Défense de parler breton Et... de voler des déchets

Chronique publié le 5/05/12 16:36 dans Cultures par Jean-Charles Perazzi pour Jean-Charles Perazzi

Suite du journal de campagne de J.-C. Perazzi


Six mois de prison avec sursis pour le père et trois mois avec sursis simple pour le fils : ce sont les peines infligées il y a quelques jours par un tribunal finistérien.

: le couple pénétrait dans une déchetterie de la région, « après la fermeture et sans dégradation ». Ils profitaient de trous dans le grillage. Explication du père : « Je trouve que c'est du gaspillage de laisser tout ça dans les déchetteries ». Quant au fils, pour sa défense, il a simplement fait observer : « Je n'avais pas l'impression de voler, mais plutôt de faire les poubelles ».

L'un et l'autre on assuré qu'ils revendaient une partie du produit de leurs prélèvements « pour payer les courses, les cantines, les vêtements ».


Faites un test autour de vous consistant à demander ce qu'il faut penser de telles pratiques et un tel jugement.

Résultat garanti d'avance.

Hier de beaux esprits s'indignaient qu'un peuple du bout de l'Europe s'obstinait à parler une langue, assortissant l'obligation ne pas le faire à celle de ne pas cracher sur le sol.

Idem aujourd'hui : défense de s'intéresser à des déchets promis au mieux au recyclage (le fer, le carton, le verre…), plus généralement au feu. Avec toutes les nuisances que cela, provoque.

D'autres s'indignent d'une telle obligation.

D'ailleurs, donnant en quelque sorte raison aux premiers, certaines municipalités prennent des mesures adéquates pour barrer la route aux « voleurs ». On apprenait ainsi au début de l'année qu'une importante ville du Finistère ouvrait deux nouvelle déchetteries « modèles ». On équipait les deux sites d'un système de vidéosurveillance, « afin d'éviter, limiter les vols et les dégradations ». Mais quand même pas d'un mirador. Merci !

On ne va pas faire la fine bouche. Les déchetteries sélectives sont un progrès par rapport au « tout à la décharge », source de pollutions et autres nuisances.

Sauf que ces déchetteries c'est aussi, si l'on n'y regarde de plus près, tout et n'importe quoi.


Scène vue dans l'une d'entre elles, toujours en Finistère

Une femme se prépare à benner (expression d'origine bretonne, selon l'ami Hervé Lossec) quelques petits meubles, en excellent état, de sa cuisine. Elle se ravise au dernier moment et interpelle le gardien. Contre toute attente et… le règlement de la gestion du site, il lui conseille de les déposer à proximité de la benne. Quelques instants plus tard, un quidam passe et repart tout heureux avec les meubles qui auraient été broyés, puis brûlés comme le reste.

Un dialogue à trois s'engage, avec la femme, le gardien et un autre quidam sur le thème du gaspillage. Ce nouveau personnage voit au font de la benne une table basse et deux magnifiques fauteuils en rotin presque neufs. Il repartira avec le tout, après avoir reçu l'accord tacite du gardien. Lequel s'épanche alors. « Vous n'imaginez pas ce qui se passe ici chaque jour. Il y a peu, trois Noirs ont vu, dans la benne de la ferraille, des vélos en bon état. L'un d'eux s'est mis à pleurer, assurant que dans son pays cela aurait fait le bonheur de quelques villageois. Et quelque temps avant, la camionnette d'un magasin de la ville a déversé dans une benne des vêtements neufs, avec leur emballage plastique et leur porte manteau ».

Fin de la scène.


Dans le dernier numéro du Peuple Breton, Jean-Jacques Monnier fait la critique de l'excellent livre du magistrat breton Yvon Ollivier (La désunion française, éditions L'Harmattan). La préface est du géographe Jean Ollivro. Lequel écrit en substance : « Alors que le pays compte plus de huit millions de pauvres qui ont vu en quatre ans leurs revenus augmenter de 4 %, Paris concentre 63 % des Français les plus riches qui ont, dans le même temps, vu leurs revenus augmenter de 40 % »… Et dont les poubelles débordent souvent.

Il se dit que certaines localités bretonnes ont eu l'intelligence de doter leurs déchetteries sélectives d'une benne spéciale où l'on peut placer des déchets en bon état, encore utiles. Des représentants d'associations humanitaires passent ensuite et les proposent à un faible coût à des gens dans le besoin.

Est-il stupide de suggérer que cette pratique soit généralisée à toutes les déchetteries ?


Jean-Charles Perazzi


Vos commentaires :
Michel Prigent
Jeudi 14 novembre 2024
J.C.Perazzi a bien raison de dénoncer le gaspillage insensé de nos civilisations dîtes avancées qui est une insulte tiers monde.
Tout comme le gâchis alimentaire (40%, nous dit-on est jeté à la poubelle), il est allucinant de voir la quantité d'objet, meubles, électro-ménager, matériaux quasi-neuf...qui finissent dans les déchèterie.
Il faut savoir que 90% des pannes en électro-ménager par exemple sont dues à des causes mineures: fusible HS, charbons d'induit usés, palier anti-friction ou roulement usé, courroie cassées...
Quand au mobilier, un peu de technique et d'huile de coude les remet en service.
En un mois de récupération, vous pouvez équiper totalement votre maison.
Il y a pas longtemps, j'ai vu arriver un fourgon de la Croix Rouge dont les employés repérables à leur tuniques rouges ont jeté une vingtaine de tables d'écoliers en parfait état de fonctionnement, et pour cause, car il s'agissait de tables constituées d'une structure métallique en tubes de 4 cms de diamètre peints en vert foncé portant le plan de travail et l'étagère en bois exotique lamellé-collé que tout le monde connaît. Ce matériel est quasiment indestructible et il n'est pas venu à l'idée de cette fondation bien subventionnée de la proposer à une asso ou à des particuliers...A la Croix-Rouge, on vit sur un grand pied.
Il est vrai que dans les écoles, la mode est aux grandes tables à la solidité très relative.
Celà fait des décennies que je prétends que le temps de travail ne devrait pas excéder 20h/semaine.
En effet, pour une majoration de prix de 15%, j'affirme que nous pouvons produire des objets manufacturés, non seulement à l'espérance de vie de 20 ans, mais aussi réparables à moindre coût comme le font les américains par exemple avec la restauration systématique de leurs chars de combat (je sais, c'est pas un bon exemple).
Un bricoleur moyen ne me démentira pas qui préfère réparer de l'ancien plutôt que d'acheter du neuf jetable à brève échéance.
La gabegie énergétique et matérielle de notre époque est absolument incroyable ! Cà ne va pas durer bien longtemps !

Joseph Victor
Jeudi 14 novembre 2024
@ Jean Charles Perazzi,

Bravo pour cet excellent article. Ca fait plaisir de lire ce genre de chose sur ABP. Bravo aussi pour la suggestion. Les élus des formations bretonnes devraient s'en saisir et la faire aboutir partout où ils sont en situation de le faire.


SPERED DIEUB
Jeudi 14 novembre 2024
Excellent articles en effet il faut rappeler également que 30% des denrées alimentaires finissent dans les poubelles .La civilisation dite moderne est une civilisation malade elle a dans son adn les chromosomes de son autodestruction L'âge de pierre ne s'est pas terminé faute de pierres et l'age su pétrole ne se terminera pas faute de pétrole

Patrick Chevin
Jeudi 14 novembre 2024
Ici, au Brésil les «catadores de lixo» et le recyclage des déchets sont devenus un véritable lobby. Dans ce domaine comme dans bien d'autre, la République Française, qui n'a concédé le droit de vote aux femmmes qu'en 1945! et n'est pas encore prête a en élire une à la fonction suprème, ni même un simple ouvrier, a beaucoup de progrès à faire...

guillemot sylvie
Jeudi 14 novembre 2024
la justice en France n'a que ça a faire!de toute façon nous avons de la chance de vivre dans un pays riche(en déchets),mais on ne s'en rend pas conte,consommation,consommation,consommation....a qui tout ça profite???on se le demande bien! suivant les gardiens de déchetterie on peut ou pas faire de la récup,stockage(locale,préaux ds les déchetteries) de ce qui est récupérable et pourquoi pas les portes ouvertes,ce ne serai plus du vol!!!!

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