Ni à Pékin ni à Bruxelles : les ennemis de l’économie bretonne sont à Paris

Article publié le 4/04/12 19:17 dans Economie par Louis Bouveron pour ABP
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La lutte mais plus d'usines? Depuis mai 68 l'État a investi l'économie et n'a réussi qu'à mieux la couler. Qualité française.

Assez rare pour être signalé, une grande société bretonne transfère son siège social au Luxembourg afin de se mettre à l'abri du fisc français.

L'information, rapportée la semaine dernière par Investir-le Journal des Finances, et le Canard Enchaîné, était déjà connue depuis l'Assemblée Générale du 11 janvier 2012 : (voir le site) Le transfert de siège social n'est qu'une étape dans le long processus engagé pour transformer la société anonyme EUROFINS SCIENTIFIC, immatriculée en 1989 à Nantes et leader mondial dans la bio-analytique des aliments et des boissons (10.000 employés dans le monde, 1 milliard de dollars de Chiffre d'Affaires). L'entreprise n'avait "que" 233.1 millions d'€ de chiffre d'afaires en 2005 (voir le site) ce qui ne l'a pas empêché de demander - et d'obtenir - 300.000 € de subventions pour la construction d'un centre de bio-analyse, les généreux donateurs étant la communauté urbaine de Nantes et la région Pays de Loire dont nous dénoncions déjà les largesses déraisonnées (voir notre article) L'entreprise avait été créée en 1987 par Gilles Martin qui racheta à l'université de Nantes les droits de propriété de la technologie SNIF-NMR, une méthode d'analyse mise au point et développée par ses parents, tous deux professeurs à l'université de Nantes. La start-up qui à l'origine comptait 12 employés s'appuie aujourd'hui sur 150 laboratoires dans le monde.


Le transfert du siège social et la transformation de la société anonyme en société européenne ne change rien à l'activité du groupe, dont Nantes reste le siège opérationnel. C'est la première société de statut européen (SE) cotée en bourse qui migre hors de France, et utilise pleinement les possibilités offertes par ce statut, à savoir pouvoir établir librement son siège social dans les 27 pays de l'UE (voir le site) Les filiales françaises, « sous réserve d'un établissement stable sur le territoire national », continueront à payer l'impôt en France… mais pour des montants sans commune mesure avec ce qu'un siège social pouvait payer. Sans commune mesure non plus avec ce que ce siège social pouvait apporter à la Bretagne redevenue libre d'imposer à sa guise les entreprises créées sur son sol.


Seulement, c'est la fiscalité qui est la principale cause de cette délocalisation (voir le site) , les impôts luxembourgeois étant plus stables et moins voraces ; le droit fiscal du Grand Duché est par ailleurs plus souple et permet des dispositifs plus avantageux pour la famille qui détient la moitié d'Eurofins, dans le cadre d'une succession, ou encore si le groupe, qui multiplie les acquisitions en Europe (Benelux, Allemagne) se trouve confronté à une OPA.


Voilà un bon prétexte pour notre volatile confrère pour voler dans les plumes des gouvernants, proposant ni plus ni moins que « de renégocier une partie des traités européens qui ont instauré la libre circulation des personnes et des capitaux, et remettre en chantier les conventions qui lient la France à certains paradis fiscaux ». Soit, comme si le problème, très à la mode en ce moment dans la France en crise, était de « lutter contre l'exil fiscal ». Comme s'il était normal qu'un salarié français coûte entre 21 et 49€ de l'heure en 2012 (voir le site) sans qu'il ne gagne des cent et des mille, l'inflation des coûts étant surtout absorbée par les charges, taxes et impôts de l'Etat. Comme s'il était normal que le même Etat qui en 2003 faisait de l'énergie photovoltaïque la martingale pour propulser la France à l'avant-scène du XXIe siècle s'attache en 2010 à court-circuiter la filière, et qu'il fasse de même en 2012 avec l'éolien terrestre qu'il plébiscitait en 2007 ? Comme s'il était normal que l'Etat maintienne, par son interventionnisme économique en retard d'un demi-siècle, des territoires et des entreprises aux limites de la faillite, avec un pseudo-modèle économique français dont l'utilité est celle d'un cautère sur une jambe de bois (voir notre article) Bref, l'infortuné Canard franchit en plein vol, les ailes grandes déployées, le "mur du çon".


L'Etat français justifie le déclin de certains territoires par leur enclavement. Pour l'Ariège ou le Cotentin, cette explication peut se justifier, quoique cela veuille dire que l'Etat n'a pas rempli son rôle dans l'aménagement du territoire. Vierzon. Une bifurcation autoroutière au nord de la ville, deux bifurcations ferroviaires aux deux extrémités de la ville, un potentiel industriel important, ex-capitale française de la mécanique. Vierzon. Une ville entière en friche, des kilomètres de hangars vides et croulants s'étendent, vus des voies ferrées. Vierzon. Une ville dont l'Etat s'est retiré, dont l'état culturel et social est à pleurer. Vierzon, une ville où les squats sont à 500 mètres de l'Hôtel de Ville. Des Vierzon, il y en a des milliers en France, et ils se nomment Pithiviers (45), Condé sur Noireau (61), Longueville (77), Dreux (28) ou bientôt Florange (57) et Saint-Jean-de-Maurienne (73).


L'Etat s'est retiré des trois quarts du territoire français, et est en train de condamner le reste à la « vierzonnisation ». Quand des gouvernements, quels qu'ils soient, se succèdent et ont pour principal objectif de transformer leur pays en friche industrielle, d'appliquer sans arrêter des mesures à contretemps et poussiéreuses, qui peut encore dire que les ennemis de la France et de la Bretagne sont à New York, Honk Kong ou Bruxelles ? L'économie est la source de tout, et le gouvernement de Paris l'oublie avec une constance incroyable. Voudrait-on que demain Lannion, Carhaix, Savenay ou Tréguier soient de nouveaux Vierzon ? Les ennemis de la Bretagne, c'est à Paris qu'ils sont.


Vos commentaires :
Mardi 30 avril 2024
Bon article

toutefois attention à ne pas faire croire que des entreprises qui historiquement ont eu leur siège social en Bretagne historique seraient pro-Bretagne. Concernant le cas d'Eurofins, cela est particulièrement vrai car cette société ne sait jamais considérée comme bretonne, tout au plus Paysdeloirien ou Ouest. J'en parle en connaissance de cause, étant un ancien employé de cette société.
Cela dit l'effort en cours de réappropriation de la bretonnitude doit non seulement viser les individus et les politiques mais également les entreprises. A ce sujet on ne peut que louer l'effort fait par l'association «Produit en Bretagne» qui promeut cela et en plus favorise l'utilisation de la langue bretonne dans l'économie et le monde de l'entreprise (cf. publication spéciale d'ARMEN sur ce sujet)

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