Hopala! La Bretagne au monde n°38

Sommaire publié le 1/02/12 15:41 dans Cultures par luc lefranc pour luc lefranc
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"La déesse Ardenna" de Susan Rauch

Hopala! n°38

Le dernier numéro d'«Hopala! La Bretagne au monde» est paru. Ce n°38, le dernier de l'année 2011 et le premier de 2012, est d'une variété réjouissante. La couverture reproduit une œuvre de Susan Rauch, plasticienne américaine d'origine alsacienne dont la thématique animalière et mythologique saisit par sa profondeur et nous replonge dans les contes de notre enfance, quelque peu mâtinés de cauchemars. Grâce à Jean Heurtel, «Hopala» fait découvrir des plasticiens originaux et puissants, pas forcément Bretons, mais qui exposent en Bretagne ou sont originaires d'une communauté culturelle « différente ».

La partie « Débats » est consacrée aux aspects que la recherche universitaire bretonne à pris depuis qu'a été mise en place une politique d'autonomie des universités et de régionalisation. Nathalie Dugalès dresse le compte-rendu de la conférence tenue à Vannes, et organisée sur ce sujet par l'Université Européenne de Bretagne. Dans un article dense et technique, Jacques de Certaines évoque l'histoire de la «high tech» bretonne et de son « économie de la connaissance » depuis l'apparition du radôme de Pleumeur-Bodou. Suit une interview de Bernard Pouliquen menée par Jean-Louis Coatrieux. Le Vice-Président en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche au Conseil Régional analyse l'évolution de l'université bretonne depuis qu'ont été mises en place des innovations diverses: création de pôles, Grand Emprunt, coopérations inter-régionales... Certains propos pourront faire tiquer. J.-L. Coatrieux évoque « la qualité d'un système éducatif (breton) attestée par les résultats au bac. » Quand on sait le nombre de quasi-analphabètes qui sont aujourd'hui bacheliers, cela laisse rêveur... Les profs sont tenus de rehausser leur moyenne en fonction d'une moyenne générale souvent supérieure à celle de leur lot de copies, sous peine de sanctions. La démagogie ambiante dans les lycées (mémoires de TPE pompés sur internet, procédés de pondération permettant à des élèves médiocres d'avoir une moyenne pharamineuse, coefficient énorme de matières faciles...) n'a pas pour objectif d'amener les élèves à l'excellence, mais de faire en sorte que 85% d'entre eux décrochent le bac, quel que soit leur niveau. « En 1911 la Bretagne était la région de France qui comptait la plus grande proportion d'analphabètes », dit B. Pouliquen. Mais la faute à qui? A la France, qui ne les scolarisait pas... Encore conviendrait-il de préciser qu'elle ne les a jamais scolarisés dans leur langue maternelles, le breton et le gallo, et que, n'en déplaise à B. Pouliquen, la majorité des Bretons sont toujours restés, par volonté d'Etat, analphabètes dans leur langue maternelle, ce qui est contraire aux droits de l'homme. Mais l'opinion des auteurs n'engage qu'eux, pas la revue, ce qui n'empêche pas de la discuter...

Côté littérature, la matière de ce numéro est dense. On lira ainsi un bel hommage de Pierre Tanguy à Xavier Grall, disparu voici trente ans. Hervé Bellec nous livre le récit poignant d'un voyage à Mostar, guidé par une jeune femme dont la mémoire fume encore des décombres d'une guerre civile atroce. Côté poésie, la revue publie des textes de Pascal Rannou, Erwan Gourmelin et Mireille Privat. L'entretien d' Alain-Gabriel Monot avec la romancière Claire Fourier précède le texte qu'écrivit cette dernière peu après la mort d'Henri Pollès, le collectionneur bibliomane dont la chambre orne désormais le 6ème étage des « Champs libres », à Rennes. P. Rannou et Sabine Clément évoquent deux autres figures disparues en 2011: le romancier morlaisien Michel Mohrt, et la cantatrice Montserrat Figueras. Celle-ci a, avec son mari Jordi Savall, fait découvrir un répertoire inédit de musiques méditerranéennes, avec des couleurs orientales qui choquaient les puristes, comme le signale pertinemment S. Clément. L'article le plus étonnant de ce numéro est dû à Olivier Polar, qui déplore la disparition du légendaire rocker brestois Jean Moul avec une une truculence toute rabelaisienne. L'évocation des aléas subis par Jean Moul et son groupe lors du festival Elixir en 1979 est à se tordre! Étonnant, dans une rubrique nécrologique, mais celle-ci est due à un rockeur, alors foin des convenances contrites... Nul doute que l'ami Moul a apprécié cette oraison funèbre peu digne de Bossuet, au paradis des muzikos.

Ronan Gouézec poursuit son panorama des romanciers américains contemporains en nous présentant cette-fois l'amérindien James Welch. Jean-Louis Coatrieux se penche sur la correspondance entre Louis Guilloux et Jean Guéhenno, récemment préfacée par A.-G. Monot. Herve Le Borgne nous livre un de ces billets d'humeur saignants dont il a parsemé naguère le défunt magazine «Armor». La langue bretonne, enfin, n'est pas oubliée: «Hopala!» livre les dix premières pages d'un roman en breton de Paol Ar Meur, «Kizhier saoz ha bechennoù ruz». L'auteur s'inspire de son expérience de facteur à Brest, tout en l'enrichissant d'une fiction personnelle et exotique. Ce roman-feuilleton doit se poursuivre sur cinq numéros.

Notes de lectures et agenda culturel achèvent ce numéro particulièrement hétérogène: il suffit de comparer les articles de J. de Certaines et d'Olivier Polar pour s'en rendre compte!

le n°: 10 € (on passe à 12 au suivant). Abonnement 3 n°: 30 €: «Hopala!» 14 rue Boussingault 29200 Brest. Anciens n° disponibles (sauf 5, 6, 13, 17): 12 € port compris.


Vos commentaires :
Alwenn
Dimanche 24 novembre 2024
Je lis sur le site d'Hopala : «Une revue culturelle de qualité en Bretagne»

Ne serait-il pas préférable de réaliser une revue «sans qualités», comme il existe un «Homme sans qualités», ein Mann ohne Eigenschaften, comme aurait dit Musil.


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