Nitrates : La Commission européenne traîne la France devant la justice européenne

Article publié le 28/02/12 4:28 dans Justice et injustices par Louis Bouveron pour Louis Bouveron
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Algues vertes : l'illustration en été de l'inefficacité française à se débarrasser des nitrates.
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La France a défini les zones vulnérables aux nitrates. L'action s'est quasiment arrêtée là.
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Nitrates en Beauce : illustration de l'impéritie française. La situation en 2003.
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Nitrates en Beauce : la situation est particulièrement critique dans les communes en rouge (2008).

Les Bretons ne sont pas les seuls à trouver longue l'incapacité chronique de la France à régler le problème de la pollution des eaux aux nitrates. La commission européenne aussi, et elle a désigné d'assigner la France devant la Cour de justice de l'UE (CJUE) pour non-application de la directive nitrates de 1991.

Une directive appliquée trop lentement et de façon incomplète

La Commission a envoyé un avis motivé à la France le 26 octobre 2011, pressant la France d'agir rapidement pour remédier à la situation; la France a accepté de modifier sa législation, mais la lenteur et l'insuffisance des changements proposés ont conduit la Commission à saisir la Cour de justice de l'UE.

La directive «Nitrates» vise à protéger la qualité de l'eau dans toute l'Europe en empêchant que les nitrates utilisés dans l'agriculture ne polluent les eaux souterraines et de surface et en favorisant le recours aux bonnes pratiques agricoles. Les États membres sont tenus de désigner les zones vulnérables à la pollution par les nitrates et d'adopter des mesures visant à réduire et à prévenir la pollution dans ces zones. À ce titre, ils doivent notamment prévoir des périodes durant lesquelles l'épandage d'effluents d'élevage et d'engrais chimiques est interdit, des capacités suffisantes de stockage des effluents d'élevage lorsqu'ils ne peuvent pas être épandus, ainsi que des limitations frappant l'épandage des fertilisants. La France n'a jamais appliqué complètement cette directive prise en 1991.

Et pendant ce temps, les nitrates ont gagné les terroirs partout en France

Soit un retard de 21 ans. La Commission Européenne a identifié une trentaine de départements où des zones vulnérables devaient être désignées, sur la base de prélèvements faits en 2007. Classés par bassins hydrographiques, ces départements sont les suivants : Creuse, Sarthe, Indre-et-Loire, Maine-et-Loire, Puy-de-Dôme, Loir-et-Cher, Loiret, Cher, Allier, Haute-Loire (Loire-Bretagne), Corrèze, Cantal, Gers, Landes, Aude, Tarn, Tarn-et-Garonne, Pyrénées-Orientales (Adour-Garonne), Meurthe-et-Moselle, Moselle, Vosges (Rhin-Meuse), Jura, Haute-Saône, Côte d'Or, Doubs, Var, Bouches du Rhône, Vaucluse, Alpes de Haute-Provence (Rhône-Méditerranée).

L'approvisionnement en eau potable des Beaucerons et de Paris menacé

La France découvre un peu tard l'obligation de résultat. Pendant ce temps, les sols beaucerons payent l'inefficacité successive des plans nitrates et la fixation sur les algues vertes bretonnes. Dans le seul département du Loiret, hors les sols sablonneux de Sologne, toute la Beauce et le Gâtinais, terres de grande culture, sont très vulnérables aux nitrates, dont les teneurs dans les eaux ne cessent d'augmenter et les périodes de dépassement des seuils légaux de s'allonger (voir le site) Cinq villes de l'agglomération orléanaise, du côté de la Beauce, envisagent depuis 2008 d'interconnecter leurs réseaux (voir le site) pour un coût très important, afin d'alimenter leurs habitants aux rares captages encore sains ; en attendant, Bucy-saint-Liphard dont l'eau est polluée aux nitrates s'alimente avec l'eau de la commune d'Ormes. Aux confins du Loiret, de l'Eure-et-Loir et du Vendômois, une quarantaine de communes ne peuvent plus boire leur eau potable et le conseil général de l'Eure-et-Loir avouait même en 2010 que 10% de la population du département est alimenté par une eau dont les teneurs en nitrates dépassent allègrement les seuils légaux (voir le site) La situation est encore aggravée par le fait que la nappe de Beauce alimente en eau la région parisienne.

En Bretagne : les décrets lisiers à contre-courant de la directive?

La Bretagne est absente de cette liste, mais n'est pas oubliée. La Commission Européenne estime insuffisants et même contre-productifs les décrets sur l'épandage des lisiers pris à l'automne 2011 (voir le site) contestés du reste par de nombreux élus et associations de Bretagne (voir notre article) Si on se tient à la jurisprudence de la CJUE à ce sujet, la condamnation de la France est très probable. D'après le Conseil Régional de Bretagne, la situation s'améliore sur le front des nitrates, et seule la couverture médiatique est responsable de la mauvaise impression des autorités européennes à ce sujet. Mais ce n'est pas un avis partagé par tous les intervenants sur ce sujet, ni par les sangliers de Saint-Michel-en-Grève.

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