Un Amazonien chez les Bretons : témoignage de vie, de combats, d'espoir
Plomelin/Ploveilh.- Suite du journal de campagne de J.C.Perazzi
Evaristo Nugkuag se prépare à reprendre l'avion pour regagner les siens, le peuple awajun, dans la forêt amazonienne. Au terme d'un séjour de plusieurs semaines en France. Où il intervenait à Evian, avec des représentants des peuples autochtones de l'Inde, du Groenland (les Inuits), du Brésil et de l'Equateur. Et, chez nous, devant des publics divers (adultes ou lycéens), à Rennes, Lorient, Pont-l'Abbé, Poullan, Quimper, Brest. Et, encore, au micro de plusieurs stations, dont Radio Kerné qui émet exclusivement en breton.
Prix Nobel
Ce n'est pas n'importe qui Evaristo. Depuis plus de trente ans, ce petit homme de 64 ans qui s'exprime en espagnol et dans sa langue maternelle d'une voix au ton monocorde propre aux Amérindiens, se bat avec un courage, une pugnacité étonnante pour la défense de sa communauté, de sa terre, sa culture, le droit des peuples amazoniens à exploiter eux-mêmes les ressources de leur terre, dans le respect de l'environnement. Un combat loin d'être gagné quand on sait qu'au seul Pérou, plus de 80% des terres amazoniennes ont été attribuées… à des multinationales. Pour l'extraction et l'exploitation de l'or, du bois, du pétrole, en toute impunité et sans compensation financière.
Son combat a été reconnu par des instances internationales. En 1986, il a ainsi reçu le prix Nobel alternatif de la paix. Puis à San Francisco, en 1991, le prix mondial pour l'environnement.
Evaristo, au fil des ans, a posé méthodiquement les jalons nécessaires à cette reconnaissance. En participant avec les siens à la création de l'Association interethnique pour le développement de l'Amazonie péruvienne. Puis de la COICA, la Coordination des organisations indigènes du Bassin amazonien. Laquelle rassemble les « peuples de la forêt » de son pays, mais aussi du Brésil, de Bolivie, d'Equateur, de Colombie, du Surinam, de Guyane et du Venezuela (13,7 millions d'indigènes concernés au total).
Pour faire avancer les revendications de ces peuples… et ceux de la planète, il a également participé à la création de l'Alliance pour le Climat, avec des maires européens. Enfin il a contribué à l'élaboration de la convention de l'OIT (Organisation internationale du travail) sur les peuples indigènes.
Une bonne écoute en Bretagne
Pour expliquer son combat qui, soit dit en passant a valu cinq morts et des dizaines de blessés dans sa forêt, par tirs à la mitrailleuse d'hélicoptères, il y a quelques années lors d'une marche pacifique de protestation (et pour lui des menaces de mort), Evaristo a quelques explications simples. « Nous voulons que les gouvernements, chez nous et au plan international, reconnaissent la justesse de nos revendications ». « Nous réclamons à la Banque interaméricaine de développement et à d'autres organismes des prêts pour notre propre développement tenant compte du maintien de la biodiversité ». « Nous exigeons que l'identité des peuples autochtones soit reconnue et qu'ils ne soient plus vus à travers des images folkloriques, par le biais de photos et de cartes postales, de reportages donnant une fausse image de ce que nous sommes ».
Evaristo qui a beaucoup apprécié la qualité d'écoute de ses auditeurs bretons espère trouver chez nous ou ailleurs un éditeur pour dire la vraie vie, la souffrance et l'espoir des Amazoniens. Message transmis, mi hermano. Et courage pour la suite d'un combat qui s'apparente à celui de tous les peuples « minorisés » de la planète.
Jean-Charles Perazzi
Pour en savoir plus sur le parcours d'Evaristo Nugkuag et la lutte des Amazoniens, on peut se reporter au site www.ikamia.org
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