Diaspora économique Bretonne…Bretagne expatriée…
Le mot “diaspora” m'incommode quelque peu dans la mesure où il ne correspond dans ce contexte où il est utilisé en aucune façon à l'étymologie du terme par ailleurs fort bien expliqué par les gens de la DEB. Le terme diaspora signifierait « la communauté dispersée des pèlerins (Dufoix 2003) ». Prosaïquement ce terme s'applique surtout aux expatriés de confession juive. Personnellement je préfère le terme les expatriés Bretons, ou la Bretagne expatriée. Terme excluant précisément toute appartenance confessionnelle quelle qu'elle soit. Cette Bretagne expatriée elle existe, je la rencontre tous les jours. Bien que sensible à leur appartenance communautaire, les Bretons expatriés ne développent pas tous, loin s'en faut, une conscience nationale, une conscience des intérêts de la Bretagne, une conscience de la nécessité de la défense de ses intérêts, une adhésion à la défense de ce qui constitue précisément sa singularité ; une histoire, une langue (ou plutôt des langues), une culture, une musique. Cette histoire, ces langues, cette culture ont façonné au cours du temps une mentalité où souvent se heurtent de fâcheux paradoxes ; individualisme entêté et volonté de s'inscrire dans un mouvement de défense de cette même singularité.
Les Bretons expatriés souffrent de l'atavisme Anarcho–Fédéraliste des Celtes. Bien qu'ayant développé des civilisations de réalisations remarquables (en agriculture, en métallurgie, dans les arts) les Celtes ont au travers de l'histoire été incapables de se donner des structures et institutions étatiques leur permettant d'affronter et de gagner sur leurs opposants ou ennemis. Seule l'Irlande après avoir affronté les vicissitudes de l'histoire, souvent dans le sacrifice élevé au rang de combat (grèves de la faim mortigènes), s'est doté de structures étatiques. Bien souvent ignorant de l'histoire de son pays, spoliée de sa culture, trop souvent victime d'une aliénation ethnocide assez similaire à celle entreprise par les Chinois à l'égard du Tibet, la Bretagne expatriée est un territoire de conquête ou de re-conquête identitaire. Cette conquête ou re-conquête identitaire, ce combat au quotidien contre l'aliénation perfidement administrée à coup de contrevérités voire de mensonges historiques sont souvent l'oeuvre d'une minorité agissante. Cette minorité agissante s'est décomplexée de l'opprobre et infamie injustement jetées sur la Bretagne par les héritiers des jacobins ou terroristes Montagnards, par les Prosper Mérimée, Honoré de Balzac et autres plumitifs Parisiens du 19ème siècle, par les Nolleau, les Ruquier et autres Guignols des officines politico -médiatiques qui continuent de distiller au travers de propos (souvent imbéciles ou graveleux) un mépris à l'égard de la singularité identitaire bretonne. Ces Guignols, chantres du microcosme Parisien, se présentent sur les écrans de tous le samedi soir en donneurs de leçon et en juges arbitres et de la norme lutécienne. Depuis quelques temps, nous assistons dans un certain nombre de médias à la re-émergence de propos orduriers, méprisant voire racistes à l'égard de la Bretagne et des Bretons, propos qui très certainement traîneraient à juste titre leurs auteurs devant les tribunaux si ceux-ci étaient adressés à des gens de couleur autre que le blanc, à des gens de certaines confessions religieuses à raison mais quelquefois à tort victimisées ou à des gens appartenant à des communautés homosexuelles.
Nous devons, à chaque fois que de tels propos sont tenus, recourir à l'action judiciaire et faire punir leurs auteurs. En ce sens, le Conseil Régional (peut être demain le Parlement de Bretagne) se doit d'être le défenseur inflexible et intraitable de la dignité des Bretons et de la qualité de Breton. Les peuples n'écrivent que peu souvent l'histoire même si ils en tiennent souvent le stylo. Il n'existe pas d'émergence spontanée de structure, aussi les associations qui rassemblent les expatriés bretons sont l'oeuvre d'individus conscientisés militant pour la défense de leur identité et de celle de leurs compatriotes qui n'ont pas toujours eu la chance, le privilège de la connaissance mais qui trouvent précisément dans celles-ci l'occasion d'acquérir des connaissances leur permettant d'affirmer et de défendre leur singularité. Les associations de Bretons expatriés constituent, pour peu bien sûr qu'elles se donnent pour fonction d'assurer la fourniture de la connaissance de la Bretagne tant auprès des Bretons expatriés que de leur entourage direct et leurs hôtes, un outil extraordinaire de désaliénation, de redécouverte d'une identité, de promotion et défense des intérêts économiques, politiques, culturels, sociétaux de la Bretagne. Le métier sur lequel se tissent tous ces tissus relationnels au travers des activités des associations constitue pour moi la Bretagne expatriée que beaucoup appellent Diaspora. Ces associations ne valent que par les statuts qu'elles se donnent, les hommes et femmes qui les dirigent et les animent, leurs capacités à rassembler, à fédérer des énergies, à motiver l'action qui peut, au gré du temps, s'assoupir. Cette Bretagne expatriée vibre par affection pour la Bretagne, travaille souvent pour faire connaître ce que la Bretagne a de meilleurs en matière culturelle, sociétale et économique. Après des siècles de meurtrissures, d'aliénation, de honte, de refoulement d'identité, la Bretagne expatriée est fière, fière d'une fierté respectueuse des différences culturelles, des particularismes sociétaux.
La Bretagne expatriée ne peut pas vivre sur elle-même. Fermée elle est promise à une mort certaine, ouverte elle se nourrit de substance enrichie de l'histoire du monde. Les associations des Bretons qui se fourvoient dans l'intégrisme identitaire, dans le sectarisme, dans l'exclusive ne servent ni la Bretagne, ni les Bretons au contraire ils la desservent. KBBV l'association des Bretons au Vietnam intègre dans ses rangs comme membres de plein droit et à qualité égale des Vietnamiens, amis de la Bretagne, des Irlandais amis de la Bretagne, des Français, amis de la Bretagne, dans le respect des principes fondateurs de l'association ; à savoir le respect du territoire national uni de la Bretagne historique et le respect de la dignité de la qualité de Bretons; l'insulte portée à la Bretagne et aux Bretons, constitue un motif d'exclusion de KBBV.
La « Diaspora » Bretonne au sens économique, ce concept rejoignant celui de lobby n'existe pas encore. Il reste à la construire autour d'une préférence nationale à vulgariser et à étendre. Si le remembrement du bocage Breton a bien eu lieu, celui du remembrement des mentalités reste à faire et constitue une priorité à donner à l'avant-garde politique, économique et associative conscientisée aux nouveaux défis d'une globalisation galopante des problèmes. Le Breton aime son pré carré, ses talus et quelquefois ses fossés. Contrairement par exemple au beagle Batave, l'épagneul breton ne sait pas chasser en meute. L'épagneul breton est un chien d'arrêt à qui il est urgent d'apprendre à chasser en meute en faisant valoir la dimension identitaire comme valeur ajoutée. Terre d'excellence dans beaucoup de domaines d'activités, agriculture, agro-fourniture, nutrition animale, alimentation humaine, électronique, technologies de l'information, technologies médicales, les produits bretons ne doivent pas être bradés mais au contraire valorisés par la dimension identitaire qui, par le passé, pouvait attirer les railleries de certains cerveaux hexagonaux malfaisants. Le travail, l'obstination, la fidélité à des exigences, une grande capacité d'adaptation, la hardiesse, le panache ont permis aux Bretons de s'établir aux quatre coins du monde. Ces qualités doivent être portées à la connaissance des autres peuples du monde et trouver leur illustration dans la sphère économique et culturelle. La culture bretonne est un atout pour l'économie bretonne. Riche, humaniste, cette culture en particulier sous sa forme musicale peut être un outil de promotion des produits bretons. De nombreuses sociétés bretonnes participent à des salons professionnels organisés sur les 5 continents. Souvent à l'issue de ces journées harassantes mais toujours enthousiasmantes voire euphorisantes, les cadres techniques et commerciaux de ces sociétés se retirent dans leurs hôtels alors que leurs prospects commerciaux eux aussi se retirent dans leurs hôtels (souvent les mêmes).
Pourquoi ne pas utiliser ces moments privilégiés de rencontre pour accorder commerce et culture, commerce et convivialité, commerce et amitiés. Ne pourrions-nous pas voir Alan Stivell ou d'autres artistes et tant d'autres musiciens constituer une écurie culturelle et se produire en soirée de ce type d'événements et faire partager aux prospects des sociétés bretonnes les charmes enchanteurs de notre musique. Ce type de prestations ne pourrait que nourrir un climat propice à l'établissement de relations fructueuses allant bien au-delà des intérêts économiques dans la mesure où celles-ci feraient une part importante au facteur humain fondamental à l'exercice commercial. En cette époque de globalisation déshumanisée, de crise mondiale de certaines valeurs, l'heure est à l'ouverture identitaire (et non au repli) pour précisément donner un sens aux échanges dont le commerce n'est que le volet mercantile.
Certaines sociétés bretonnes ont déjà compris les bénéfices à tirer de l'association de la culture et du commerce. La société Olmix a accompagné un séminaire international de haute volée scientifique de prestations musicales produites par la Kerlenn Pondi et le groupe de fusion musique Britto-Vietnamien Lang Du. Ces prestations remarquées ont permis à plus de 200 éminents scientifiques venus de plus de 50 pays de découvrir la musique bretonne, de communier dans celle–ci par delà des différences de couleurs de peau, de langues, de religion et de culture. Au-delà du strict caractère professionnel, des relations durables de respect voire d'amitié se sont établies entre les participants à ce séminaire permettant à la société Olmix d'entrevoir de réelles perspectives de réalisations commerciales. Détachés à l'étranger, les Bretons de l'expatriation doivent devenir tous des ambassadeurs de la Bretagne permettant à la Bretagne, à ses produits industriels ou culturels de rayonner à travers le monde. La « Diaspora » économique Bretonne est en cours de construction. Les fondations de celle-ci doivent être profondément ancrées dans la réalité économique et culturelle de la Bretagne d'hier et d'aujourd'hui et non dans les brumes de sensibleries romantiques (au demeurant sympathiques).
Ces mêmes fondations doivent être établies par des Bretons expatriés acteurs économiques, socio-politiques formés aux réalités des exigences commerciales, porteurs d'un savoir historique essentiel à la compréhension de la culture, reconnus et validés dans leurs fonctions par les autorités politiques régionales. Les associations représentatives des Bretons expatriés doivent se donner un cahier des charges, des statuts, des règles de fonctionnement répondant aux principes de responsabilité, d'éthique et de démocratie. En contre–partie, celles–ci doivent recevoir l'onction du Conseil Régional et des Conseils généraux des 5 départements bretons et des finances leur permettant de les faire fonctionner au mieux des intérêts de la Bretagne en devenant également un allié précieux de l'association Bretagne Commerce International, maître d'½uvre du déploiement des actions commerciales des sociétés bretonnes à l'international. Il serait souhaitable que les capacités des entreprises bretonnes à aborder les rivages souvent périlleux du commerce à l'exportation soient auditées et avalisées avant que celles-ci ne s'engagent dans des missions qui peuvent s'avérer improductives, inefficaces et souvent coûteuses et pour l'entreprise et pour la collectivité territoriale ou consulaire bretonne.
Ces audits devraient être opérés par un service détaché de la BCI, service attaché à la région, service opérant avec l'aide des banques assistant les entreprises dans leur fonctionnement. Le rayonnement de la Bretagne passe par le déploiement de moyens répondant à une stratégie, par le développement d'antennes constituées par les associations de Bretons qui sont autant de branches sur lesquelles peuvent reposer des projets ambitieux. La solidité de ces branches dépend de la solidité de l'arbre, de la solidité de ses racines. « Seul des arbres aux racines puissamment plantées dans une terre lourde et fertile peuvent développer des branches solides et fructueuses et affronter les plus grandes tempêtes » disait en breton Pierre Croisel, mon grand père, paysan–conteur du pays Fisel.
Salutations bretonnes,
Michel Guillaume
Président fondateur de KBBV
Président de l'OBE – Bretons du monde
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