L'élection de François Hollande comme président de la République française a été diversement appréciée par le gouvernement islamo conservateur de RT Erdogan, oscillant entre le soulagement d'être débarrassé de son prédécesseur et les craintes suscitées par certaines de ses déclarations lors de sa campagne électorale.
N'a-t-il pas déclaré que la reconnaissance du génocide arménien par l'État turc devait constituer un critère supplémentaire de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ? Ses ministres, des Affaires étrangères Laurent Fabius, et de l’Économie Pierre Moscovici, n'ont-t-il pas, comme lui, voté la loi (retoquée par la suite par le Conseil constitutionnel) sur la pénalisation de la négation du génocide arménien ? N'a-t-il pas persisté en déclarant encore :
« J'ai cette conviction qu'il relève de la responsabilité des États de reconnaître les génocides, lorsqu'ils sont avérés par la recherche historique, comme l'est le génocide arménien, et que le négationnisme est une expression de violence qui n'a pas sa place dans notre République ».
N'a-t-on pas remarqué que l'un des proches amis du Président, l'énarque Jean-Maurice Ripert (promotion Voltaire, comme F. Hollande), chef de la délégation de l'union européenne en Turquie, dont les discrètes prises de position en faveur des Droits de l'Homme ne sont pas complètement passées inaperçues, s'est permis récemment de critiquer ouvertement les récentes déclarations « inappropriées » du Premier ministre turc à propos de la question portant sur les interruptions volontaires de grossesse ?
Toutefois, nécessité fait loi et le contact franco-turc, en marge du sommet de l'Otan à Chicago, a été qualifié de «fructueux» : il a permis au président Gül et à son tout-puissant Premier ministre de lever les sanctions prises contre la France et d'inviter à Ankara le président Hollande, la Turquie souhaitant vivement, en effet, qu'un rapprochement avec la France puisse accélérer le processus d'adhésion à l'Union européenne.
Pour autant il n'est pas question d'accueillir le nouveau président français sans lui rappeler qu'il y a des questions «sensibles» sur lesquelles il est attendu : l'arrestation puis l'incarcération d'une jeune Française accusée de « terrorisme » viennent à point nommé, à moins que cette affaire soit le fruit d'un « coup tordu », histoire de mettre la pression sur l'illustre visiteur.
« Avec Erasmus tu peux étudier dans l'un des 33 pays européens qui participent au programme d'échange et te perfectionner dans une langue étrangère ».
Comme des milliers d'étudiants, Sevil, 20 ans, étudiante en Info-Com à l'université de Lyon 2, a souhaité bénéficier de ces échanges entre universités et est partie étudier, dans le cadre de ces programmes européens, à l'université turque d'Eskisehir, à 300 km au sud-est d'Istanbul. Arrêtée à l'heure du laitier par la police anti-terroriste le 10 mai avec plusieurs de ses camarades étudiants, elle est détenue depuis pour appartenance présumée au DHKP-C (Front de libération du peuple révolutionnaire), un groupe d'extrême-gauche illégal.
D'après les interrogatoires qu'elle a subis portant exclusivement sur sa présence à des activités publiques et légales, il lui serait reproché sa participation aux manifestations du 1er mai et à un concert de Yorum, un groupe très populaire chez les jeunes, réunissant régulièrement des milliers de fans, mais nul ne sait exactement les chefs d'accusation, le dossier étant inaccessible même pour les avocats de la défense, même pour l'ambassade de France à Ankara.
Car Sévil est française, née en France de parents kurdes, de confession alévie, installés en France depuis près de 30 ans.
Et c'est bien là que réside la provocation : pour les autorités françaises, Sévil est française, son passeport français l'atteste, alors que pour les autorités turques, Sévil est turque et traitée comme telle. Sévil, otage, serait-elle l'objet d'un marchandage ?
La diplomatie française s'active et a obtenu une amélioration des conditions de détention. Mais c'est une libération immédiate qu'il faut obtenir pour notre concitoyenne dont l'innocence ne fait de doute pour personne.
La malheureuse histoire de Sevil met d'autre part en lumière la répression exercée par le pouvoir turc contre les étudiants et collégiens contestataires dont nombre d'entre eux se trouvent déjà exclus de leurs établissements. Pour d'autres, c'est la prison : plus de 700 étudiants sont détenus et les interpellations continuent, comme le signale le sénateur communiste Michel Billout, dans son courrier adressé à Laurent Fabius :
« Les étudiants kurdes sont quotidiennement victimes de ce mode de répression. Au moins 58 étudiants en médecine ont été arrêtés le 6 juin dans sept villes dont Ankara, Istanbul et Diyarbakir. On ignore les accusations portées contre eux en raison du secret apposé sur le dossier, comme pour la grande majorité des autres arrestations politiques. Le 7 juin 2012, deux autres étudiants, Ferhat Tuzer et Berna Yilmaz, ont été condamnés chacun à 8 ans et cinq mois de prison par un tribunal d'Istanbul pour avoir demandé “l'enseignement gratuit” lors d'un déplacement du Premier ministre Erdogan à Istanbul en mars 2010. Au moins 102 étudiants ont été placés en garde à vue au cours des dix premiers jours de ce seul mois juin, contre 127 au cours du mois de mai, 116 en avril et 100 en mars. Près de la moitié des étudiants arrêtés entre le 1er et le 10 juin ont été envoyés en prison. Du 12 au 16 février 2012, j'ai personnellement conduit une délégation d'élus communistes dans la région kurde de la Turquie afin de rencontrer des élus locaux et nationaux victimes de la répression du gouvernement turc. Durant mon séjour, sous couvert de complicité avec une organisation terroriste, il y a eu près de 160 arrestations le lundi 13 février et plus de 450 le mercredi 15, lors de manifestations pacifiques ».
Lami Ozgen, président de la Confédération des syndicats des fonctionnaires (KESK) ;
Siddik Akin, secrétaire général du syndicat des travailleurs du secteur de la santé et des services (SES) ;
Izettin Alpergin, secrétaire général du syndicat des travailleurs municipaux (Tüm Bel-Sen)
figurent parmi les 71 militant(e)s syndicalistes kurdes interpellés le 25 juin dernier, lors des opérations policières menées simultanément dans seize villes, dont Istanbul, Ankara, Izmir et Diyarbakir.
Ces syndicats, ainsi que Egitim-Sen (syndicat des enseignants) également touché, tous membres de la Confédération KESK, sont parmi les syndicats les plus actifs et les plus organisés qui refusent la politique antisociale du gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan.
43 d'entre eux ont été relâchés mais 28 ont été mis en détention provisoire, ce qui porte à 67 le nombre de syndicalistes détenus, sans jugement, certains depuis 2009.
« Nous vivons une situation que nous n'avons même pas vue pendant les coups d'État. C'est la première fois qu'un président de confédération est mis en garde à vue depuis le coup d'État de 1980. Bien que les arrestations soient devenues ordinaires en Turquie, cette opération est d'une ampleur sans précédent. Nous ne plierons jamais le genou devant la répression quel qu'en soit le prix à payer. Nous poursuivrons notre lutte juste et légitime ».
L'Union syndicale Solidaires a exprimé son soutien et sa solidarité avec la Confédération KESK, exigeant la libération immédiate des syndicalistes emprisonné(e)s et l'arrêt immédiat de la répression anti-syndicale.
La Confédération Syndicale Internationale (CSI) a également condamné avec vigueur l'attaque en règle lancée par les autorités turques contre les syndicats :
« Nous ne pouvons admettre que des syndicalistes soient détenus, incarcérés et surtout incriminés sans fondement. Le gouvernement turc doit immédiatement s'abstenir de cataloguer les syndicats en tant qu'organisations terroristes. Les syndicalistes devraient avoir le droit de jouer leur rôle légitime sans crainte d'être arrêtés » a déclaré Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI.
André Métayer
En particulier la non-reconnaissance de minorités.
Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais.