Lettre ouverte à Philippe Argouarch, de l'Agence Bretagne Presse

Lettre ouverte publié le 19/04/12 16:43 dans Politique par Jean-Jacques Urvoas pour Jean-Jacques Urvoas
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Jean-Jacques Urvoas

J'ai lu avec beaucoup d'attention l'éditorial que vous avez publié ce matin sur le site de l'Agence Bretagne Presse, « Voter Hollande, c'est aussi voter contre la réunification de la Bretagne ».


Je souhaiterais rectifier les inexactitudes flagrantes dont votre texte fort partisan est émaillé. D'abord, vous laissez entendre que l'insertion « tout à la fin des 60 projets » de la proposition du candidat socialiste concernant la décentralisation témoignerait de son peu d'intérêt pour cette problématique. En réalité, l'inscription des thématiques dans le document n'est nullement conditionnée à leur caractère plus ou moins prioritaire. Vous constaterez ainsi que le soixantième et dernier engagement touche à la lutte contre le terrorisme et à la dissuasion nucléaire....

« Il y aura (…) un renforcement des départements », poursuivez-vous. Je vous mets au défi de trouver dans le projet de François Hollande le moindre élément qui viendrait corroborer un tel jugement. Les conseils généraux seront certes préservés, mais il n'est écrit nulle part qu'ils sont destinés à bénéficier des transferts de compétences prévus dans le cadre du nouvel acte de décentralisation que nous appelons de nos vœux.

« Il n'y a rien pour le renforcement des régions ». Justement si, il n'y a pratiquement que cela ! Relisez donc le discours de François Hollande à Dijon, le 3 mars dernier. Il y a annoncé l'octroi de nouvelles prérogatives aux régions en matière d'investissement dans l'enseignement supérieur et la recherche. Ensuite, la gestion des stratégiques fonds structurels européens leur incombera désormais, alors qu'elle relève aujourd'hui de l’État en dépit du plus élémentaire bon sens. Enfin et surtout, elles se verront attribuer un pouvoir réglementaire qui leur permettra d'adapter la loi nationale aux réalités des territoires, ce qui constitue, vous en conviendrez, une véritable rupture par rapport à la doxa jacobine.

La mise en place du conseiller territorial « aurait pu renforcer la région et donc la Bretagne au dépend des départements ». Vous avez naturellement le droit de l'avancer mais je peux à l'inverse vous citer bien des observateurs qui pensent exactement le contraire ! Le risque majeur, si cette réforme entrait en vigueur, est en réalité que l'on transforme le conseil régional en une assemblée dépourvue de toute vision globale. Si vous croyez que c'est l'intérêt de la Bretagne de s'engager dans cette voie, moi pas.

La modification de la constitution pour permettre la ratification de la Charte « n'est même pas dans les 60 engagements du projet présidentiel de François Hollande ». Je vous invite à relire le document. L'engagement n° 56 prévoit bien la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ce qui implique bien évidemment une modification préalable de la loi fondamentale étant donné la décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999.

Reste la question de la réunification, qui fait l'objet d'un verrouillage institutionnel que je ne conteste pas. Quelle que soit leur appartenance politique, il me semble que beaucoup d'élus de Bretagne y sont favorables, et ceux des Pays de la Loire très majoritairement hostiles. Ce n'est pas une affaire partisane, mais d'implantation géographique. Et de manière assez compréhensible, ceux qui ne sont pas partie prenante à cette querelle territoriale optent prudemment pour le statu quo, afin d'éviter de provoquer une réaction en chaîne potentiellement incontrôlable. C'est jusqu'à présent le cas dans cette campagne de François Hollande comme d'ailleurs de la quasi-totalité des autres candidats.

Au final, le réquisitoire auquel vous vous livrez contre les « bourreaux » socialistes me paraît extraordinairement approximatif, outrancier et empreint d'une confondante mauvaise foi. Il est inconcevable de malmener à ce point la réalité pour lui faire dire le contraire de ce qu'elle indique. Vous pouvez bien placer Sarkozy et Hollande sur le même plan, en laissant même entendre entre les lignes qu'en fin de compte le premier vaut mieux que le second pour la Bretagne. Mais les faits demeurent et ils sont têtus. Avec le candidat UMP, la Charte ne sera pas ratifiée alors qu'avec le candidat socialiste elle le sera. Avec le candidat UMP, les régions ne bénéficieront d'aucun pouvoir supplémentaire alors qu'avec le candidat socialiste si. Avec le candidat UMP, l'autonomie fiscale des collectivités locales continuera à se dégrader alors qu'elle sera confortée par le candidat socialiste.

Attention donc à ne pas succomber à la tentation du tout ou rien. Car c'est bien de cela dont il s'agit. A vous lire, on peut avoir l'impression que vous préférez Nicolas Sarkozy, qui ne vous donne rien, à François Hollande, qui ne vous donne pas tout. Pour ma part, la politique des petits pas quotidiens me paraît plus prometteuse que le fantasme du grand soir sans cesse repoussé au lendemain. J'espère que les Bretons me suivront sur cette voie, car elle seule à mon sens peut permettre à notre région de trouver la place majeure qui lui revient en Europe, aux côtés de la Catalogne, du Pays de Galles ou de l’Écosse.


Vos commentaires :
Dimanche 5 mai 2024
Urvoas,son seul réve d"etre élu et par la suite il
rejoindre la cohorte de bretons en tant que supplétif aux
jacobins de ce gouvernement.Une république au attitude
monarchique du siècle dernier,ils ont tué le roi et garder le trone .Bretons allez aux urnes et voter pour
les partis français ?Peuple Breton tu as la mentalité d'un peuple vaincu.....Réveil toi et vote pour les partis
Bretons.
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