A Saint-Brieuc, on ne parle pas breton !
Chronique publié le 19/10/12 14:32 dans Editorial par Jean-Pierre Le Mat pour Jean-Pierre Le Mat
A Saint-Brieuc, on ne parle pas Breton.
Mes parents n'ont jamais parlé anglais.
Ils voulaient que j'apprenne des langues étrangères. Ils voulaient que je m'ouvre au monde. L'idéal pour eux était que je parle anglais et que, par ailleurs, je m'exprime en un français irréprochable.
Mes grands-parents avaient vécu l'inexprimable désarroi. Tout ce qu'ils disaient devenait dérisoire par leur façon de le dire. Etre condamné au silence aurait été préférable à ce flétrissement de la parole.«Brezhoneg moc'h ha galleg kaoc'h» disaient-ils, dépités. Pour s'exprimer, ils n'avaient qu'«une langue bretonne pour les cochons et une langue française de merde».
A mon tour, je contemple mes enfants et je leur imagine un avenir ouvert. Je voudrais qu'ils parlent le chinois et l'arabe, et un breton irréprochable. Le français ? Pourquoi pas ? Cette langue fait partie de mon héritage. Mais le breton, même langue clandestine, les reliera à la terre et au ciel.
Aujourd'hui, je vis a Saint-Brieuc. J'entends pérorer sur les frontières linguistiques. J'entends dire : Ici, on ne parle pas breton. J'entends même : Ici, on n'a jamais parlé breton. Ces frontières bizarres sous-entendent une sorte d'interdiction pour le breton, seulement pour le breton.
Une écoeurante soumission se camoufle sous une apparente sagesse et une fausse érudition. Parfum de province... Etymologiquement, la province est «pro vincia», «pro vinctis», le pays vaincu, le territoire pour les vaincus. La préoccupation des frontières linguistiques est celle du provincial monolingue, qui ne parle que le français. Le bretonnant, lui, parle au moins une autre langue que le breton. Il n'est pas sensible à ces fossés géographiques fantasmés entre les langues.
La volaille en batterie a une perception très fine des limites à ne pas franchir. Le canard sauvage porte son regard vers de nouveaux horizons.
A Saint-Brieuc, on ne parle pas breton.
Absence de fantaisie ou absence d'ambition? Peu importe. Absence d'existence. Désir maladif d'être conforme, grisâtre, invisible. N'avoir l'air de rien et, pour y parvenir, la perspective de n'être rien.
Vouloir que la Bretagne ne soit qu'une province française est une négation meurtrière. C'est le nihilisme du pauvre, tourné contre lui-même.
A Saint-Brieuc, on ne parle pas breton.
Refus de la turbulence humaine... Avant le français, le breton était la langue commune. Le fondateur éponyme de la ville et ses compagnons venaient du Pays de Galles. Ils parlaient sans doute une langue celtique commune aux deux Bretagnes. Dans cette langue fut composée Y Gododdin, notre Iliade, qui relate les exploits d'Owenn à la bataille de Kattraeth. Si l'on remonte plus loin dans le passé, sur ce bord de mer entaillé de vallées profondes, on communiquait avec une forme de latin et aussi un dialecte gaulois. Il y a plus longtemps encore, on y communiquait avec des langues préhistoriques dont on ne sait plus rien.
En faisant mes courses au supermarché de Saint Brieuc-ouest, j'entends des mots de turc et d'arabe. Une partie de mon travail se fait en anglais. Ma connaissance du breton intéresse mes amis algériens et sénégalais.
A Saint-Brieuc, on ne parle pas breton.
Mauvais choix entre la riche réalité humaine et la pauvre acceptation administrative... Triste sous-culture, sans passé, sans avenir, réduite à des certitudes d'école primaire, à des papiers officiels, à des articles d'une Constitution. «La langue de la République est le français». Dieux celtiques, vous qui êtes si nombreux et si différents, épargnez-moi le malheur de m'identifier à une telle république !
A Saint-Brieuc, on ne parle pas breton.
Suicide intellectuel... Les noms de lieux, ici, transpirent de bretonnité. Vallées du Gouët et du Goëlo. Quartiers de Rohannec'h et de Gouedic. Villes environnantes de Ploufragan, Langueux, Trégueux, Pledran, Tremuson. Peut-on vivre en harmonie avec un environnement dont on refuse d'entendre le chant ?
Mes parents n'ont jamais parlé anglais. Ils voulaient néanmoins pour que je trouve ma place dans la farandole mondiale qu'ils pressentaient.
Ils sont morts maintenant. Je sais, à travers eux et à travers d'autres, que je fais partie du peuple breton. J'en partage les colères, les rêves, les espoirs, les doutes. Outre le breton et le français, je parle l'anglais et l'espagnol. Je me suis essayé au chinois.
A Saint-Brieuc, on ne parle pas breton.
Mes parents voulaient que je parle anglais.
Jean Pierre LE MAT
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Vos commentaires :
Yann LeBleiz
Dimanche 22 décembre 2024
Que dire d'autre?
Une trés belle chronique sur la linguistique bretonne et sur la résiliation passive qui améne à la négation de soi-même.
Cela aurait aussi pu être titré : «Ici, on est pauvre!»
La Bretagne fut riche, très riche, ses manoirs, ses églises, ses châteaux, ses navires, ses toiles, les dons gratuits, la richesse de la Bretagne transpire de tous ses monuments...!
Mes parents voulaient que je fasse des études!
Mais mes grands-parents étaient pauvres et à l'école on m'a appris que les bretons immigraient pour fuir la misère... «Ici, on est pauvre!»
Les autres régions d'Europe, l'Ireland, le Danemark, chacun veut que ses enfants travaillent au pays... «Ici, on est pauvre»!
Le TGV LVG, les études à Paris, le 1er emploi hors de Bretagne, le Grand-Paris,... «Ici, on est pauvre!»
Mes parents voulaient que je fasse des études!
Christophe
Dimanche 22 décembre 2024
Merci pour la qualité de vos textes M. Le Mat
JBB
Dimanche 22 décembre 2024
J'ai honte... pour résumer, en dehors de «kenavo»... je ne parle pas le Breton ! La tradition familiale raconte pourtant que nous descendons de Merlin... Nos grands-oncles et grands-tantes, eux, parlaient le Breton... et, lors de vacances passées chez eux, on les comprenait ! De retour au pays... tout perdu je suis ! Même les radios de langue bretonne «sonnent» bizarre, pleine de «euhhh...» bien «galleg», comme si les «causeurs» cherchaient la traduction en breton des mots français qu'ils ont dans le cerveau... Mais que s'est-il passé ? L'impression que «le Breton» de nos jours est une sorte de «techno», faite de «samples» pris à droite et à gauche... Malaise !
o.Nicolas
Dimanche 22 décembre 2024
E sant-brieg e vez komzet brezhoneg bemdez gant ul lodenn a dud..e kenverzh plerin, ploufragan a-wechoù...war-dro skol Diwan, skol div yezh ivez..e kreizenn dudi bep sadorn ar meren, kamp hon yaouankiz...
Effectivement, ce n'est pas très répandu le breton en pays de Saint-brieuc (aller sur wikipédia : brieg, bri- + eg, extension), mais quand même, il est parfois entendu..et nous les familles aux enfants bretonnants nous réintroduisons la langues, plus tout ceux du tregor et haute-cornouialle..rostrenn..)...moi je parle en Breton au supermarché de plerin avec mes enfants ..je rapelle parfois à la population que tregomeur..Saint-brieuc..Plerin..Ploufragan..C'est déjà parler breton !!..et avec le fest-noz_vras, la redadeg,..les animations multiples toutes l'annèe nous sommes reconnu...cette Ville administrative (!) de Saint-Brieuc, entre Rennes et Brest (!)..en recherche d'identité en a bien conscience, nous sommes un Bijoux (!!)..de la valeur ajoutée !
Vincent Le Floc'h
Dimanche 22 décembre 2024
Je connais énormément de brittophones à Sant Briog/Saint Brieuc (og/eg/euc = memestra !)
o. Nicolas
Dimanche 22 décembre 2024
..ah oui, j'oubliais de préciser,..je suis né à Panam', en banlieue Nord de paris ,dans ce no man's land.
Je jouais les beatles et Brassens à la guitare quand ma mère parlait Breton au téléphone...puis j'ai lu MORVAN LEBESQUE..la «découverte ou l'ignorance» depuis la Coop Breizh Montparnasse..Whaouu !!..ur Bombezenn e' barzh ma fenn !!..ensuite cours de breton, retour au pays des ancêtres..les enfants en bilingue (Diwan)..KEIT VIMP BEV..on est là, au pays..et comme dirait Morvan Lebesque, ..«nous au moins, nous avons qq chose a aimer en conscience..un patrie, ce qui rend heureux»..
lukian Le Hir
Dimanche 22 décembre 2024
En 1545 St Brieuc etait noté comme en basse Bretagne... des temoignanges de 1680 designent st brieuc comme bilingue et le dictionnaire d\'ogée declare que le breton est familier aux classes populaires....et Quand st Brieuc etait en basse bretagne ( en parlant des campagnes alentours) gageons que la ville était tres certainement déja bilingue. le destin des grandes villes de bretagne et surtout les villes portuaires (morlaix vannes nantes rennes st brieuc guerande guingamp ) a été d\'etre bilingue, c\'est comme ca
jojo
Dimanche 22 décembre 2024
Une étude a été faite en 1988 sur la pratique du breton à St-Brieuc. A l'époque, il avait été dénombré 8000 bretonnants dans l'agglomération. Logique, quand on sait que certains quartiers se sont développés des années 1930 aux années 1960 en accueillant des gens venant des campagnes costarmoricaines. Mes propres grands-parents ont passé presque toute leur vie à St-Brieuc et ils étaient bretonnants de naissance, comme leurs voisins. La ville est aujourd'hui autant bretonnante que Vannes, Lorient ou Brest.
On n'y compte plus les noms lieux anciens d'origine bretonne (Roche-Jano, Ville-Jouha, Carpont, Légué, Brézillet, Robien, Gouët, Gouédic, Ville-Hellio, Berrien, Douvenant, Vau-Gicquel...). En fait, St-Brieuc a toujours été un carrefour entre Basse et Haute-Bretagne, comme d'ailleurs un carrefour entre mer et terre.
Maintenant, c'est vrai qu'avec une moitié d'élus du conseil municipal sans aucune origine bretonne, il ne faut pas s'attendre à une réelle prise en compte de la dimension bretonne de la ville...
bérard
Dimanche 22 décembre 2024
La Bretagne était riche ... aujourd'hui c'est la première région de France omis Paris, en terme de patrimoine classé, autant dire la première du monde donc, ... à étudier
Monique Boëdec
Dimanche 22 décembre 2024
Moi aussi j'ai honte ... je ne parle pas Breton juste un peu .... je parlai Breton avec les parents , les grands parents , j'avais de longues conversations avec ma grand mère ... Et puis... exilée, plus de breton oublié par manque de pratique ... quand je retourne au pays ;; tous les ans suis un peu perdue mais du fond de ma mémoire me reviennent des mots des phrases ... réapprendre le Breton c'est mon but ... certains de mes petits enfants ont choisis cela aussi.. Je ne suis pas de saint Brieuc Mais de Plozevet et la aussi on ne parle pas tellement Breton !!
mais je suis Bretonne .. je le revendique et j'en suis fière !!!Breizh eo ma bro même si Komz a ran un tamm
brezhoneg .....
Ar Vran
Dimanche 22 décembre 2024
A Saint Brieuc, on ne parle pas breton....
Bien sûr il ne manquerait plus que les briochains s'expriment dans un borborygme témoin de l'âge de pierre alors que le Français est la langue de l'excellence...
Discours classique mainte fois entendu en Bretagne et à rapprocher de celui qui dit que la Loire-Atlantique n'a jamais parlé breton,etc...
Bien sûr que cela est faux mais cela témoigne du sentiment de honte qui existe encore chez les Bretons. Au lieu d'assumer leur spécificité, ils préfèrent se
«p...» dessus et faire le bon petit valet bien français....Si à la place de cracher dans la soupe bretonne, ils avaient pu éduquer leurs enfants à d'autres langues (ex. non seulement le Breton mais aussi l'Anglais)pour s'ouvrir au monde, que nenni, pensez-vous; le français se suffit à lui-même...
Le problème est que la roue tourne, la France et ses valeurs sont de moins en moins considérées dans le monde et fatalement ces bretons francophones exclusifs fiérots vont se trouver broyés par la mondialisation.
et alors, il sera trop tard pour dire qu'en Bretagne il n'y a pas que l'idéologie française...
bientôt on pourra dire : dans les échanges internationaux, on ne parle pas le français...
Michel Treguer
Dimanche 22 décembre 2024
On ne changera pas l'Histoire et ses désastres, incrustés dans les consciences ! Si certains aujourd'hui ne veulent pas parler breton, ou ne veulent pas transmettre la langue, c'est dommage, mais c'est leur droit bien sûr. Ils ont souffert. Simplement, qu'ils laissent eux aussi les bretonnants vivre et parler à leur guise...
J'ai raconté dans un de mes livres que plusieurs ingénieurs non bretons de haut niveau (DCN), nommés de Paris à Brest, m'avaient dit qu'ils auraient volontiers mis leurs enfants à Diwan si le réseau avait été trilingue (breton-français-anglais). J'en ai parlé à Diwan, mais plusieurs enseignants ne voulaient pas. Ils disaient que l'anglais s'imposerait au détriment du breton. Certains disaient même que, comme de toute façon les enfants parleraient un jour un anglais de base (langue mondiale), il vaudrait mieux choisir une troisième langue qui ne serait pas l'anglais ! Je n'étais pas d'accord, il me semblait que ce serait faire compliqué plutôt que simple...
Mon fils a fait ses études à Diwan de la maternelle à la troisième. Ensuite je l'ai envoyé en Angleterre. Pour ma plus grande joie, il n'a pas «oublié» son breton. Aujourd'hui, à 18 ans, il parle 4 langues (breton, français, anglais, espagnol), et il commence le chinois.
Jean-Charles Peazzi
Dimanche 22 décembre 2024
Mersi bras, Jean-Pierre Le Mat pour ce texte, aussi beau et utile à la compréhension d'un malais général, qu'émouvant.
Jean-Charles Perazzi
SPERED DIEUB
Dimanche 22 décembre 2024
Michel j'ai lu votre livre sur Roparz Hemon il semblerait ,j'ai cru comprendre qu'il ne croyait pas au bilinguisme alors que cela parait une évidence pour la plupart des gens aujourd'hui
Michel Treguer
Dimanche 22 décembre 2024
(A Spered Dieub) Oui, c'est vrai, c'est un point sur lequel on peut dire qu'il avait tort, non seulement pour l'époque mais même devant l'avenir. Je le disais déjà dans le livre (en préface et postface). Le multilinguisme, c'est l'accès à une nouvelle humanité. Ça n'empêche pas d'être « de quelque part », tout en comprenant mieux « les autres ».
Brezhoneg, yezh an holl
Dimanche 22 décembre 2024
De grâce, arrêtez de vous complaire dans la honte de ne pas parler breton. Des cours de breton pour adultes existent partout en Bretagne, des universités européennes, aux Etats-Unis, Canada, dispensent des cours de breton. On dispense même des cours du soir à Shangai. Il existe maintenant des stages, cours par correspondance, e-learning.
Moi non plus, mes parents ne m'ont pas transmis la langue, je ne l'ai pas entendue avec mes grands parents, mais un jour j'ai décidé de l'apprendre. Et je la parle quotidiennement à la maison avec mes enfants. La langue vivra tant qu'on la parlera. La majorité des Bretons ne parlent pas la langue et n'en ont pas honte. C'est l'affaire de chacun. Mais pitié, entendre en 2012 que c'est de la faute de l'Etat français qu'on ne parle pas breton, ou qu'on aimerait mais qu'on ne peut pas ou je ne sais quel misérabilisme du genre excusez-moi d'être ce que je suis, j'avoue que c'est un peu gonflant. Si vous ne voulez plus avoir honte, franchissez le pas. Sinon tant pis pour vous.
An hini a venn, hennezh a c'hall
Et bravo pour votre texte M. Le Mat
d
Dimanche 22 décembre 2024
très bel article;
Il ne faut pas dire je ne parle pas breton, c'est de la faute de la france. Il est certain que l'attitude de l'etat francais est ignoble , la france devra ratifier la charte sur les langues régionales,s'adapter ou devenir un fossile et disparaitre.
Il est possible d'apprendre le breton partout dans le monde et celui qui ne le fait pas ,choisit de ne pas connaitre cette langue,mais il ne faut pas qu'il se plaigne.
Aujourd'hui en poitou il y as des cours de bretons dispensés a fontenay le comte 85 et niort 79 suivis par une vingtaine de personnes dont seulement la moitié est d'origine bretonne.
Ne vous plaignez ps ,prenez vous en main.
Naon-e-dad
Dimanche 22 décembre 2024
En lisant votre texte, je me revois en plein centre de Paris à l’époque où le Forum des Halles venait de s’ouvrir au public. Le Forum des Halles, pour ceux qui ne le savent pas, fut un temps l’un des centre commerciaux les plus prestigieux de la planète, très malheureusement enfoui dans la glaise du cœur historique de Paris, mais accessible par la plus grande station de métro du monde.
On y rencontrait trois types de publics : international, national (ou régional, comme vous voulez), parisien. C’était un observatoire social exceptionnel, un grouillement perpétuel marqué d’un tour de force unique : il était impossible de ne pas y être jeune. C’était un tourbillon incessant, un temple de la jeunesse. Quel que soit votre a^ge,quand vous étiez « dans le trou », vous ne pouviez qu’être jeune. Cela ne se revendique pas. Cela ne s’explique pas. Cela se constate, s’éprouve. Et, il faut bien en convenir, cela finit par devenir lassant et usant.
Or, il subsistait, en surface, d’anciennes boutiques. Provisoirement échappées aux bulldozers. Témoins erratiques d’un monde d’avant, détruit, emporté par les vagues de la modernité (on ne disait pas encore globalisation).
Au fronton de l’une de ces boutiques – ancienne épicerie ou ancien café ? Ancien quelquechose, défraichi – un passant attentif pouvait lire, près du nom de l’enseigne, une inscription en voie d’évanescence. Une inscription curieuse, qui ne disait rien, et pourtant devait bien signifier quelquechose. La voici :
Komzet e vez brezhoneg.
Je n’ai pas pris de photo. Dommage. Ce devait être en 1979.
Je comprenais le mot « brezhoneg ».
Je comprenais le mot « komzet », ou du moins sa racine « komz ».
Je ne comprenais pas la tournure exacte de la locution, bien que j’en devinais le sens.
Tout cela témoignait d’une magie évanouie, celle du marché des Halles, le ventre de Paris. Il y avait eu de la vie. Des couleurs, des odeurs, des bousculades, des cris et des harangues. Et il y avait eu des Bretons !
Je n’avais pas encore appris la langue. Je n’avais pas encore compris qu’il était possible de l’apprendre, de réaliser la jonction entre l’écrit (façon «méthode de breton élémentaire » de Ropaz Hemon) et l’oral vivifiant que j’entendais dans les champs et les fermes, sous les ciels océaniques de Haute-Cornouaille. Je n’avais pas encore compris qu’il me faudrait un jour transgresser les interdits, que l’on avait infusé à la génération de mes parents et qui avaient diffusé jusqu’à la mienne. Sournoisement, souterrainement, sous couvert de raison. Transgresser pour vivre. Pour un jour être vainqueur. Enfin.
Il me faudrait un long détour. Gagner, ailleurs, des lauriers que nul, jamais ne m’enlèverait, boire à la barrique de l’échec jusqu’à la lie.
A Saint-Brieuc, on ne parle pas breton, entend-on – d’après ce que vous nous dites, dans un texte de colère et de défi - dans la cité briochine.
A Paris, pourtant, si. « On » a parlé breton, comme « on » a marché sur la Lune.
Un jour, durant ces mêmes années, au bord du grand bassin du Parc de Sceaux (en banlieue sud), une jeune femme, à l’oreille aiguisée, rodée aux modulations de l’Argoat, s’arrête tout net, et me dit : « Tu as entendu cette maman qui parle breton à son enfant ! » Ce fut trop fugace, trop discret pour moi. Je ne l’avais pas détecté. Elle, si.
Partout où quelqu’un parle ou écrit le breton, « on parle breton ».
Komzet e vez brezhoneg ! Ha komzet e vo, e-pad pell c’hoazh !
Notenn : Jean-Pierre kaez. Tro am eus bet da gomz ganeoc’h – e galleg ! – e-korf ur vanifestadeg bennaket, dre straejoù an Naoned (?) pe Gemper (?), meur a vloaz zo. Ar wech kentañ e vo graet e brezhoneg ! Keta ?
Paol
Dimanche 22 décembre 2024
Article hautement contre-productif, puisqu'il donne l'occasion à plusieurs personnes, en réaction, de trouver encore une justification à leur manque de volonté d'apprendre la langue de leur pays, les intéressés préférant à première vue pleurer sur leur sort et se regarder encore une fois le nombril et se complaisant dans leur état.
L'autonomie indivuduelle et collective s'obtient par l'effort. Elle ne se quémande pas auprès de l'Etat colonisateur, dont vous n'obtiendrez rien, sinon d'être conforté dans votre statut d'indigènes.
Cela est en particulier valable pour la langue, que des centaines de personnes n'ont pas attendu pour se la réapproprier, et d'une belle façon pour nombre d'entre elles.
Adressez vous à Roudour, Skol an Emsav, Stumdi et des dizaines d'autres organisations. Elles existent, elles sont efficaces et reconnues. Il n'y a plus d'excuses désormais. Il y a ceux qui veulent... et les autres.
YouennB
Dimanche 22 décembre 2024
Tout à fait d'accord avec les dernières prises de position. Les bretons s'ils veulent que leur langue vive doivent arrêter de pleurnicher «on nous interdiasait de parler breton dans la cour de l'école snif, snif,... mes parents parlaient breton entre eux et pas à nous snif, snif,..... mes parents parlaient breton entre eux pour ne pas que l'on comprenne snif, snif, etc..... ») la même rangaine toujours entendue mille et mille fois de gens résignés. On entend aussi «je ne parle pas breton car quand il ya quelqu'un dans une assemblée qui ne parle pas breton par politesse je parle français» c'est en fait une fausse attitude de politesse et plutôt de la soumission. Si des gens en Bretagne se trouvent dans des assemblés où il y a des bretonnants, ils devraient faire l'effort d'apprendre la langue.
Bref, il faut changer cette mentalité de victime et de résignation et se prendre en main; c'est possible je l'ai fait; j'ai appris le breton , mes enfants parlent breton, je parle breton quelque soit le lieu, je parle breton avec des inconnus rencontrés par hazard au bout de 1 ou 2 minutes et nous conversons en breton ensuite. Lors d'une balade hier,j'ai eu une conversation en breton avec toutes les personnes (4) que j'ai rencontrées et que je ne connaissais pas auparavant. Il y a beaucoup de gens qui parlent breton mais personne n'ose faire le premier pas. Ce n'est pas marqué sur la figure qu'une personne parle breton; il faut donc essayer quelques mots pour voir ou demander directement à la personne si elle parle breton.
Arzhel Eostig
Dimanche 22 décembre 2024
Personnellement je ne pense pas «pleurnicher» (pourquoi d'agresser entre nous ?) sur ma non connaissance du breton. Ma prise de conscience est encore récente. Et jusqu'à l'année dernière, je me disais «j'apprendrai plus tard, à la retraite (j'ai 35 ans)». Puis j'ai vu la contradiction de ma pensée : si je veux que le breton vive, c'est maintenant qu'il faut que je l'apprenne. J'ai commencé par moi-même. Dur. Et je voulais m'inscrire aux cours du soir. Les cours à Vannes sont à 19h ou 19h30 le lundi à Diwan et SKG. Hors je travaille souvent jusqu'à 20h ce jour là. Ce n'est pas toujours évident de concilier vie professionnelle, vie personnelle et envie d'apprendre. Mais ma décision d'apprendre est ferme, pour la prochaine rentrée scolaire j'ai prévu de m'organiser professionnellement pour pouvoir assister aux cours. Par pitié, encouragez les vocations, soulignez la contradiction du discours, mais ne jetez pas l'opprobre sur les bretons qui se désolent de ne pas connaître leur langue, c'est une première étape nécessaire, et les humilier me semble contre-productif.
Paol
Dimanche 22 décembre 2024
«Ce n'est pas toujours évident de concilier vie professionnelle, vie personnelle et envie d'apprendre. » Tout est question de PRIORITES : foot le dimanche après-midi ou brezhoneg ? Film le soir à la télé ou brezhoneg ? Vacances outre-mer ou stage de brezhoneg : si on veut, on peut, s'en trouver du temps ! 1/4 par jour, c'est rien. Arrêter de se «désoler» : agir ! Tout est à disposition pour le faire : méthodes audios, livres, internet, radio, stages, journeaux, voisins... il n'y a que se baisser pour ramasser ! Il ne sa'agit pas d'humilier, mais de faire prendre conscience.
eugène Le Tollec
Dimanche 22 décembre 2024
Et bientôt en France n ne parlera plus français,on parlera anglais et les plus prévoyants parleront chinois....ainsi va le monde!
Erwan-Vari Ar Serr
Dimanche 22 décembre 2024
Matrese Paotr Ujen, met pascal e komzer c'hoazh hebreeg en Israël !
Paol
Dimanche 22 décembre 2024
@ Eugène. Je ne crois pas. La langue française sera parlée durant encore très longtemps en France et dans le monde, tout simplement parce qu'elle a à son service tout un appareil d'Etat qui la promeut. Elle survivra au moins en tant que langue d'Etat, de toute manière rien que pour cela elle continuera à être utilisée par les Français durant encore de très longues années, voire siècles.
Votre réflexion est finalement typique d'un peuple colonisé et sans confiance en lui, le breton, qui s'en remet à la providence ou ,pire, au hasard quant à son avenir et à celui de sa propre langue («ainsi va le monde» - «E mo'-se eo, petra 'ri !») : il n'y a pourtant pas de fatalité, comme nous le prouve l'exemple de l'hébreu ou de cette communauté de langue occitane qui a su préserver sa langue dans le sud de l'Italie (Guardia Piemontese). Ce ne sont que deux exemples parmi d'autres.
Mais encore faut-il le vouloir ! Et là, j'ai comme un doute à la lecture de certains messages qui me confortent dans mon idée que, finalement, une grande partie des gens qui se prétendent ouverts à la question bretonne (emskiant)ne sont en fait que de grands enfants qui, au bout du compte, se satisfont pleinement de l'état actuel des choses et passent leur temps à se plaindre ou à quémander de leur maîtres des avantages qui ne leur seront jamais accordés. Kizhier glep ha born. Do it yourself, paotred ! Ou sinon, vous méritez de disparaitre en tant que peuple... et ce sera bien fait, comme aurait dit papa Darwin.
eugène Le Tollec
Dimanche 22 décembre 2024
Paol
OK
en tant que langue d'état mais qui perdra peu à peu sa place(regardez l'effritement depuis un siècle au profit de l'anglais,langue plus simple et moins élaborée),regardons l'impact du français dans le Monde à part quelques couches lettrées!
J'ai pas mal navigué et j'ai constaté,Amériques latines,Moyen Orient, une bonne maîtrise du Français, en Egypte (copte et couche supérieure musulmane ,mais l'anglais était là,présent à chaque mot,n«xessaire à l'explication).
Cela n'est pas un réflexion de peuple colonisé ,Mister Paol,c'est un véritable fait(regardez toutes les revues ,exposés scientifiques sont en anglais , regardez quel est la langue officielle d'un corps d'armée européen voir la décision du sieur Chirac).
Le Français ne sera même pas une langue liturgique.
Le problème du breton est que l'état a enrayé le formatage des générations provinciales (dont la bretagne) les unes après les autres ,le catholicisme avait tenté de maintenir les racines (j'ai encore le caté de ma grand mère et un livre de cantiques en breton ... mais cela fût éradiqué (1905 est passé par là)l'application d'un socialisme de pensée,au nom de sa laïcité a balayé le terreau.
On appelle cela,ailleurs de la manipulation des masses.
Mon beau père et mes grands pères ont subi plusieurs fois l'épreuve de la bâche.
Voilà pourquoi ,on ne m'a jamais appris le breton et après une vie intéressante ce n'est pas en »senior exppérimentale« que je vais apprendre une troisième langue et oui cher ami,c'est comme ça que meurt un peuple,surtout les peuples premiers.
Monsieur ,je suis à fond pour la reprise générale du breton et je ne pense pas que tous les bretons qui se battent (dans la diversité de pensée) se plaignent ou quémandent.
La seule exigence est Réunification et liberté de nos actions de management dans l'ordre et la discipline intellectuelle provinciale et nationale.
Monsieur je suis un pur produit des hussards noirs de la République,mais aussi d'une éducation chrétienne,je pense que ce formatage m'a servi et je suis un breton viscéralement breton.
Paol, je ne m'en remets pas à la providence.
En tout première action ,j'insiste sur la nécessité d'une unité de pensée bretonne ,l'aspect »langue« est du deuxième niveau car la structure est acquise,son développement se fera ,une fois le premier jalon obtenu.
La démarche bretonne n'est plus dans l'amateurisme de chacun,(votre remarque me concernant en fait partie).
Dans le challenge »breton«,la culture est présente et fructifiante,la langue se retrouve et renaît,seule la puissance d'attaque n'est pas là ou est mal enclanchée (manque de moyen,de cohésion,d'unité, d'un verbe commun).
Une seule question:
Pour qui ont vôté les bretons ,quels sont les scores»bretons"?
That's the strong reality!
eugène Le Tollec
Dimanche 22 décembre 2024
Paol
«Ce n'est pas toujours évident de concilier vie professionnelle, vie personnelle et envie d'apprendre
«
exact
En vie professionnelle ,on a d'autres chats »
à fouetter
«,ne serait ce, que peaufiner sa lettre, son argumentation dans la langue de la douce Albion ou penser aux développements d'une stratégie »à vancre".
Et souvent le reste passe au froisième ou xième niveau!
Paol
Dimanche 22 décembre 2024
Eugène. Pas de temps dans la société des loisirs ? j'en doute.
Par ailleurs, le français est une langue en pleine expansion, notamment du fait de la démographie africaine et du développement de la scolarisation dans ce continent . C'est un fait et cette langue a encore des beaux jours devant elle, n'en doutez pas ! Et tant mieux, d'ailleurs :je ne vais quand même pas souhaiter la mort d'une langue, c'est stupide, je ne suis pas non plus aveuglé par la haine et le ressentiment.
J'ai aussi dans ma besace une autre langue que je m'emploie à utiliser à l'oral et à l'écrit, le brezhoneg ! Cela est le fruit de ma volonté, de mon travail à l'améliorer sans cesse, j'en suis fier ! Mais en même temps, rien d'extraordinaire à cela : l'immense majorité des humains utilisent deux langues au quotidien (sauf en France, semble-t'il)... En ce sens, vous avez raison d'évoquer un formatage. Mais nous ne sommes plus au 19ème, quand un Etat surpuissant pouvait sans encombre aucun manipuler des masses pauvres et peu éduquées en vue de leur déculturation.
Nous avons désormais les cartes en mains, nous connaissons tous parfaitement les tenants et les aboutissants. On ne nous la fait plus, n'est-ce pas ! Et posseder ma langue, ar brezhoneg, c'est déjà une magnifique victoire de tous les jours, un contentement perpétuel ! Imitez-moi, même si ce n'est que pour intégrer des rudiments (dans un premier temps). Il ne s'agit pas là de simple «culture», mais de construction individuelle : nous ne sommes donc pas dans le «deuxième niveau», mais dans le primordial. Et il n'y a pas d'âge pour cela, nag a vezh da gaout ! En effet, pourquoi vouloir se différencier du voisin si plus rien ne nous distingue CONCRETEMENT de lui ? Ma bretonnité passe aujourd'hui avant tout par ma qualité de brittophone, bien avant que par mes opinions politiques. En fait, dans ma tête, cela fait bien longtemps que l'indépendance de ma Bretagne est acquise. Et elle vit, bellement, au travers de l'emploi que je fais, chaque jour, du brezhoneg... dans un esprit de concorde avec mes amis français (et bretons de langue française, dont je déplore leur manque de volonté à intégrer leur langue). A nous, ensuite, de savoir et de VOULOIR construire l'Histoire.
Paol
Dimanche 22 décembre 2024
Et d'ailleurs, concernant l'aspect primordial de la langue, du brezhoneg en l'occurence : pourquoi voulez-vous donc que l'Etat français ai lutté avec tant d'acharnement contre les dites «langues de France» ? Ce que j'exprime, les extrémistes jacobins l'avaient très bien compris, comme également les colons européens en Amérique, du Nord particulièrement.
La déculturation et l'assimilation passent obligatoirement par l'éradication des langages des peuples que l'on veut soumettre. C'est une loi universelle en la matière.
eugène Le Tollec
Dimanche 22 décembre 2024
Paol
parce que notre revolution (tueuse de l'âme des peuples) a voulu une république «UNE»,le même moule,par une tête dépassant,ces rigolos de penseurs d'état ont tenté l'uniformité totale ,l'égalité totale,un même individu«français» et cela dure toujours, mais le bon peuple a tout compris de travers,laseule égalité est celle devant la mort,la seule intelligence n'est pas donné est est un octroi de la vie.
Je maintiens ,il ne peut pas y avoir d'unicité,l'identité française et républicaine n'est qu'une somme d'identités premières des peuples premiers de cette nation, c'est pourquoi ma pensée et mon analyse s'axent sur le fédéralisme(fonctions régaliennes etfonctions subsidiarisées dans une synergie dynamique).
L'état français n'a eu de cesse que d'imposer son credo (voir toutes les dérives de l'application de ce principe d'unicité et d'indivisibilité)
salutations
eugène Le Tollec
Dimanche 22 décembre 2024
paol
lire
« la seule intelligence qui nous soit donnée est un octroi de la vie».
( je tape difficilement )
Herve Morvan
Dimanche 22 décembre 2024
Le complexe d'uniformité ...