L’étudiante lyonnaise, otage du gouvernement turc

Communiqué de presse publié le 29/09/12 23:52 dans Politique par André Métayer pour André Métayer

«En décembre 2010, Sevil Sevimli, étudiante en Licence information - communication à l'Université Lumière Lyon 2, a déposé une demande d'inscription auprès du département de journalisme de l'Université Anadolu (Turquie).» témoigne Jean-Luc Mayaud, Président de l'Université Lumière Lyon qui poursuit : « Pour une apprentie journaliste, il n'y a donc rien de répréhensible à consulter ouvrages, tracts et journaux les plus divers et à observer toute réunion ou manifestation en y participant. C'est pourquoi, je ne comprends pas que l'on puisse assimiler ce type de démarche à des actes répréhensibles, qualifiés de criminels. Je suis aujourd'hui choqué qu'une telle accusation soit portée à l'encontre de Sevil Sevimli, comme elle pourrait l'être à l'égard de tout étudiant».

L'arrestation de Sevil suivie de son incarcération avait soulevé une grande émotion en France et fit prendre conscience à nombre d'étudiants, et plus largement à l'opinion française, mal informée, de la vraie nature du régime dictatorial mis en place par le gouvernement islamo conservateur turc. Les nombreuses protestations, les articles de presse et interventions diplomatiques avaient permis sa mise en liberté conditionnelle, dans l'attente de son procès fixé au 26 septembre à Bursa. Une pétition déjà signée par plus des 130 000 internautes «attachés à la démocratie et révoltés par l'idée même qu'une jeune étudiante de 19 ans puisse être emprisonnée, accusée de terrorisme sans aucune preuve,» montre qu'un mouvement de solidarité est né, dénonçant «la dérive autoritaire du pouvoir en Turquie».

Le procès de Sevil est ridicule, injuste, cruel

L'audience du 26 septembre n'a duré que quelques heures. Le procureur a requis contre elle une peine de prison incroyable de 32 ans et six mois et le procès fut renvoyé au 19 novembre. Dans l'attente, Interdiction de quitter la Turquie est faite à Sevil qui reste assignée à résidence.

«Je suis juriste depuis 40 ans et je ne pensais pas avoir affaire à un procès si absurde. J'espérais un acquittement dès la première audience. Mais il apparaît que ce procès va durer. J'ai perdu mon optimisme. Tout peut arriver [...] Nous avions demandé la levée de l'interdiction de quitter la Turquie car Sevil veut continuer ses études en France et rentrer auprès de sa famille. Cela a été refusé. Sevil est prise en otage en Turquie.» a déclaré son avocat à la sortie du tribunal.

Le bras de fer continue. D'après le journal «Libération» Le cas de Sevil Sevimli aurait été l'un des sujets de débat de la récente rencontre à Ankara entre les ministres turc et français des Affaires étrangères. On aurait pu penser qu'une issue heureuse était en vue, Laurent Fabius, cité par l'agence Anatolie, affirmant que les deux pays étaient sur la même longueur d'onde. Mais le Premier ministre turc, R.T. Erdogan, est d'un autre avis et l'a fait savoir.

Pourquoi Erdogan ne veut rien céder

R.T. Erdogan, empêtré dans la guerre contre les Kurdes, a cru pouvoir vaincre le vaste mouvement populaire en emprisonnant des milliers de personnes, principalement des responsables de la société civile et politique kurde, mais aussi des démocrates qui s'élèvent contre cette politique absurde, (parmi lesquels se trouvent 787 étudiants, dont certains détenus depuis de longs mois). Or Sevil, kurde, de surcroit alévie, cet islam ouvert qui est considéré comme «hérétique» par la mouvance sunnite radicale, se dit «de gauche» : «oui. J'ai des opinions socialistes, mais je n'ai jamais adhéré à aucune association ni aucun parti» (La Croix). Elle a aggravé son cas en affirmant courageusement sa solidarité avec les autres étudiants incarcérés. Elle subit donc le même traitement appliqué par la Justice aux ordres qui fait traîner en longueur les procédures et qui maintient en détention provisoire des milliers d'opposants. R.T. Erdogan qui peut compter sur le lobby militaro industriel pour exercer un chantage efficace en profite pour se plaindre de ses partenaires européens qui ne sont pas assez complaisants à son goût et s'en prend, notamment à l'Allemagne, à la France et aux pays scandinaves : «D'un côté ils s'expriment devant l'Union européenne et classent le PKK dans leur liste des organisations terroristes et de l'autre ils autorisent leurs représentants à circuler librement dans leurs pays».

André Métayer


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