Feuilleton Doux : quand « Le Canard » vole dans les plumes du poulet

Chronique publié le 5/08/12 11:26 dans Cultures par Jean-Charles Perazzi pour JCP
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Chronique

Feuilleton Doux : quand « Le Canard » vole dans les plumes du poulet

Deux tiers de pages dans « Le Canard enchaîné » du 1er août sur l'affaire Doux et ses conséquences. Et le moins que l'on puisse dire est que « le journal satirique paraissant le mercredi », comme il se dit parfois pudiquement, n'y va pas du bout de la palme. Un « canardage » en règle ; un énorme pavé dans la mare.

Le « Canard enchaîné », avec l'humour en prime, a la réputation de n'épargner personne. Ni la droite, ni la gauche, ni le centre. Ni l'Eglise, ni les sectes. Encore moins les magouilleurs, la Police (si elle se comporte mal), les fascistes, les publicistes, les opportunistes, les affairistes, les pollueurs, les nucléairophiles… On en passe.

On aime ou on n'aime pas le ton ironique, la critique quasi systématique. A la limite il faut parfois, faire un tri. Mais il est évident que cet hebdo, dans la jungle des médias hexagonaux, avec deux ou trois autres titres, étonne, détonne, surprend, irrite ou… intéresse, mais ne laisse personne indifférent. Allons un peu plus loin, même. Quel confrère journaliste, quel homme politique en vue, quel homme d'affaires oserait dire qu'ils n'a pas acquis, qu'ils n'acquièrent jamais le « Canard » certains mercredis, voire chaque semaine ? « A l'heure du laitier », le plus souvent, pour profiter du scoop du jour, se lancer sur une piste intéressante, vérifier une info. Merci le palmipède !

La fête aux poulets

Donc cette semaine, c'est la fête au groupe Doux et à ses poulets. Et vraiment -pardon d'insister- ça décoiffe.

D'abord les chiffres, pour évacuer le plus fastidieux et pour ceux qui ne seraient pas au parfum, si l'on ose dire en évoquant l'existence d'usines et de poulaillers qui ne sentent pas spécialement la rose.

Le groupe Doux c'est : un million de volailles abattues chaque jour et un chiffre d'affaires de 1, 4 milliards d'euros. C'est aussi 3 400 salariés, 800 éleveurs de poussins, un millier de transporteurs « sans compter une ribambelle de fournisseurs ».

Petit parcours, pour suivre, de l'Empire sur le chemin défriché par « Le Canard »..

Le poulet.- Il a une existence de vie de quarante jours seulement. Dans une cage d'un mètre carrég rassemblant vingt-cinq pensionnaires. On lui coupe le bec et on lui met des lunettes sur les yeux pour l'empêcher d'agresser ses congénères.

L'éleveur.- Il doit signer un « contrat d'intégration ». En d'autres termes, il a l'obligation d'acheter les poussins à la société Doux. Mais, aussi, les granulés pour les alimenter. A 1,5 kilo, ils seront sacrifiés et transformés dans les abattoirs du groupe. Prix versé à l'éleveur qui aura eu à payer entre temps le chauffage, le véto, les médicaments, les assurance: moins de vingt centimes du kilo.

Le salarié.- La plus grande partie des salariés des usines et des abattoirs est payée au smic. Il y a quelques années, après quatre ans de lutte syndicale les salariés ont obtenu à l'arraché une demi-heure de pause quotidienne.

Les subventions.- Les subventions européennes versées au groupe au titre des aides à l'exportation s'élèvent à près d'un milliard d'euros sur une quinzaine d'années (65% des aides à l'exportation). S'ajoutent à cette somme une autre, à peu près équivalente, celle des « subventions aux aliments du bétail ».

Algues vertes.- On estime à 38 grammes d'azote ce que produit un poulet par jour dans ses fientes. Avec un million de poulets, on obtient quatorze mille tonnes d'azote/jour. Ce qui représenterait environ 20% de l'azote d'origine agricole déversée chaque année dans la mer bretonne. Tout bon pur la production d'algues vertes !

Etc.

Le dossier du « Canard » est accablant.

Il met surtout en évidence, s'il en était besoin, le fait qu'avec 60% des cochons, 45% des volailles et 30% du lait produit en France, la Bretagne a l'impérieuse nécessité de s'interroger sur un modèle économique qui deviendra de plus en plus insupportable. Au vue des conséquences humaines, écologiques et même économiques qu'il engendre. En Bretagne même et au-delà.

Jean-Charles Perazzi


Vos commentaires :
Jeudi 2 mai 2024
Pierre CAMARET
J'ai connu,on appelle ça «pété comme des coings».... et pas au vin rouge de «cambuse»....au bon cognac,bien sur! + champagne en surdose!( c'étaient des militaires!)
Tout le mode était content
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