Le celtisme et les Celtes ont-ils une valeur contemporaine?

Chronique publié le 5/10/12 0:14 dans Cultures par Christian Rogel pour ABP
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L'une des plus intrigantes questions qu'on puisse se poser dans l'Arc atlantique de l'Europe et qui semble moins concerner ce qui est à l'Est de Vitré, de Cardiff ou de Santander est le pourquoi du labyrinthe d'idées et d'actions que l'on pare des labels «celtisme» ou «interceltisme».

C'était l'objet d'un colloque organisé par le Festival interceltique de Lorient (FIL) et l'Université de Bretagne-Sud en octobre 2010, et dont les actes viennent d'être publiés.

Il avait fait l'objet d'un reportage sur l'ABP : (voir notre article)

Interrogations sur les Celtes

Les intervenants ont voulu répondre aux principales interrogations :

- Que recouvre la notion de «Celtes»? Est-ce une notion archéologique, linguistique ou politique ?

- Le «celtisme» (appelé souvent «interceltisme»), après avoir été nommé «panceltisme», est-il une notion dont on peut faire l'histoire seulement au passé ?

- Le «celtisme» est-il, au contraire, un fait politique réel, dont l'une des manifestations sont les échanges culturels entre les zones de l'Europe qui ont été définies comme «celtiques» par des organismes politiques ou sociaux très divers ?

Deux chercheurs, le président de la Société de mythologie français, Bernard Sergent, et le professeur galicien de l'Université de Madrid, Martín Almagro-Gorbea, montrent bien la «contradiction» relative entre un Celte vu par les Latins et les Grecs comme habitant presque toute l'Europe continentale et les Îles britanniques (en ne mentionnant pas l'Irlande) et un «Celte moderne» défini comme originaire des aires linguistiques de langues qui n'ont été vues comme celtiques qu'au 18ème siècle.

Mais, cerise sur le gâteau, l'archéologie nous montre une extension des Celtes plus vaste (presque toute l'Europe et une fraction de l'Asie), tout en les réduisant à quelques manières d'enterrer leurs chefs et de décliner des motifs graphiques «celtiques».

On n'en sait pas plus et, après tout, ils pouvaient parler n'importe quelle langue.

La Galice et les Asturies se réclament donc des Celtes archéologiques, antiques et, un peu, historiques, par des légendes qui évoquent une origine bretonne antique, mais certains habitants du Nord-Ouest de l'Italie, de Suisse et d'Autriche aussi.

L'Irlande, dont la langue est celtique, n'a pas de filiation archéologique ou antique, sauf, par une de ses légendes qui font venir un de ses lointains rois d'Asie Mineure. (voir notre article)

La construction de l'idée celtique

Á Erwan Chartier-Le Floch, docteur en études celtiques et directeur des Éditions Coop Breizh, et à Joseph Rio, maître de conférence honoraire, est revenu le soin de faire l'histoire des idées panceltiques/interceltiques.

Elles apparaîssent dans les recherches linguistiques balbutiantes du 18ème et s'épanouissent avec le renouveau culturel gallois du 19ème qui finit par déteindre sur le régionalisme breton de 1838 à 1868, puis, devient, à partir de 1900, une idée politique en vogue dans les 6 pays celtiques du Nord-Ouest (Bretagne, Cornouailles, Écosse, Île de Man, Irlande, Pays-de-Galles), avant de s'exporter, après 1930, en Galice et en Asturies.

L'Irlande, du fait de son opposition aux Britanniques, se met ensuite en retrait, même si son exemple inspire fâcheusement la petite frange extrémiste des nationalistes bretons des années 30.

Le Romantisme, phénomène européen, n'est pas étranger au surgissement de ces idées, mais, quand, Erwan Delon, interrogeant de jeunes Bretons d'aujourd'hui, finit par entrevoir l'adhésion à l'idée celtique comme une recherche d'»identité enchanteresse», on voit qu'il y a des ressorts moins superficiels qu'on pourrait croire.

Celtes aujourd'hui?

On peut voir deux moteurs à ces définitions d'identités, multiples et partagées, comme le dit l'Asturien Ignaciu Llope, d'accord en cela avec Mona Ozouf dans «Composition française», les langues celtiques, d'une part, et la musique pour les Celtes revendiqués parlant une langue latine, d'autre part.

Alan Stivell, en grand témoin, raconte comment il a pu soulever, sans l'avoir prévu, un enthousiasme international sur des thèmes musicaux jusqu'ici inconnus.

Yann Rivallain, directeur de la revue ArMen, relève que les jumelages entre communes bretonnes et communes galloises ou irlandaises sont vraiment plus fréquents qu'ailleurs.

Les Études celtiques sont souvent pluridisciplinaires et l'archéologie voisine avec la linguistique, l'Histoire et le littérature.

La première a, semble-t-il besoin d'être revisitée, devant l'extraordinaire variété des approches (peut-on ou non parler de «Celtes Atlantiques»?), mais, elle ne devrait pas être un enjeu politique, et, pourtant, elle semble l'être en territoire hispanique et ailleurs.

La proximité très relative des langues linguistique est un lien efficace, au moins affectivement, mais, paradoxalement, l'Angleterre «saxonne» et l'Allemagne ont des Études celtiques plus actives que celles de la France, qui, est indifférente à son passé celtique qui a pourtant influencé la grammaire de sa langue.

Ne faut-il pas rappeler que l'on a défini un groupe de langues italo-celtiques et que Pompéi est presque compréhensible en breton («pemp» = 5) , tandis que le latin «quinque» et le français «cinq» sont proches de l'irlandais «cúig» ?

Jean-Pierre Pichard, directeur du FIL de 1972 à 2007, explique qu'il a voulu que les «cultures celtiques» soient traitées au présent, dans le respect du passé et en promouvant une grande famille culturelle celtique ouverte, qui accueille chaleureusement des Japonais venant jouer de la cornemuse écossaise en Bretagne et des Canadiens Acadiens, peut-être «Celtes» par une émigration ancienne et multinationale.

Kenneth White, le grand écrivain écossais voyageur et habitant amoureux de la Bretagne depuis 30 ans, sait élever la vue sur la Celtie en la montrant comme un champ d'énergie qui a apporté beaucoup à l'Europe.

Il convoque, tour à tour, Pélage, rebelle à l'ordre religieux romain au 4ème siècle, les moines irlandais, écossais et bretons qui allèrent fonder des abbayes jusqu'en Allemagne et en Italie, Scot Érigène, professeur en humour auprès de Charles le Chauve, qui en avait bien besoin après sa défaite face aux Bretons de Nominoé, Yeats et Joyce qui se défirent des manteaux trompeurs de la mythologie et de la politique nationalistes pour tenter d'atteindre un haut degré de compréhension de la nature des choses.

Ce petit livre, peu cher, est indispensable pour tout ceux qui croient que la Celtie, surtout parce qu'elle échappe sans cesse à la rationalité sans cesser d'aimanter dans la convivialité, est le champ d'énergie qui permet de revisiter notre vision de l'Europe et donc du Monde.

Le celtisme et l'interceltisme aujourd'hui, Actes du colloque de Lorient, 11-12 octobre 2010, TIR, Centre de recherche bretonne et celtique de Rennes 2. ISBN 978-2-917681-16-9. 10 €.

Quelques textes en castillan et en anglais.

Christian Rogel


Vos commentaires :
Lundi 6 mai 2024
JBB
pour moi,en me reférant à l'histoire des peuples les celtes avaient une culture clanique ,à la rigueur érigée en «royauté» ou tyranies locales",ils n'ont donc pu construire des empires.
Ces gens n'étaient pas des romains,n'avaient donc pas l'intelligence latine pour imposer leurs volontés aux peuples soumis,ils furent donc soums à leur tour ,absorbés comme tant d'autres,par leurs plus proches cousins ,puis par Rome.
Ils disparaissent donc dans la montée de l'humanité.
Leurs descendant ont gardé dans leur gènes les vertus et qualités premières mais aussi défauts (souvent négation de leurs qualités ,voir le caractère breton),nous sommes différents du franc romanisé!
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