La souveraineté de la Catalogne face à l'Etat espagnol : acte 4

Enquete publié le 26/01/13 0:28 dans Europe par Christian Rogel pour Christian Rogel
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Salle de réunion du Parlement de Catalogne - Citadelle de Barcelone

Le processus d'autodétermination de la Catalogne est en marche, puisque le 25 janvier 2013, le Parlement de Catalogne a adopté une «Déclaration de souveraineté de la Catalogne», pour le moment purement symbolique. Elle est le prélude à l'organisation d'un hypothétique référendum d'autodétermination, auquel s'oppose le gouvernement central.

Une pièce de théâtre politique très sérieuse se joue juste de l'autre côté des Pyrénées, mais entre le fracas des armes en Afrique et la récupération en fanfare d'une jolie et télégénique ressortissante, il n'y a pas beaucoup de place pour la mettre dans l'actualité en France.

Acte 1 : Suite à la censure en 2010 par le tribunal constitutionnel de 14 articles du Statut de la Catalogne approuvé par référendum en Catalogne et au refus, en 2012, de revoir les transferts d'impôts vers le gouvernement central, un million et demi de manifestants proclament dans les rues de Barcelone, le 11 septembre 2012, que la Catalogne est une nation et a droit à l'indépendance.

Comme en 2010 et en 2011, le thème officiel de la journée était : «Nous sommes une Nation» et «La Catalogne, nouvel État d'Europe».

Le 11 septembre est la Fête de la Catalogne et commémore la résistance des Barcelonais, qui réussirent à tenir 14 mois lors du siège opéré par les troupes espagnoles en 1714.

C'est alors que furent abolies, pour deux siècles, les institutions catalanes.

Eu égard à la population totale de la Catalogne (7 million et demi), la mobilisation frappe les observateurs par son ampleur.

Beaucoup d'Espagnols sont opposés à l'évolution politique de la Catalogne, non seulement pour des raisons tenant à la conception du pays, mais, aussi, parce que le gouvernement catalan a demandé un prêt de 5 milliards d'euros au gouvernement central pour reconstituer sa trésorerie et qu'ils craignent de devoir payer pour une région réputée riche.

La Généralité répond que Madrid tire beaucoup plus d'argent de la Catalogne qu'il ne lui en donne et réclame l'indépendance fiscale qui est celle des Basques et des Navarrais.

Acte 2 : Le 24 septembre 2012, après une entrevue tendue avec le président du gouverment espagnol, Artur Mas, président de la Généralité, déclare qu'il dissout le Parlement catalan.

Il annonce qu'il fera campagne pour un référendum d'autodétermination sur une Catalogne souveraine, tout en ne parlant jamais d'indépendance, comme s'il voulait garder la possibilité d'une fédération d'États législateurs, proche du système américain.

L'Espagne est souvent décrite comme un État fédéral, mais, elle est loin de l'être au même niveau que les États-Unis.

Artur Mas a été accusé d'agiter la souveraineté pour couvrir ses échecs de gestion (44 milliards de déficit en 2011), mais, dès sa première élection, en 2010, il avait mentionné «le chemin de la plénitude nationale».

Pendant la campagne, le pays se couvre de drapeaux catalans.

Acte 3 : Les élections catalanes du 25 novembre 2012 donnent une majorité écrasante aux 4 partis qui acceptent le principe de la souveraineté et, pour un d'entre eux, de l'indépendance.

On voit même apparaître des distinctions inédites, puisque les 3 élus de la CUP-Gauche alternative, issus de la mouvance des «Indignés» et des altermondialistes, récusent le nationalisme, mais citent la Charte des Nations-Unies qui prescrit que tout peuple a droit à l'autodétermination.

Le 18 décembre 2012, Convergence et Union passe un accord avec la Gauche républicaine de Catalogne, pour qu'Artur Mas soit reconduit comme président et qu'il mette en place un référendum en 2014.

La Gauche républicaine obtient une hausse d'impôts pour les plus riches, afin de résorber le déficit.

Acte 4 : Le 23 janvier 2013, le Parlement de Catalogne vote à une écrasante majorité une déclaration en deux points principaux :

- La Catalogne est un sujet politique et juridique souverain

- Le Peuple de Catalogne a le droit de décider de son destin

Ont voté pour la déclaration 85 députés contre 41 (50 députés de Convergence et Union, 21 députés de la Gauche républicaine de Catalogne, 13 députés d'Initiative pour la Catalogne-Verts, 1 député de CUP-EA). 2 CUP-EA se sont abstenus. 5 députés du Parti socialiste catalan, en rupture avec leur direction, n'ont pas pris part au vote.

Le gouvernement de Madrid a annoncé qu'il combattrait les initiatives souverainistes par voie de justice.

Que sera l'acte 5?

L'indépendance n'est pas la seule réponse possible, car les systèmes politiques et sociaux sont très imbriqués.

Artur Mas réclame à Madrid l'organisation d'un référendum pour confirmer que le Peuple de Catalogne veut obtenir la souveraineté et il ne pose pas la question de l'indépendance.

Le gouvernement de Madrid campe sur le fait que la constitution de l'Espagne proclame que la souveraineté est le monopole de l'Etat espagnol et qu'en conséquence, il n'est pas possible d'organiser un référendum qui aurait pour objet de la mettre en cause.

De plus, tout référendum doit être approuvé par le Roi et les députés des Cortes espagnoles.

Artur Mas prétend que des contacts privés et publics seront pris avec Madrid pour résoudre les questions pendantes, mais, l'opposition des deux grands partis espagnols sera dure, alors qu'ils ne font plus que de la figuration en Catalogne.

La situation politique est très proche en Écosse où le Parti conservateur, au pouvoir à Londres, est une relique historique et les bastions du Parti travailliste sont partiellement entamés par le Parti national écossais.

Dans le cas de la Catalogne et de l'Écosse, l'évolution politique défavorable aux partis centraux entraîne des réactions similaires.

Les opposants parlent d'un isolement économique et même d'une fuite des cerveaux qui handicaperait les États potentiels.

Par exemple, Volkswagen-Audi menace de transférer son usine à Madrid.

L'Europe est aussi utilisée comme Père Fouettard, car, on proclame qu'elle expulserait de facto les nouveaux États en les obligeant à refaire le processus d'adhésion.

S'agissant de régions où le sentiment pro-européen est plus vivace qu'ailleurs, ce serait un vrai paradoxe.

Dans la dizaine d'Etats créés depuis la fin du Rideau de Fer, un seul est réellement problématique, le Kosovo, mais, il a le malheur d'être proche d'une Albanie partie à la dérive.

Les questions régionales du Mali et, spécialement, les relations politiques entre les Touaregs, les Maures, les Songhaï et les Peuls sont une préoccupation du gouvernement français.

Mais, les questions politiques qui se posent à l'intérieur de l'Europe sont, pour le moment, balayées sous le tapis au nom du principe de la non-ingérence.

Toute question politique impliquant des millions de gens doit pourtant avoir une réponse, tôt ou tard.

Christian Rogel


Vos commentaires :
Montserrat VALLRIBERA
Dimanche 22 décembre 2024
Une seule petite nuance à un article complet, objectif et écrit en laissant de côté les clichés lancés comme des bombes par les faiseurs d'opinion à Madrid.
En ce qui concerne le «chapitre 1», il convient de préciser que le gouvernement catalan a été obligé de demander un prêt de 5 milliards pour la toute simple raison que, au-delà du 8% de PIB catalan qui part à Madrid sans aucune forme de retour sous aucune forme, les montants inscrits à la loi budgétaire des exercices 2010, 2011, 2012 de l'État espagnol ne sont que très partiellement payés alors qu'il touchent les services les plus essentiels: santé, éducation et salaires des fonctionnaires. D'ailleurs, des montants inscrits et approuvés dans l'histoire des 15 dernières années des lois budgétaires étatiques non payés au gouvernement régional catalan il y en a tout au long des différents exercices.
Pour le reste, je vous remercie, en ma qualité de Catalane, d'avoir écrit un historique reflétant de forme correcte la réalité des évènements. J'en recommanderai la lecture à mes compatriotes.

bernard guyader
Dimanche 22 décembre 2024
Bon dia , un article remarquable c'est une bonne synthèse , la Catalogne est donc bien le sujet le plus intéressant aujourd'hui ; L'Ecosse va prendre la suite bientôt ...Les nations/etats/Territoires en devenir s'expriment ( Flandres , Ecosse , Pays Basque Féroe , Groenland) .. Ce qui est caché en «ombre» (tant mieux !)c'est ce qui se joue à l'intérieur " les deux bords du bateau ... droite (nationaliste)tribortiste ou la gauche républicaine avec ERC et les Verts catalans .....J'écoute souvent la radio (Arrels au nord) et celles du sud ...Les Catalognes se battent et s'expriment... Tous les niveaux de la société ont un avis .... On en aimerait autant pour la Bretagne ! ... mais les bretons ne semblent pas considérer l'opportunité historique qu'ils ont depuis que L'Europe est une UNION pour se réveiller ...Faudra t il attendre ou redouter 2032 ?.B.Guyader

Jean-Louis G.
Dimanche 22 décembre 2024
«L'Europe est aussi utilisée comme Père Fouettard, car, on proclame qu'elle expulserait de facto les nouveaux États en les obligeant à refaire le processus d'adhésion. S'agissant de régions où le sentiment pro-européen est plus vivace qu'ailleurs, ce serait un vrai paradoxe.»

C'est toutefois sur le plan légal le cas car, pour prendre un exemple parlant, l'Algérie n'est pas devenue membre de l'UE à son indépendance bien qu'en 1957 elle faisait partie de la communauté Européenne.

Les signataires des traités européens sont les Etats et non pas des sous parties. Si ces sous parties ne font plus partie de l'Etat signataire, les traités ne sont plus applicables sur le nouveau territoire.


Christian Rogel
Dimanche 22 décembre 2024
Le raisonnement juridique est mentionné en tant qu'argument du débat, dont il s'agit de rendre compte.
En droit, il est prétendument imparable, mais, le droit international peut faire montre d'adaptabiulité aux faits.
Il suffit que des intérêts extérieurs s'en mêlent. Cf. l'Algérie, justement.
Comme la suite de l'histoire des relations intra-espagnoles est imprévisible, il faut se garder de trop parier.
Il y a des faits et des arguments, il suffit de les exposer.

Ar Vran
Dimanche 22 décembre 2024
@Jean-Louis G.
Pour continuer votre démonstration, j'ajouterai «de quel droit un état européen dont une ancienne partie s'est détaché pour devenir indépendante fait-il toujours partie de l'UE ?» En effet si on formule l'hypothèse d'une Catalogne nouvellement indépendante, l'Espagne nouvelle a-t-elle le droit de se dire l'héritière de l'ancien pays alors que la Catalogne a légitiment le droit de le dire! Dans ce cas lequel héritera de la place de membre de l'UE?
Cela est pire pour le cas de l'Ecosse, puisqu'il n'y aura plus de Royaume-Uni. Quel sera l'état héritier ? Si on rajoute à cela, l'hypothèse (réaliste) d'une Angleterre quittant l'UE, l'Ecosse nouvellement indépendante peut-elle se dire l'héritière de l'ancien état britannique membre de l'UE?
Que de belles batailles juridiques en perspective...

SPERED DIEUB
Dimanche 22 décembre 2024
C'est peut être un tabou qui dérange mais tous le militants et surtout partisans de l'émancipation des minorités ne sont pas forcément pro européens ,sans compter que d'autres plus à gauche sont favorables à l'Europe des peuples mais pas à celle du grand capital ,Ce n'est pas une prise de position de ma part mais un constat .Par exemple j'entends souvent des gens affirmer qu'ils sont régionalistes autonomistes ou indépendantistes mais ils ne sont pas favorables à l'union européenne pour différentes raisons perso je pense qu'ils font erreur cependant les partis bretons devraient en tenir compte

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