Molac seul survivant du crash des candidats bretons : pourquoi faut-il encore y croire ?

Editorial publié le 11/06/12 1:40 dans Elections 2012 par Louis-Benoît Greffe pour ABP
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Une urgence pour la Bretagne : briser les vieux engrenages de la division.

Contrairement à la Corse, où deux régionalistes sont qualifiés au second tour des législatives, à la Martinique, où un indépendantiste a de fortes chances d'être élu et à la Nouvelle Calédonie, où un Kanak a atomisé la droite locale (voir notre article) les candidats bretons n'ont pas fait d'étincelles. Que se passe-t-il et quels sont les chiffres ? Suivez le guide… et nous vous expliquerons pourquoi il faut encore croire dans le mouvement breton.

Seuls les sortants puis Troadec et Molac échappent à l'avalanche

La Bretagne, c'est 4,4 millions d'habitants et un grand nombre de circonscriptions sur cinq départements. Pas évident à couvrir… quoique pour une fois cet exercice a été réalisé presque sans impair avec 30 circonscriptions sur 37 pourvues d'un candidat breton… mais avec un grand nombre de formations auquel s'ajoutaient encore les députés sortants qui avaient œuvré pour la Bretagne. Pas très lisible pour l'électeur.

Prime aux sortants et au réalisme, plusieurs députés qui ont sans conteste œuvré pour la cause d'une Bretagne unie et forte ont été primés par leurs électeurs et peuvent aborder le second tour avec confiance (voir notre article) : c'est le cas de Marc Le Fur dans la 3e circonscription des Côtes-d'Armor (46,64 %), François de Rugy dans la 1e de Loire-Atlantique (47,83 %), Thierry Benoît dans la 6e d'Ille-et-Vilaine (40,33 %), Christophe Priou dans la 7e de Loire-Atlantique (41,41 %) et Jean-Jacques Urvoas dans la 1e du Finistère à Quimper (49,38 %). Michel Hunault (6e de Loire-Atlantique) ira moins serein peut-être (32.48% contre 34.78% à son adversaire socialiste) mais l'avantage mathématique lui reste acquis, en théorie.

Ensuite se détachent nettement trois personnalités, deux plutôt bien ancrées dans la gauche, du Mouvement Bretagne et Progrès, l'une proche de l'UDB et soutenue par cette dernière formation, les Verts et le PS. Dans la 6e circonscription du Finistère, Christian Troadec du Mouvement Bretagne et Progrès accède avec 19,92 % se désiste pourt le candidat socialiste Richard Ferrand. Dans la 6e circonscription du Morbihan, Christian Derrien atteint un score très honorable de 13,60 % des voix mais ne se maintient pas pour le second tour. Enfin dans la 4e circonscription du même département, Paul Molac arrive, rassemble 26,04 % des voix et se propulse à un 2nd tour où l'avantage mathématique devrait permettre une victoire de la droite, le FN ayant fait 9,66 % des voix et un centriste 14,73 %.

L'échec total des extrêmes de gauche et de droite

Ces législatives devaient permettre le lancement des Identitaires Bretons de Bretagne Nous avons foi en toi ; les 10 candidatures étaient du reste les seules du Bloc Identitaire et de ses organisations partenaires en France. Bernique ! en Bretagne, aucun candidat de Bretagne nous avons foi en toi n'a dépassé 1 % si ce n'est Marie Ollivier dans la 3e circonscription du Morbihan. Sinon, il y a Yann Vallerie (4e du 29) à 0,58 %, Mikael Lo Verso (5e du 29) à 0,69 %, Anne-Marie Rimbault (29-6) à 0,60 %. Dans les Côtes-d'Armor Claude Guillemain à 0,66 %. En Ille-et-Vilaine Christophe Daniou (35-1) à 0,66 %, Simon Danjou (35-2) à 0,73 %, Émeline Berhault (35-7) à 0,44 %. En Loire-Atlantique enfin, Valérie Mereau (44-8) à 0,76 %. Bref, la mayonnaise n'a pas pris dans un pays où le vote FN habituellement rachitique suffit à canaliser toutes les envies de voter très à droite, assez rares d'ailleurs grâce à une culture particulière et un marché du travail dominé par la main d'œuvre locale bretonne.

Du côté de l'extrême-gauche, pas mieux. Breizhistance tout seul, ça ne marche pas. Un peu mieux certes que l'extrême-droite, mais les 1,40 % de Maïwenn Salomon (22-4) et le 1,10 % de Jonathan Guillaume (44-6) ne changeront pas la face du monde, ni de la Bretagne. Que d'efforts perdus !

Les petites formations du centre à la casse

La casse électorale a aussi touché les formations plutôt situées au centre ou dites apolitiques. Trop petites, elles ne sont pas assez connues des Bretons. Ainsi, l'échec du Parti Breton est cuisant : dix ans après sa création, il n'est pas plus avancé que le tout neuf En Avant Bretagne, qui alignait aussi deux candidats. Jugez plutôt : pour le Parti Breton, Claudine Perron (56-6) 1,03 % et Yves Pelle (22-2) 1,19 %. Pour En Avant Bretagne François Le Gal (56-1) 0,90 % et Bertrand Déléon (56-2) 0,88 %. Même dans leurs fiefs respectifs, ces candidats restent ignorés du grand nombre, faute de visibilité, et pour le Parti Breton, d'une communication efficace sur une réflexion – notamment économique – pourtant très aboutie.

S'unir ou disparaître

Les rares circonscriptions où les formations en présence ont fait le pari de l'union ont vu une certaine réussite des candidats bretons. L'UDB, confortée cette fois par les Verts (mais pas partout), fait des scores honorables dans plusieurs endroits, notamment dans la 1e circonscription des Côtes d'Armor (Stiefvater, 5,66 % des voix), mais encore à Rezé (44-4) avec Yann Quémeneur (2,26 % des voix) voire dans la 5e des Côtes-d'Armor avec Philippe Coulau (2,18 %) ou Yann Syz dans la 5e du Morbihan (2,01 %). Mais d'autres candidats de l'UDB ont à peine dépassé le 1 %, comme Isabelle Moign (29-8, 1,27 %) ou Anne-Marie Kervern (29-2, 1,57 %), sans oublier Marie Levrel dans la 5e circonscription de Loire-Atlantique (1,02 %) ou encore Valérie Coussinet dans la 3e d'Ille-et-Vilaine (0,91 %).

En revanche, là où elle s'est unie avec le PS et les Verts pour présenter une candidature unique positionnée à gauche, celle de Paul Molac, elle arrive à atteindre le 2e tour et 26,04 % des voix, dans une circonscription difficilement gagnable il est vrai. Mais ceci est déjà une petite victoire et un grand signe d'espoir. Autre signe d'espoir, la candidature commune UDB et Breizhistance a rallié 4,46 % des suffrages dans la circonscription de Redon. Signe que si, seule, Breizhistance, groupusculaire et captée par l'extrême-gauche française (Front de Gauche, NPA) n'est pas viable, un positionnement moins clivant dans une union avec l'UDB permettra à une gauche bretonne assumée de voir le jour.

Pour construire un mouvement nationaliste breton : du réalisme, que diable !

Comment se fait-il que les Corses, les Martiniquais ou les Calédoniens placent un ou deux nationalistes/indépendantistes en situation de vaincre et pas nous ? Comment est-il possible que chez eux, les candidats qui assument leur identité nationale dépassent fréquemment les 10 % et parfois les 20 % et pas chez nous ?

La recette est simple pourtant : ancrage local, union des formations politiques, positionnement idéologique clair et rassembleur, réalisme politique. Il y a en Bretagne, de gauche à droite : Breizhistance, Mouvement Bretagne et Progrès, l'UDB, En avant Bretagne, le Parti Breton et Jeune Bretagne sans oublier Adsav ! complètement moribond. Ce nombre bien trop important et l'extrême différence qui existe entre toutes ces formations donnent à l'électeur moyen l'impression que l'Emsav, la branche politique du mouvement breton, est un panier de crabes dangereux et peu compréhensible. C'était le cas de la Corse récemment, et encore aujourd'hui la division entre les régionalistes modérés de Femu a Corsica et les nationalistes durs a causé l'absence des candidats corses dans la moitié des circonscriptions, soit deux sur quatre. Mais il n'y a que deux formations… imaginez avec six ! Et bien vous avez la Bretagne politique, diversité de partis, de candidats, de voix… mais complètement inaudible dans une élection législative.

Il y a aussi que les divers partis de l'Emsav veulent à tout prix agir seuls, distinctement des députés déjà en place et qui oeuvrent pourtant avec succès et pour leurs territoires, et pour l'ensemble de la Bretagne. Des députés comme Urvoas, Le Fur ou de Rugy, Hunault ou Thierry Benoît, Priou, etc. bien placés pour être réélus, qui sont aujourd'hui, quoi qu'on en dise et quel que soit leur affiliation politique, les meilleurs contributeurs à l'Emsav, les plus audibles, les mieux soutenus, les mieux implantés. Comment les mouvements bretons, notamment de droite peuvent-ils se permettre d'ignorer qu'il y a aujourd'hui en Bretagne des députés du centre et de la droite modérée qui se saisissent des problématiques bretonnes et qui oeuvrent de façon consensuelle pour y apporter, enfin, des réponses ? Le premier des réalismes politiques serait de s'appuyer sur les députés déjà en place pour contourner les obstacles mis en place par la République jacobine et ce, quelle que soit leur affiliation politique, car nous sommes tous Bretons avant de porter une étiquette politique, et l'on ne peut dignement assimiler ces députés chevillés à la Bretagne à des manches à balai étiquetés UMP ou PS.

Il y a encore que si la Bretagne n'aime pas les extrêmes, elle penche au centre. Les réponses au questionnaire adressé à l'ensemble des candidats dans les 5 départements, Côtes-d'Armor (voir notre article) Morbihan (voir notre article) Finistère (voir notre article) et (voir notre article) Ille-et-Vilaine (voir notre article) et Loire-Atlantique (voir notre article) ont montré l'émergence d'une nouvelle génération politique, essentiellement écologiste et centriste, qui porte en avant plus spontanément les revendications bretonnes, rendues compréhensibles et partagées par un grand nombre de Bretons après plusieurs décennies de luttes communes. Ces candidats du Modem ou de Verts et Écologie sont les nouveaux candidats bretons et eux aussi apportent un rayon de soleil et d'espoir dans une Bretagne qui en a tant besoin. Ainsi Carole Guillerm (MoDem, 4e circonscription du Finistère, 2,58 %) qui égale pour une première participation ce qui est d'habitude un très bon score pour l'UDB seule. Ou encore Erwann Balanant dans la 7e du même département, avec 4,38 %. Ou Alain Coraud (MoDem, 10e circonscription de Loire-Atlantique, 3,23 %). Ou une candidate écologiste parmi d'autres, Pascale Hameau à Saint-Nazaire (6,08 %). Les Verts ont souvent obtenu en Bretagne, au premier tour de ces élections, entre 4 et 7 % des voix, avec des opinions très proches des mouvements bretons comme l'a révélé notre questionnaire. Dans les sillons poussent de nouveaux Bretons, rassembleurs, investis dans la vie politique… quelle moisson d’espérance réservent-ils à la Bretagne ?

Et puis il y a le MBP (Mouvement Bretagne et Progrès), autour de Carhaix. Christian Troadec vient d'annoncer son retrait. Joint par l'ABP, il explique « Je n'étais pas en position pour gagner, de toutes façons, c'est le candidat socialiste qui allait passer, donc je me suis désisté. Mais nous avons eu de très bons résultats dans plusieurs communes, et nous allons continuer, petit à petit l'oiseau fait son nid. Et en 2014 nous présenterons de nouveaux candidats »

Fort d'un solide ancrage dans le Kreiz Breizh (Centre-Bretagne), le MBP fait peu à peu son nid. Gestion locale, positionnement clair à gauche, volonté d'union et revendications claires, l'hirondelle du MBP penche à gauche mais en bon maçon, construit son nid et va chercher les voix une à une, dans la durée. Pas de parachutage de candidat, pas de revendications floues et populistes, comme l'a fait Bretagne nous avons foi en Toi : MPB a les mains dans le cambouis, façon Peppone, et l'assume. Qui de mieux qu'un élu local peut connaître des attentes des Bretons et y répondre ? En 2014 nous aurons une part de réponse.

En 1972, un auteur du nationalisme breton écrivait " Dogmatisme, sectarisme, c'est le virus de l'Emsav (…) Il faut apprendre à tolérer que le voisin ne pense pas en tout comme on pense soi-même. La Bretagne sera-t-elle un jour autre chose qu'un panier de crabes ? "

Unissez-vous, Bretons, ancrez-vous dans votre terroir, dépassez vos clivages politiques artificiels, rassemblez autour de vous toutes les bonnes volontés, soutenez vos représentants qui sont déjà en place et qui oeuvrent pour vous, positionnez-vous clairement, gagnez par le centre ce que par la dureté vous ne pourrez obtenir, soyez avant tout Bretons avant d'être politiques ou idéologiques, et un jour, demain peut-être, nous serons libres.


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Dimanche 5 mai 2024
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j'ai voulu écrire arguments et non argumens !!!
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