Et si l’on faisait de la Bretagne un grand jardin partagé ?

Chronique publié le 29/09/12 19:55 dans Cultures par Jean-Charles Perazzi pour Jean-Charles Perazzi

Et si l'on faisait de la Bretagne un grand jardin partagé ?

La crise mondiale, la droite l'évoquait, sans trop s'étendre sur ses causes réelles, objectives ; la gauche la confirme. Le chômage est là qui gagne tout le pays comme une gangrène. La précarité, la pauvreté, la misère : on croyait ces termes d'une autre époque. Chez nous. Ils sont d'une cruelle actualité. Alors on fait le pari de la croissance, du développement. Quelle croissance ? Quel développement ?

Nos hommes politiques estiment qu'ils ont la solution pour demain qui permettra de vivre à nouveau les trente glorieuses et son économie florissante, de la fin de la seconde guerre mondiale aux années soixante-quinze. Rêve ou réalité ?

Rêvons un peu à notre tour. Au ras des pâquerettes, c'est bien le cas de le dire. En descendant dans nos jardins bretons. Ils ont une longue histoire. Riche, pleine d'enseignements qui peuvent ouvrir des pistes pour mieux surmonter les difficultés qui s'annoncent dans un horizon proche.

La leçon de Marie

Dans la dernière livraison de « La Gazette des jardins », magazine hexagonal édité dans le sud de la France, le portrait de Marie Massé. Deux pages complètes illustrées de photos en couleur. Le magnifique jardin de Marie se situe en Bretagne (la consoeur Cécile Viry ne précise pas où, à la demande de la jardinière). Marie aura bientôt 89 ans. Un visage de rides sous des cheveux blancs et des yeux malicieux, soulignés d'un sourire de jeune fille.

Elle délivre un message qu'aurait apprécié Anjela Duval : « Rester toujours en contact avec la terre, c'est ma vie. C'est ça la vraie vie ! » Et plus loin, elle précise : « Avec cinq enfants à la maison et un seul salaire, il fallait bien se débrouiller. On avait des poules, des lapins et même une vache. La même vie que celle de mes parents, dans le temps. Depuis toute petite, j'ai toujours été près de la terre. » Elle explique ensuite comment son potager, uniquement amendé par du compost et des engrais verts, lui permet de mener une vie simple, saine, heureuse.

L'exemple de Marie est loin d'être unique en Bretagne. En témoigne le retour impressionnant à la terre d'actifs ou de retraités. De ruraux et d'habitants de nos cités. Par passion, atavisme ou… nécessité. Les visites de jardins, individuelles ou de groupes de néophytes, se multiplient. Comme les causeries de sociétés, d'associations, sur le sujet. De plus en plus de localités proposent des jardins « communaux », « partagés », « communautaires », « de quartiers », constituant autant de lieux d'échanges, de convivialité. Les émissions et les chroniques fleurissent qui leur sont consacrées, sur les antennes, dans les médias. Les rayons des librairies débordent d'ouvrages qui leur sont consacrés. Les purins d'ortie, de consoude, d'algues connaissent une vogue étonnante. Les marchés de proximité, à la ferme, le troc (travaux contre produits du sol), voient le jour un peu partout. Etc.

Topinambours et rutabagas

Phénomène de mode, plus ou moins passager ? Pas sûr. La motivation, comme dit plus haut, a une autre explication : la nécessité.

Les anciens s'en souviennent. La guerre. L'occupation. L'extrême difficulté de s'alimenter. Par chance, le climat breton, son sol autorisent, une grande partie de l'année, toutes les cultures potagères et fruitières. Pour d'innombrables familles le jardin nourri de fumier, d'algues, de compost, avec sa production de patates, de haricots, de poireaux, mais aussi… de rutabagas et de topinambours, fut une belle planche -le terme est de circonstance- de salut.

Certes nous ne vivons pas la même (rude) période de notre histoire ; rien ne prouve que demain elle ne lui ressemblera pas.

On est bien d'accord, le salut ne viendra pas du potager et de ses productions. Il pourra seulement constituer en partie le remède à la crise qui s'annonce peut-être plus sévère que prévu. Et la Bretagne redeviendra alors un grand jardin terriblement utile. Et partagé.

Merci, Marie, de nous le rappeler.

Jean-Charles Perazzi


Vos commentaires :
SPERED DIEUB
Vendredi 22 novembre 2024
Jean Charles votre article est clairvoyant et c'est hélas exactement ce qui va se passer mais ce retour à la terre ne se fera pas par conviction mais dans les larmes la douleur et la misère quand le château de cartes qu'est ce monde moderne de plus en plus virtuel va tôt ou tard s'effondrer çà ressemblera un peu à ce qui s'est passé au Cambodge sous les kmers rouges
da lavar deoc'h an oll dud moned war ar maez

eugène Le Tollec
Vendredi 22 novembre 2024
SPERED DIEUB

La France, l'Europe, prépare la mise en autarcie des sociétés rurales . Ceux qui pourront (terrain oblige) feront comme dans le temps des micro - élevages (poulets, lapins) ,un jardin potager et dans un champ une vache,une brebis ou une chèvre... dans un coin... un cochon et ce sera l'entr'aide maximum d'où l'émergence du troc. J'ai connu ça avec mes grands parents d'un coté comme de l'autre,c'était presque une économie de «guerre».
Ma foi,la Bretagne a vécu comme ça pendant des siècles et le monde rural vit encore comme ça(chacun a quelque chose à offrir)


Emilie Le Berre
Vendredi 22 novembre 2024
Nous avons des marges de manoeuvre en agriculture, d'autres y arrivent dans des milieux bien moins favorable que celui de la Bretagne:
Voir le site
Le système petro-chimique actuel nous mène droit dans le mur.
L'effondrement dont fait allusion Spered Dieub peut être l'occasion pour la Bretagne de se redécouvrir. Mais effectivement les larmes et la douleur ne nous serons pas épargnées tant notre société est déconnectée des lois naturelles.

Rouari
Vendredi 22 novembre 2024
Les «trente glorieuses» ont tué ce qui restait de vitalité dans les campagnes, transformé les villes en banlieues sinistres, accéléré l'exode rural et tué les identités populaires. La chape de plomb de l'ENA s'est abattue sur un Hexagone abruti.
Nous en sommes aujourd'hui au stade de la «ville-département» dirigée par les élites du gros argent et leurs courtisans médiatiques. Place à l'universelle banlieue entrevue par Charles le Quintrec dans son roman 'La ville en loques'.
Seul recours contre cela : penser vernaculaire en matière d'alimentation, d'architecture, de relations humaines, faire retour aux logiciels ethniques, renouer les liens inter-nationaux rompus (trans-Manche). Quand à la France, comme le disait Jean Bothorel en 1972 : «S'en sortir, c'est en sortir».

SPERED DIEUB
Vendredi 22 novembre 2024
Hélas rien ne peur arrêter la bêtise humaine qui est ce que beaucoup appellent progrès ,si celui ci dans un premier temps a soulagé le travail physique ,il arrive un moment ou il pose plus de problème qu'il n'en résout Bien beau d'agrandir les usines seulement les automatismes suppriment des emplois , auparavant les services prenaient la relève permettant d'atténuer ce problème et que je sache les robots ne payent pas de charges sociales ....

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