Elle pourrait s’appeler Nathalie

Communiqué de presse publié le 29/12/12 15:34 dans Politique par André Métayer pour André Métayer
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Gulcihan Simsek maire de Bostaniçi (2004-2009)

Elle pourrait s'appeler Nathalie, Gaëlle ou Roselyne, ou encore Marie-Anne, Martine, Marie-Georges ou Anna. Mais elle est kurde, elle s'appelle Gülcihan Þimþek. Elle a été maire de Bostaniçi (banlieue de Van). Arrêtée à la fin de son mandat, elle est incarcérée à Diyarbakir dans l'une des prisons pour femmes, sans jugement depuis avril 2009. La prochaine audience de son procès est fixée au 14 janvier 2013.

«Comme vous connaissez déjà la situation, je ne vais pas la rappeler longuement. Les arrestations continuent. Une modification de la loi devrait intervenir dont on ne connaît pas encore les détails mais la défense en langue maternelle serait autorisée. Le tragi-comique de l'histoire est la condition restrictive : si tu veux te défendre dans ta langue maternelle, tu dois toi-même payer ton interprète !

Notre audience aura lieu le 14 janvier. Voilà 3 ans et 8 mois que nous vivons une situation de détention parce que notre droit à la défense dans notre langue maternelle est bafoué. En tant que femme, en tant que Kurde, je ne peux accepter cette situation. Le droit démocratique le plus élémentaire de faire de la politique nous est nié, notre droit à un procès juste et équitable est piétiné. Une vraie politique de génocide politique est menée à partir de soupçons non avérés. On veut criminaliser le mouvement kurde et, par là, le couper de la société pour le détruire. Depuis 2009, tous les Kurdes s'opposent vivement à cette politique d'anéantissement politique.»

Un procès en sorcellerie

«Toutes nos activités sont présentées comme des activités illégales et terroristes : une déclaration à la presse, une manifestation pour les droits, une protestation contre les crimes non élucidés, une célébration du 8 mars (Journée Internationale de la Femme), une participation à la journée contre les violences faites aux femmes, sont considérées comme des activités illégales et terroristes. Participer aux funérailles des enfants du peuple tués au combat (les guérilléros), demander la paix, s'opposer à la guerre, participer aux activités culturelles d'une mairie, organiser un panel ou un séminaire, partir à l'étranger, participer à des soirées organisées en Europe, toutes ces activités sont considérées comme illégales et terroristes. Toutes nos activités au sein du Parti pour la Paix et la Démocratie (BDP), qui sont les mêmes que dans tous les autres partis, notamment nos réunions avec les antennes locales, sont présentées comme des activités illégales. Des écoutes téléphoniques, qui plus est illégales, ont été utilisées pour fabriquer de fausses accusations contre le Bureau des collectivités locales créé par la direction du BDP. Le jugement de l'affaire principale se poursuit».

Conditions de détention inacceptables

Par ailleurs, nos conditions de détention sont inacceptables. Depuis 3 ans et 8 mois, nous sommes 70 femmes dans 3 dortoirs «politiques». Parmi nous, il y a des mères, des étudiantes... Nous sommes plus de 20 dans des dortoirs prévus pour 8. Nous dormons à deux dans un lit et certaines dorment par terre sur un matelas ou une couverture. Il y a des problèmes d'eau chaude. Nos entretiens avec les familles n'excèdent pas les 45 minutes, ceci étant justifié par le surnombre dans la prison.

Aujourd'hui des centaines de femmes croupissent dans les geôles turques, des militantes politiques, maires ou anciennes maires, élues locales et régionales, membres des directions locales régionales et nationales du BDP (membre de l'Internationale Socialiste et du Parti socialiste européen), des avocates, des journalistes, des militantes associatives.

«Le peuple kurde est un peuple qui lutte pour son existence. A chaque fois qu'il a revendiqué ses droits, il a eu affaire à la mort, à l'exode ou à la prison Tout opposant qui dit non à cette situation est en prison. L'étudiant d'université est en prison, le Kurde qui crie son opposition à la situation est en prison. La résistance acharnée de ceux qui se trouvaient dans la prison de Diyarbakir il y a plus de 33 ans continue aujourd'hui».

Témoignage recueilli par André Métayer


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