'hui, l'État a atteint - comme on dit dans l'entreprise, son niveau d'incompétence - à force d'accaparer des pouvoirs fort éloignés des seules missions régaliennes qui auraient dû rester les siennes, et il réfléchit à la manière de se débarrasser des responsabilités que ces pouvoirs entraînent tout en en gardant gloire et usufruit. Il appelle cela décentraliser. Le gouvernement actuel entend donc procéder à un troisième acte, un premier ayant eu lieu selon lui en 1982 et un second en 2003/2004 avec les lois Raffarin et l'accueil hypocrite du mot “décentralisé” dans la Constitution.

Première concrétisation de cette volonté affichée : un “document de travail” qui a été transmis aux associations d'élus le 10 décembre 2012. Celles-ci ont tout de suite constaté un flou que, dans certains milieux on qualifie d'artistique, dans la composition de nouvelles instances envisagées : Haut Conseil des territoires, conférences territoriales de l'action publique, compétences générales des régions et départements, reconnaissance et compétences accordées à des “métropoles”, etc.

Le 7 janvier, la ministre en charge, Marylise Lebranchu, à la tête d'un ministère où l'on a entassé pêle-mêle réforme de l'État, décentralisation et fonction publique, déclarait au cours de ses v½ux : « Le principal levier de ce projet de loi, ce n'est pas le transfert, mais le contrat », ce qui annonçait une sorte de décentralisation “à la carte” au moyen de parlottes entre État - représenté par ses préfets - et collectivités, tous les 5 ans, compétence

par compétence, pour aboutir à un contrat « définissant des modalités concrètes d'exercice dans le respect du principe de non tutelle d'une collectivité sur l'autre » selon les termes reportés par la gazette des communes. En clair, on ne touche pas au millefeuille mais on permet à chaque feuille de “vivre sa vie”. C'est tout au moins ce qu'a pensé et dont s'est inquiété Jean-Claude Mailly, le président de F.O. le syndicat prédominant dans la fonction publique. Le président de la R.F. l'a rassuré en disant : « Le caractère unitaire de notre État ne saurait être remis en question » Quelques jours après, Jean-Luc Mélenchon claironnait « décentralisation, une machine à déchiqueter la République ». A la mi-janvier, un texte présenté au Sénat faisait état d'un nouveau mode de scrutin cantonal, du conseil général dénommé désormais conseil départemental à la compétence générale limitée à l'action sociale, une organisation par le préfet de la “métropolisation”. Le mic-mac en quelque sorte.

Aux dernières nouvelles on apprenait que le projet de loi ne pourra pas être présenté en conseil des ministres avant mars 2013, une première lecture en assemblée reportée à la fin de la session parlementaire en été, une adoption pas avant l'automne. En conclusion, peu de chances que cet Acte III voit le jour avant la fin de l'année ! Paul Chérel


Vos commentaires :
Ar Vran
Vendredi 15 novembre 2024
Je cite «Aux dernières nouvelles on apprenait que le projet de loi ne pourra pas être présenté en conseil des ministres avant mars 2013, une première lecture en assemblée reportée à la fin de la session parlementaire en été, une adoption pas avant l'automne. En conclusion, peu de chances que cet Acte III voit le jour avant la fin de l'année !3

Et encore... je parie que ce fameux acte III va être comme la montagne, elle va accoucher d'une souris.
Pour les incrédules, je les invite à prendre connaissance de la phrase de Mme Lebranchu citée dans l'Express : »Si j'avais eu dix ans de moins, j'y allais..." à propos de sa candidature à la mairie ... de Marseille.
C'est vous dire du peu de cas qu'elle a pour la Bretagne, alors si vous comptez sur elle pour avoir une nouvelle étape dans la décentralisation, veuillez surtout à ne pas attendre après elle. Encore une fois , cela est triste mais c'est la sinistre réalité de la majorité de nos chers élus bretons...


Pierre CAMARET
Vendredi 15 novembre 2024
Que voulez vous Mme LEBRANCHU a son equation personnelle , elle vieillit ( comme tout le monde ) a Marseille il y a le soleil , en Bretagne , il pleut .Alors , peuchere ???

Maurice Mervipec
Vendredi 15 novembre 2024
Ce qui a fait la force de la France, c'est le fait qu'elle ait été dotée d'un Etat central structuré autour d'une administration puissante se déployant jusque dans ls provinces les plus reculées selon lemême modèle. L'Etat a été capable de juguler l'égoïsme et le conservatisme d'abord des grands nobles puis des parlements de province. N'oublions jamais que ce sont eux qui ont refusé les réformes indispensables pour redresser la France à la fin du XVIIIème siècle proposées par Turgot et Necker. Ce fut une lutte constatante sur plusieurs siècles. Cette unité a forgé la Nation. C'est au moment où le pays s'insère dans un ensemble plus vaste, l'Europe,et qu'il a la bonne taille dans cet ensemble afin de gérer ls grands problèmes du moment, qu'on le découpe en petites rondelles inégales, le tout alors qu'arrive un tsunami : la mondialisation avec trois piliers : le libre échange pour la philosophie, le contener pour letransport, le net pour les tecniques. Il est si puissant que l'Europe elle-même a tout juste la taille nécessaire pour réagir. Comment croire qu'une région est en mesure de lutter contre une multinationale? Déjà l'Etat lui-même, affaibli par son endettement, n'y parvient pas, voire même l'Europe. La décentralaition a été un contresens majeur. Force est de constater que la seule fois où les Français se sont prononcés sur la décentralisation,en 1969, ils l'ont clairement écartée alors même qu'elle était soutenue par le plus emblématique d'entre eux. Mesure contrcyclique comme la retraite à 60 ans au moment des premiers effets de la pyramide des âges, les 35 heures au moment d'une formidable reprise économique où les heures supplémentaires et les réductions d'impôts à la veille d'une crise économque sans précédent...
Deuis, l'introduction, bien que relativement modeste et progressive, de la décentralisation, en a montré tous les effets néfastes : gaspillages administratifs en prsonnel, en locaux, généralement liés à un souci de visibilité, dispersion des crédits et des actions (les pôles de compétitivité en sont la caricature, la régionalsation et la décentralsation ont montré comment une bonne idée : faire une dizaine de pôles mondaiux en concentrant les moyens a été dévoyée pour satisfaire chaque région), concurrences entre projets non viables etc, et ce dans tous les domaines. Cela s'est fait avec le maintien d'un millefeuile administratif, chacun voulant garder ses prérogatives, sa fameuse compétence génrale.
Pour autant, on ne peut probablement plus revenir en arrière. Alors allons de l'avant : l'acte III devrait être cet outil : supprimer les doublons, laisser à la décentralisation ce qui touche la vie quotidienne, remmettre au niveau de l'Etat les politiques et leur conduite sur tout le territoire en lui permettant de procéder aux arbitrages dans l'intérêt général par rapport à l'Europe et au niveau mondial (il doit pouvoir se placer dans la même situtation qu'Arcelor Mital, les banques, voire même le groupe Renault)et les mettre en oeuvre. Si régions il doit y avoir : faire de grandes régions,limiter le rôle des départemetns à un rôle de relais local des régions, réduire le nombre de communes, contrôler les intercommunalités, veiller à ce que les compétences soient réparties entre Etat et collectivité (ce que fait l'un, l'autre ne le fait pas)et en cas d'impossibilité, prévoir un système de contrat (par exemple pour l'aide aux entreprises). Enfin, ceci devrait s'accompagner de la suppression du cumul des mandats d'une réduction drastique des parlementaires (il y a près de 1000 parlementaires pour 65 millions d'habitants contre 500 aux Etat-Unis pour plus de 300 millions d'hbitants).

Paul Chérel
Vendredi 15 novembre 2024
@ Maurice Mervipec. . Etatisme ou fin de l’étatisme ? Tout est là. Votre vibrant plaidoyer en faveur de l’État, disons même monarchique, vaut ce qu’il vaut, même s’il semble que c’est de moins en moins la tendance mondiale. Un État, qui accapare tout comme c’est le cas en France, devient de plus en plus incompétent, c’est ce que souhaite mettre en avant l’éditorial. Vous pensez que l’Acte III va être l’outil qui supprimera les doublons, s’attaquera au millefeuille, etc. ? Cela est absolument impossible du fait principalement de la puissance acquise par des administrations non élues mais aussi du fait de l’incompétence des élus de haut niveau, sortant de l’ENA pour la plupart, sans aucune connaissance de - voire un mépris pour - la vie civile, de l’esprit d’entreprise, et des matières scientifiques et économiques. Le titre même du ministère dont Marylise a été chargée est, à lui seul, une belle démonstration de l’impossibilité que je signale. Paul Chérel

Ar Vran
Vendredi 15 novembre 2024
@Maurice Mervipec.

Bravo pour votre intervention. Je n'aurais pas fait mieux, c'est un concentré de la «mauvaise foi» de l'idéologie de la France. Vous auriez pu ajouter que «ce n'est pas à l'heure où des ennemis de la France, eternelle, se dressent à l'extérieur qu'il faut que ce pays, fille ainée de l'Eglise, promoteur des droits de l'homme, que soit encouragé le féodalisme et le communautarisme. Parachevons l'oeuvre comme l'Abbé Grégoire, sus aux patois jusqu'à la mort et faisons sienne la phrase de Pompidou : »il n'y a pas de place pour les langues et cultures régionales dans une France qui doit marquer l'Europe de son sceau"


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