« Ma Doue benniget ! » : à rire, à pleurer ou à pleurer de rire ?

Chronique publié le 24/11/12 12:34 dans Cultures par Jean-Charles Perazzi pour JCP
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« Ma Doue benniget ! » : à rire, à pleurer ou à pleurer de rire ?

Plomelin/Ploveilh.- Suite du journal de campagne de J.C. Perazzi

Hervé Lossec, avec « Ma Doue benniget ! », a remis ça. Une série d'histoires drôles, en brezhoneg et en français qui fait suite à ses deux ouvrages précédents consacrés aux bretonnismes. Avec, cette fois encore, les crobards de Nono, l'homme qui dessine plus vite que son ombre.

Sachant que les deux premiers livres ont connu un vrai succès de librairie (ils atteindront les 300 000 exemplaires en fin d'année), celui-ci pourrait aussi faire un tabac. Et les lecteurs auront beaucoup de plijadur. Sauf que ce type d'ouvrages ne fait pas une totale unanimité chez nous. Etonnant, non ?

La scène se passe l'autre jour au salon du livre de Riantec. On tend l'oreille pour entendre un solide pêcheur de Port-Louis demander à Lossec une dédicace, avec ce commentaire : « Je ne connais pas le breton que parlait pourtant mon père. Mais vos deux autres livres m'ont donné le goût de m'y mettre. »

L'auteur entend régulièrement cette remarque, en parcourant les routes de Bretagne, de l'hexagone et bien d'autres, depuis des mois, à la rencontre de ses lecteurs. En avouant qu'il n'était pas très rassuré, au départ de cette aventure, se demandant si elle serait bien comprise. Mais, aussi, si l'intérêt de sa démarche dépasserait les simples limites de la Basse-Bretagne. Elle va bien au-delà. « A une, deux reprises, j'ai eu le droit à des remarques plus ou moins amères. Mais le nombre de personnes qui me félicitent ou me remercient dépasse l'entendement. Je sens partout un capital de sympathie énorme pour la langue bretonne. »

Les uns affirment, comme le pêcheur de Port-Louis, leur envie de se réapproprier une langue qu'on leur a interdit de parler, dont on a dit sur tous les tons les limites (?), voire l'inutilité. La multiplication dans nos villes et nos villages des soirées de causeries en breton, lors de veillées où se retrouvent deux et parfois trois générations confirme ce regain d'intérêt. Des jeunes se disent fiers d'apprendre et de lire ou écrire deux langues… alors que leurs parents n'en connaissent qu'une. Des écoles, des organisations de toutes sortes travaillent avec détermination et des résultats encourageants à la promotion et l'apprentissage du parler de nos ancêtres. Etc.

« Patois franco-plouc »

Pour autant, certains font la fine bouche ou vont jusqu'à estimer que Lossec serait dans l'erreur. On en veut pour preuve certaines critiques émises lors d'une précédente chronique remontant à l'été et consacrée, déjà, aux bretonnismes. Certains lecteurs, anonymes ou non, ne faisaient pas dans la nuance. Et il y a fort à parier qu'ils risquent d'en remettre une couche, après lecture de celle-ci.

Quelques exemples. « Ce patois franco-plouc qui nous ravale au rang d'une Bécassine provinciale ou d'un Botrel de pacotille (…) ». « Il est un fait que M. Lossec surfe sur la décrépitude du breton ». « Cet engouement pour le stade terminal du breton résiduel est à vomir ». « Le danger, en faisant la promotion de ce français à la mode bretonne, c'est de s'en satisfaire, alors que nous avons une langue à part entière que nous pouvons utiliser ». Etc.

Il est vrai que, dans le même temps, des lecteurs émettaient des avis moins catégoriques. « Le lien entre les Bretons et la langue bretonne n'est pas mort du tout. Et quand bien même l'aurait-il été, rien n'est définitif et l'histoire ne va pas toujours dans le même sens. » Et encore : « La priorité des priorités, plus que jamais, c'est l'apprentissage du breton. »

Sur ce dernier point, au moins, nous, les Bretons, sommes tous d'accord.

C'est d'ailleurs aussi la tâche à laquelle s'est attelé depuis bien des années Hervé Lossec. Nul ne peut le contester qui connaît son parcours.

Il y met à l'occasion de l'humour, avec son complice Nono. Plus, même, de l'autodérision. Une vertu que pratiquent avec bonheur tous les peuples qui croient en leur avenir.

Jean-Charles Perazzi


Vos commentaires :
Vendredi 3 mai 2024
« C'est ainsi que parlaient nos parents qui ne savaient plus le breton et pas bien le français. Il décrit l'état passager du français de Basse-Bretagne dont on trouve encore quelques petites traces anecdotiques. Plus personne ne parle ainsi et c'est TANT MIEUX... »
Si vous saviez, monsieur : des exemples, je pourrais presque en faire un troisième volume ! Vous êtes de Basse Bretagne, vraiment ?
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