Avec la montée inexorable des prix des carburants, ce n'est plus qu'une question de temps avant que le transport à la voile ne redevienne rentable. Un nouveau cabotage est en train de renaître sur les côtes bretonnes. À l'origine de ces initiatives, on trouve des militants du bio, du commerce équitable et même de Greenpeace.
En 2010, le catamaran de la société Ingalañ avait livré à Arradon 3,8 tonnes de vins en provenance de Bordeaux. En septembre dernier, la société Trans Oceanique Wind Transport (TOWT) qui a créé le label « Transporté à la voile » (voir le site) est allée chercher à Nantes du Muscadet breton et du sel du Pays de Retz. Un fret de 5 tonnes (ce sel a beaucoup plus d’oligo-éléments que celui de Guérande). À Nantes ils ont livré des boîtes de sardines et des pavés bretons. Escale à Lorient et à Arradon (voir notre article). TOWT opère un voyage chaque trimestre, alimentant des coopératives, des magasins bio et des particuliers.
Le Douarneniste Guillaume Le Grand, doté d'un master en économie de développement durable, a lancé TOWT en 2009. Pour le moment la société n'a qu'une gabarre le Leenan Head achetée en Irlande. L'ancien harenguier construit en Écosse en 1906 n'a que 50 pieds mais peut atteindre 8 ou 9 noeuds par vent portant. Dans de bonnes conditions et sans escale il peut faire Brest-Nantes en 3 ou 4 jours, mais avec les escales à Arradon et Lorient, le voyage prend actuellement environ 15 jours suivant les conditions. TOWT a d'autres livraisons à son actif. En 2010 ils ont livré du vin d'Anjou à Copenhague au Danemark.
Un voilier neuf spécialisé dans le cabotage, le Bella Vista est à l'étude. Il pourra transporter 60 tonnes de fret et fera 50 mètres. Il sera aussi deux fois plus rapide. Des financiers et le pôle Mer-Bretagne sont intéressés par le projet. Le plan est de l'avoir pour 2018. Contacté par ABP, Guillaume Le Grand est confiant pour le financement. La construction navale bretonne, championne des composites, a sans doute une nouvelle perspective : la construction de nouveaux voiliers de commerce et de caboteurs modernes à voile.
Pour le moment, le transport par camion reste plus rentable mais la marge n'est pas si évidente. 5 % de plus seulement sur une boîte de sardines, mais là où la différence est sans appel, c'est l'empreinte carbone : 20 fois moins de production de C02 que le transport routier via le transport à la voile. Guillaume Le Grand admet que son transport n'est pas sans aucune émission. La Loire doit souvent être remontée au moteur comme pour les entrées de ports. «À bord, toute l'énergie est produite par des panneaux solaires sauf pour la cuisine qui se fait au gaz butane en bouteille», concède Guillaume Le Grand.
La législation pour le commerce à la voile est inexistante. Le port de Brest a dû temporairement créer le label « voilier de charge ». Le sénateur-maire de Douarnenez, Philippe Paul, s'occupe de présenter au Sénat une nouvelle législation pour le transport maritime à la voile.
Philippe Argouarch
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