Imaginez que vous êtes l'heureux (-se) propriétaire d'un terrain de plusieurs hectares, quelle satisfaction ! Que ce terrain soit situé à Belle-Île-en Mer, quel bonheur ! Que ce terrain borde la côte, quelle béatitude ! Que ce terrain ne soit pas constructible, quelle amertume ! (note : il se trouve en zone NDs donc protégée.)
Rassurez-vous, avec un peu d'imagination on peut trouver une solution. Aller pleurnicher dans les mairies, les préfectures, les ministères pour obtenir une autorisation de bâtir, c'est là une attitude de quémandeur, un peu minable, quoi ! Mais non, il faut garder la tête haute, toiser tout ce petit monde d'élus et de fonctionnaires et les éblouir par un projet magnifique auquel ils seront heureux de participer, ça c'est de la classe !
Cette merveilleuse idée est éclose dans l'esprit d'un couple de la Région parisienne qui se trouve précisément dans la situation évoquée plus haut : nous allons encourager les artistes, proclament-ils, et, pour cela, construire pour les abriter quelques maisons qui formeront un hameau avec vue imprenable entre Kerguelen et la plage de Kérel, en Bangor. Et ils fondent une association (www.cardinales.fr) pour soutenir ce projet. Celui-ci, cela va sans dire – ne peut qu'aboutir, il verra le jour au plus tard en 2016, il ne semble au yeux de ses promoteurs n'exister aucun doute sur son aboutissement: le P.L.U. rendra le terrain constructible en 2014, le permis de construire sera ensuite obtenu sans problème– sauf recours (quand même…), l'inauguration aura lieu en 2015.
Le préambule des statuts cherche à donner au projet, dans un style ampoulé et fumeux, une dimension quasiment métaphysique faisant des artistes (mais lesquels, donc ?) une espèce de prophètes.
Bref, il s'agirait d'édifier sur l'île un Temple de l'Art.
Oui mais la lecture attentive des statuts montre une association soigneusement «verrouillée» : n'y entrera pas qui voudra, en fait il s'agit plutôt d'un club bien fermé permettant à des - largement – nantis (mais pas forcément artistes) de passer entre amis un séjour agréable et tranquille sur notre île.
Parlons, en effet, des activités promises. On hésite entre l'irréalisme et la poudre aux yeux. On sait très bien qu'à Belle-Île la quasi-totalité des activités du genre de celles qui sont énumérées se déroulent pendant la saison estivale. Qui, passé le mois d'août, viendra dans un coin perdu le l'île assister à des concerts, des conférences ?
Mais après tout, ces remarques n'auraient pas grande importance si, précisément, elles ne concernaient pas des arguments qui ne tendent, au bout du compte, qu'à justifier l'urbanisation d'un terrain de 5 hectares avec vue sur la mer lequel acquerrait ainsi une valeur qu'on n'ose estimer, au prix actuel du mètre carré. Nous voilà au sommet de l'art…
À un moment où de petits propriétaires d'un bien de famille ou d'un terrain depuis longtemps acquis souffrent d'une application trop rigoureuse de la loi «littoral» il serait inadmissible qu'un groupe de nantis obtienne – peut-être grâce à d'obscurs soutiens - au vu d'un projet mirifiquement fumeux le droit de construire sur un terrain jusqu'ici protégé.
Il faut que les habitants - permanents ou intermittents - de Belle-Île se rendent compte du danger : ce projet est de ceux - y en a d'autres - qui, avec la complicité de certains bétonneurs, menacent notre île d'une colonisation tendant petit à petit à les chasser et à réduire ceux qui resteront à subsister en vidant leurs podou-kambr.
« Poent eo skuban an oaled
Kempenn an erv » (Glenn Mor)
■Ils nous polluent notre esprit et s'accaparent nos terres ! Marre ! Nous ne voulons pas d'eux !
Quand on sera plusieurs milliers à signer, on pourra commencer à faire véritablement pression.