Il n'y aura pas de réunification de la Bretagne sous la Ve République

Editorial publié le 22/05/12 20:32 dans La réunification par Philippe Argouarch pour ABP
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L'enveloppe premier jour du timbre célébrant la création de la région Pays de la Loire en 1975. Sur le dessin, le château de Chenonceau, qui n'est même pas dans la région PDL mais en Touraine dans la région Centre !

Il n'y aura pas de réunification de la Bretagne sous la Ve République. Pour la même raison qui fit que François Mitterrand renia sa promesse électorale de créer un département basque. Les deux projets, réunification ou département basque, remettent en cause les fondements mêmes de la République et la Constitution de la Ve.

La République ne reconnaît sur son territoire aucun autre peuple que le peuple français. Créer un département basque ou réunifier la Bretagne signifierait que ces régions ne seraient plus seulement des collectivités territoriales avec des appellations géographiques mais des entités historiques : de ce fait, il y aurait implicitement une reconnaissance de ces peuples. Cela ne colle pas avec la République une et indivisible. Ce serait ouvrir ce que les jacobins appellent « la boîte de Pandore ». Comprendre : les jacobins sont tellemment peu sûrs d'eux qu'ils pensent que toute exception mettrait fin à la République jacobine en tant que projet politique de l'État-Nation. Pour ce dogme de l'assise politique jacobine, voir l'analyse très bien faite par Yvon Ollivier dans son livre " La désunion française ".

Déplorer principalement l'injustice du décret Darlan-Pétain du 30 juin 1941 est maladroit car cette allégation laisse penser que seul le régime collaborationniste de Vichy est responsable, et non les Républiques d'après guerre et même d'avant (un premier arrêté ministériel institua des groupements économiques régionaux dits « régions Clémentel » le 5 avril 1919 dans lesquels Nantes était déjà séparée de la Bretagne).

Beaucoup pensent que la Bretagne est amputée de la Loire-Atlantique depuis 1941. Rien de plus faux. De 1944 à 1955 et même jusqu'en 1975 à bien des égards, la Bretagne restait unifiée. On parle des Pays de la Loire pour la première fois lors du décret 55-873 du 30 juin 1955 portant établissement des programmes d’action régionale (voir le site) . La séparation de la Loire-Inférieure sera donc faite par décret sans vote au parlement. Nous sommes dans une décretcratie. On dirait que tout a été fait à petits pas sur vingt ans, de 1955 à 1975, à coups de petits décrets anodins afin de faire accepter progressivement cette organisation territoriale contre nature. La Normandie fut divisée en deux, le Poitou et la Savoie amputés comme la Bretagne, et la Corse rattachée un temps à la région PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur). Il fallait à tout prix éviter toute identification possible des peuples historiques avec une collectivité territoriale, dans le même esprit de 1789, quand furent créés les départements (1).

Ces régions de programme, ramenées à 21 le 2 juin 1960 par la création de l’ensemble Rhône-Alpes, n’auront une existence officielle qu’en 1975 suite à la loi du 5 juillet 1972 créant les conseils régionaux rassemblant des députés et des sénateurs élus dans la région, de représentants des conseils généraux et des communes. La définition de leur identité par une politique régionale ne commença réellement qu’après la loi Defferre de 1981 qui les stabilisa dans un cadre juridique neuf et leur transféra de nombreuses compétences. Le découpage territorial ne sera pas remis en cause. Où étaient les députés bretons ? Ce fut pourtant la première fois que la régionalisation était débattue à l'Assemblée Nationale bien que les textes ne fussent pas écrits par les élus mais rédigés par des hauts-fonctionnaires sous la houlette de Gaston Defferre, alors ministre de l'Intérieur. Cette loi reste toutefois essentielle car elle supprime la tutelle préfectorale et établit le suffrage universel direct pour l’élection du Conseil Régional.

Cela serait si facile s'il fallait juste réparer une injustice perpétrée sous Vichy mais le problème est bien plus complexe. Pour réunifier la Bretagne, il faudra rien de moins qu'abolir la Ve République. Reprendre la révolution où l'avaient laissée les girondins guillotinés. Avec le temps, ils apparaissent de plus en plus comme les seuls vrais démocrates, les seuls vrais révolutionnaires. Les justes. Ceux qui devraient avoir leurs noms sur les grands boulevards avec ceux de Montesquieu, de De Tocqueville et même du général Moreau.

Les jacobins, plus connus sous le nom de "la Montagne" (2), furent juste des putschistes, une faction minoritaire qui profita de sa proximité avec le peuple de Paris, où les sans-culotte occupaient le haut du pavé, pour imposer sa loi au reste de la France à défaut de pouvoir l'imposer à toute l'Europe. La situation n'a pas changé depuis puisque les grands partis ont réussi à verrouiller les médias (via l'AFP), les institutions (via l’exécutif qui contrôle tout) et les élections (via des lois électorales en leur faveur). Les jacobins actuels sont les héritiers de ceux de 1793, simplement parce qu'ils mettent comme eux, leur vision de la République et les interêts de l'Ile de France avant la Démocratie.

Qu'Ayrault succède à Fillon n'est pas un hasard de l'histoire. La droite (UMP, FN depuis Marine Le Pen) et la gauche (PS, PRG, Front de Gauche) ont en commun la sauvegarde de la République jacobine et des privilèges exorbitants de la région Île de France, sans oublier les privilèges qui sont au coeur du système républicain français, ceux de la nouvelle aristocratie des élus cumulards et des hauts-fonctionnaires. Qu'il y ait, dans le gouvernement actuel, quatre ministres bretons ou même vingt ne changera rien au problème car le Premier ministre est contre la réunification et, comme l'avait dit Jean-Pierre Chevènement le 29 janvier 1991 : Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne.

Vouloir la réunification de la Bretagne, c'est donc vouloir une VIe République. Et une nouvelle république ne sera possible qu'après l'effondrement économique de la France qui ne saurait tarder, vu son endettement vertigineux et les politiques socialistes à venir qui seront inadaptées à la situation ou pas assez radicales. Le monde change plus vite que la capacité de la France à se réformer. Dans ce contexte, toutes idéologies – et le jacobinisme en est une – ne sont que les boulets supplémentaires qui vont précipiter la chute.

(1) En Bretagne une partie de la Cornouaille se trouve en Morbihan (la Cornouaille morbihannaise) et le Trégor est coupé en deux entre le Finistère – à l'est de la rivière de Morlaix – et les Côtes-d'Armor.

(2) Car ils se tenaient en haut de l’hémicycle près des sans-culottes parisiens venus assister aux débats. Le tintamarre de ces derniers, toujours très forts en gueule, aurait donné aux "montagnards" une importance démesurée par rapport à leur nombre véritable. L'origine des appellations gauche et droite vient du fait que la "Montagne" se tenait en haut et à gauche de l'hemicycle.

Philippe Argouarch


Vos commentaires :
Mardi 7 mai 2024
C'est vrai , il y a d'autres oublis , et d'autres rapports.
Alors , on reste comme cela ?????? mentalite anciens combattants :Le Papy dans sa chaise , j'etais a Nantes en 20.... pour la Reunification , a mon petit c'etait bien . J'ai recu une medaille de resistant ( il ne faut pas trop demander , il n'y avait aucune pension au bout , mais avec les Socialistes , on ne sait jamais ).
Ce n'est5 pas un succes et SVP , aidez moi a trouver les raisons .
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