LE DECLIN DE LA BRETAGNE, 1675-19.., II

Papier publié le 20/12/12 10:14 dans Histoire de Bretagne par marc Patay Lejean pour ABP
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chapelle de Languivoa

Au 16e, la Bretagne frappait 35% de l'argent français, devant Paris. 16% à la fin du 17e siècle. Penmarc'h était le premier port de roulage français et européen puis au 17e, ce fut Saint-Malo, qui déclina ensuite.

Mais la monarchie devint absolue et tout devait plier devant elle. Dans la province de Bretagne, le désarroi s'installe. Les impôts augmentent, le commerce maritime décline au rythme des guerres et de cette désastreuse politique mercantiliste. A l'évidence les intérêts de la France ne sont pas les intérêts bretons.

Les révoltes de 1675, prémices de la future révolution, soutenues en partie par les parlementaires, sont réprimées dans le sang. La Chalotais triomphe après avoir tremblé. Le duc et le père Maunoir font leur besogne. L'un supplicie, l'autre aide à châtier la révolte "par la conscience, tandis qu'il (le duc) emploierait d'autres motifs", Alain Croix; alliance traditionnelle du sabre et du goupillon …

La Bretagne entravée doit servir désormais de bastion et son peuple est réquisitionné. La province doit marcher au pas et ses marins au sifflet, pour former presque gratis, les équipages de cette flotte qui nait dans le port deBrest, créé ex nihilo.

Pour ce faire, entre 1665-1689, Colbert ordonne le système des Classes, Inscription Maritime avant la lettre. Si le système ancien de la "presse" confinait à l'esclavage, l'Inscription Maritime sera un servage. Désormais tous les marins de 18 à 50 ans, sont obligés de servir une année sur quatre sur les vaisseaux du roi, en contrepartie d'une maigre solde. Sous Louis XIV, cette solde est payée avec des mois ou des années de retard, ce qui jette des familles déjà modestes dans la misère. Les capitaines, maîtres et patrons de la marine de commerce et de pêche sont exemptés des classes. Les inscrits peuvent s'engager au commerce si leur classe n'est pas appelée au service. Mais en cas de guerre, un marin est appelé quelque soit sa classe ! En 1673, Colbert compte 20 000 marins bretons pour 6 773 matelots non bretons.

Une Caisse des Invalides est fondée en 1673 pour verser une demi-solde aux estropiés. Ce versement représentait une « faveur » et non un droit dont peu profitaient. Au 18e siècle, dans les paroisses autour de Port Louis, 1,8% seulement des inscrits accèdent à la demi-solde ! En effet, la mortalité pour cause d'épidémie, de nourriture avariée et surtout de captivité en Angleterre était considérable : 20 à 30 % des marins levés, parfois davantage, ne sont pas revenus chez eux à l'issue des guerres de Sept Ans et d'Amérique. D'après Philippe Zerathe, 50% des inscrits de Port-Louis décèdent au cours de leur service, au 18e siècle !

Un illustre marin de Granville, Pléville Le Pelley, disait que la Royale consommait des marins sans jamais en former.

Durant la "seconde guerre de Cent Ans", ensemble des conflits militaires qui opposèrent la France et l'Angleterre, de 1689 à 1815, les marins bretons n'eurent guère de repos. Entre 1084 et 1815, 40% des marins sont mobilisés six ans, 20% durant dix ans, sans qu'on leur demande leur avis ! Certains préfèrent déserter. Ces inscrits maritimes, sont devenus de véritables conscrits et gagne- petits, à l'espérance de vie précaire, à la santé fragile, dans l'impossibilité de fonder toute entreprise d'envergure, de veiller sur leur familles, de vivre librement, de mourir dans leur patrie.

Mais si le peuple est maté, les nobles relèvent vite la tête après la mort de Louis XIV en 1715, une délivrance. Avant la révolution de 1789, l'Intendant, "l'homme du roi, n'est plus rien dans cette province", note un commissaire du roi et, cas unique dans le royaume, la Bretagne s'administre elle-même à la fin du XVIIIe siècle.

La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. Quand, le 21 janvier 1793, 78 ans seulement après la mort de Louis XIV, Louis XVI est guillotiné à Paris, ce n'est pas tant la tête de ce brave homme égaré dans l'histoire, qui tombe, c'est, symboliquement, celle de son "illustre" prédécesseur, et avec elle cet absolutisme détestable, dont la Bretagne a tant souffert … que, pour l'heure, elle ne s'en relève pas encore.

Par leur entêtement inlassable à défendre leurs intérêts, les Bretons ont porté le fer dans cette plaie que fut le soi-disant "Grand Siècle", cher aux flagorneurs. Il n'y a pas de grand siècle qui vaille sans que le peuple n'y soit associé. Dans la chute de l'ancien régime, les Bretons ont été l'avant-garde, jouant un rôle éminent au début de la révolution en fondant le club Breton et en proposant la fin des privilèges dans la nuit du 4 aôut …

Source :

(voir le site)

• Alain Croix, l'âge d'or de la Bretagne, 1532-1675

• Skol-Vreiz, histoire, t III

• Jean-Pierre Poussou, Histoire du cabotage européen aux XVIe-XIXe siècles

• Beaussant, Code maritime; ou Lois de la marine marchande ...

• Pierre Clément, Histoire de la vie et de l'administration de Colbert

Notes :

Pléville Le Pelley, vice-amiral, ministre de la Marine et des Colonies (1797-1798)

Les guerres de la seconde guerre de cent ans : guerre de la Ligue d'Augsbourg, guerre de Succession d'Espagne, guerre de Succession d'Autriche, guerre de Sept Ans, guerre d'indépendance des États-Unis, guerres de la Révolution française, guerres napoléoniennes, guerre d'indépendance espagnole, les guerres de coalition !


Vos commentaires :
Dimanche 5 mai 2024
OK
Mais actuellemnt ,il y a tous les accrochés «à l'état» nouvelle noblesse moderne ,pire que l'ancienne.
Au passage,LouisXVI quelques instants avant de perdrela vie a dit
dans une lucidité visionnaire
« Que va devenir mes peuples»
Il a vu la fin d'un monde et la naissance d'un nouveau qui par moment a été pire que l'ancien!( je n'ose pas dire est pire que l'ancien tant l'exploitation de l'homme a pris une modernité absolue( nous voyons ce que la révolution a apporté dans le Monde ,le résultat est que nous n'avons rien vendu.
Devons nous être fier de toutes les déviances apparues?
Je m'interroge!
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