Patrimoine breton en péril (1/6) : Le patrimoine religieux

Enquete publié le 20/01/12 11:27 dans Patrimoine par Louis Bouveron pour Louis Bouveron

Avec cet article nous démarrons sur ABP un cycle de six articles thématiques pour faire l'état du patrimoine breton menacé de ruine, de démolition ou de délaissement dans les cinq départements. Le premier volet est consacré au patrimoine religieux.

Faire l'état du patrimoine breton en péril : pourquoi faire ?

De nombreux inventaires existants recensent le patrimoine dans diverses thématiques et divers lieux, mais aucun ne fait vraiment, à l'échelle de la Bretagne, le compte de ce qui tombe en ruine ou ce qui est délaissé. Ainsi, peu nombreux sont les gens qui savent que le château d'Ancenis est complètement délaissé et va être de surcroît irrémédiablement abîmé par la construction prévue d'un bâtiment administratif dans son parc.

De surcroît, les raisons pour lesquelles le patrimoine est délaissé ne sont jamais – ou presque – évoquées. C'est pourtant ce que nous nous proposons de faire.

Naturellement, cet inventaire ignore les limites administratives et s'étend dans toute la Bretagne, d'Ouessant au Mont Saint-Michel et jusqu'au Fresne-sur-Loire (44).

Si vous connaissez un monument qui est en péril et qui ne figure pas dans nos articles, n'hésitez pas à nous en avertir.

Faire l'état du patrimoine breton en péril : oui, mais comment ?

Etant donné la diversité des patrimoines, nous allons procèder par articles thématiques, à raison d'un par semaine pour les 6 semaines à venir.

Sortiront ainsi, outre cet article consacré au patrimoine religieux, un article pour le patrimoine militaire (châteaux, forts et blockhaus) dans la semaine du 23 janvier, un article pour les manoirs et immeubles remarquables dans la semaine du 30 janvier, un autre pour le patrimoine industriel, ferroviaire et maritime dans la semaine du 2 février, un autre pour le patrimoine paysager, naturel et immatériel dans la semaine du 7 février et un dernier pour le patrimoine ancillaire et le petit patrimoine, dans la semaine du 14 février.

Par la suite, un cycle sera consacré aux opérations de restauration, de recensement et de reconnaissance des patrimoines en Bretagne, dans le même ordre et suivant les mêmes thématiques.

Ce cycle vise à faire connaître le patrimoine en péril et à en faire prendre conscience. Il est donc fort possible que, si un monument mérite, pour sa situation, plus d'égards, qu'il fasse l'objet d'un article plus fouillé par la suite.

Le patrimoine religieux en péril : priorité aux chapelles du XIXe siècle !

Si l'on faisait une carte des églises, chapelles, couvents etc. en péril, la plupart des sites se trouveraient dans les limites de la Loire-Atlantique. C'est aussi le département qui compte le plus d'édifices du XIXe siècle, de surcroît souvent construits à la va-vite et en pierres de mauvaise qualité.

Côtes d'Armor et Finistère : quelques églises fermées, mais très dégradées

A PLOUNERIN dans les Côtes d'Armor se trouve une église, fermée étant donné la dégradation de son état intérieur. Un référendum local l'a sauvé de la démolition, les habitants ayant préféré s'imposer plus pour la restaurer (voir le site) A TREMARGAT dans le même département, l'église Notre-Dame, bâtie au XIXe dans ce petit village de 170 habitants, est fermée et nécessite 450.000 € de travaux, une somme très lourde pour cette collectivité. La commune en est à choisir le maître d'œuvre des travaux afin de sauver l'église et son unique chemin de croix peint par Hubert Sainte-Marie dans les années 1950. Cette œuvre est sauvegardée… au Japon où elle a intéressé des chercheurs ! Dans le Finistère voisin, l'église de PLOUGOURVEST est fermée au public depuis mai 2011 à cause de l'état de la toiture qui menace de s'effondrer, le coût des travaux est estimé à 2 millions d'€ et est donc trop lourd pour la seule commune. Enfin BOTMEUR abrite une église actuellement sans propriétaire connu. très dégradée, les derniers travaux de grande ampleur remontent à 1935 après un incendie. Le clocher est inaccessible (escalier pourri). C'est une des dernières églises du Finistère à avoir été construite en pierre, sur les fonds de quinze particuliers et après la loi de 1905. La petite commune, toujours touchée par l'exode rural, envisage de s'en porter acquéreur suivant la procédure des biens dits « sans maître », afin de la restaurer.

Deux chapelles sont en péril dans les Côtes d'Armor, celle du manoir de Garauday à TADEN dont il ne reste que les murs, et celle des frères Maristes à SAINT-BRIEUC. Autre problème : les maires bâtisseurs, qui suivent les modes, jadis les bibliothèques et les hôtels de ville, aujourd'hui les salles polyvalentes et autres mutiplexes culturels. Ainsi, l'église de CARHAIX s'est vue accoster d'une massive salle polyvalente plus haute que l'église (11 mètres contre 8.67) et deux fois plus vaste. Un temple des temps modernes.

Ille-et-Vilaine et Morbihan : le succès d'une politique de restauration systématique du patrimoine religieux

Le Morbihan ne connaît pas de monuments religieux en péril, hormis la chapelle Notre-Dame de Lourdes, à Saint-Goustan d'AURAY que l'on nous signale. En effet, si l'église Saint-Sauveur de cette localité se porte bien (voir le site) la chapelle Notre-Dame de Lourdes construite en 1878 en style néo-gothique régional est fermée depuis plusieurs années à cause de mouvements du bâti, chute de pierre etc. et présente un état voisin de ce que fut celui de la chapelle de la Sainte Famille à Ploermel, qui depuis a été restaurée.

Le mouvement de restauration Breizh Santel est parti dans les années 1950 à partir d'une petite chapelle restaurée par les villageois de Kergroix (voir le site) à Carnac. Il faut ajouter que les chapelles du département, souvent bâties au XVe ou au XVIe, ont été restaurées au XIXe avec un grand conservatisme dans le style et les façons de construire. Elles sont presque toujours construites en granit du pays quasi inaltérable, avec un grand souci de la résistance aux éléments, vents et pluies.

Ce sont les bâtiments, souvent monastiques, transformés après la Révolution qui sont le principal sujet de soucis dans le Morbihan ; ainsi l'abbaye de la Joie à Hennebont, transformée en haras national et récemment cèdée par l'Etat (voir notre article) malgré l'opposition de riverains. La chapelle avait été altérée au XIXe et transformée en écurie.

L'Ille-et-Vilaine compte au moins deux chapelles en péril, une consacrée à Notre-Dame du Bon-Secours en 1857 et située dans les ronces du parc de la Roussière à SAINT-CHRISTOPHE-DU-BOIS, l'autre située dans les ruines du château à SAINT-AUBIN-DU-CORMIER et dont nous reparlerons la semaine prochaine. Enfin, une restauration hasardeuse du clocher de l'église Saint-Pierre et Saint Paul de LANGON , situé à la croisée du transept, a rompu l'équilibre des charges et conduit à l'étaiement des murs du transept sud et à la fermeture de l'église (voir le site)

En Loire-Atlantique : Oh la LA ! Ou le grand chantier

En Loire-Atlantique, au vu du nombre de monuments religieux en péril, l'on pourrait presque reprendre à notre compte la marque du département. Il est vrai que les informations sont plus disponibles grâce à l'inventaire touffu mais complet de (voir le site) , ce qui permet de pondérer les résultats connus.

En Loire-Atlantique, département ravagé au sud par les colonnes infernales de Turreau en 1793 et 1794, au nord par les diverses répressions des révolutionnaires contre le peuple engagé dans la chouannerie, nombreuses sont les églises et chapelles qui étaient en si mauvais état au sortir de la Révolution qu'elles ont été reconstruites au XIXe siècle. Et comme le style néo-gothique naît dans le département avec Anatole de BAUDOT, talentueux élève de Viollet-le-Duc qui reconstruit l'église Saint-Nicolas à Nantes, une majorité d'églises est reconstruite sur ce modèle ou avec une nette inspiration néo-gothique. Vers la fin du XIXe siècle, cela donne un style éclectique, mi néo-roman (ouvertures en plein cintre, contreforts), mi néo-gothique (hautes flèches, pinacles, arcs-boutants, chœur à pans) avec des églises construites à la va-vite et de façon la plus économique possible. Résultat à la fin du XXe siècle : il faut restaurer, et comme les derniers travaux remontent au lendemain de la guerre, il faut le faire sérieusement. Ce que font de nombreuses communes, notamment SEVERAC où la question de la destruction de l'église s'est posée et a été rejetée suite à un référendum local en 1997 (voir le site) L'église a été restaurée par la société Héritage. Actuellement l'église du PETIT-AUVERNE (chutes de pierres, instabilité du bâti) est fermée au public suite à un arrêté de péril. Celle de Sainte-Luce a été entièrement rénovée en 2011. L'église Saint-Benoît de POMPAS en Herbignac est toujours sous étais : la voûte du chœur de cette chapelle de secours devenue paroisse au XIXe est fort instable.

Le gros du chantier concerne les chapelles. Certaines n'ont plus de toit, mais ne sont pas ruinées pour autant, comme la chapelle Notre-Dame du Mûrier près l'église de Batz-sur-Mer ou la chapelle Saint-Michel à Campbon. D'autres sont en revanche nettement en péril : ainsi la chapelle de la Magedeleine, édifice du XIIIe siècle à BARBECHAT (voir le site) , ou encore la Chapelle de Bessac à Campbon qu'un jeune des environs débroussaille une fois l'an (voir le site) La mairie du coin a toutefois décidé d'y faire un chantier de jeunesse cette année pour mettre en valeur ses vestiges. Dans le même cas, la chapelle Saint-Jean des Goheaux au PALLET encore en état à la fin du siècle dernier et qui aurait besoin d'un bon débroussaillage (voir le site) A REZÉ, la chapelle du manoir de Praud s'est retrouvée abandonnée au fond d'un parc (voir le site) , à PORT-SAINT-PERE le lierre tient seul les murs de la chapelle octogonale du château de la Tour (voir le site) , et à Queneux en SION-les-MINES les murs de la chapelle Saint-Joseph du XVIIe sont dégagés des ronces de temps à autre. Enfin pour achever le tour des chapelles sans toit, celles du manoir de la Gazoire en NORT et du manoir de la Grée en SOULVACHE sont signalées ruinées.

D'autres, comme celle d'ANCENIS, tombent en ruine avec leur château (voir le site) dont nous parlerons la semaine prochaine. Celle de l'ancien centre Saint-Jean de Dieu au CROISIC est en chantier depuis plusieurs années, les embruns l'hiver en rongent la structure en béton, face à la mer. La chapelle Saint-Victor de Campbon est belle au-dehors, mais les corneilles volent librement dedans, la voûte plâtrée posée au XIXe s'en va en ruines. A CASSON, la chapelle du cimetière est fissurée de partout tandis que la chapelle Sainte-Anne perd ses pierres et ses enduits. Toutes deux sont du XIXe. Au CELLIER, la chapelle saint-Méen a pâti de la mauvaise volonté du précédent propriétaire à restaurer son toit. A PAIMBOEUF le délaissement de la chapelle Saint-Charles a déjà fait l'objet de nos attentions (voir notre article) et nous nous intéresserons bientôt au dernier vestige des folies Garreau, la chapelle funéraire de REMOUILLÉ (voir le site) comme à la jolie flèche de la chapelle de la Chantrerie au nord de NANTES. Et qui connait l'oratoire de la Ville-aux-Moines en PLESSÉ perdu au cœur d'un héritage (voir le site) ? Ou encore la chapelle Notre-Dame des Anges du château de Kervy à SAINT-LIPHARD ?

D'autres chapelles sont à surveiller attentivement, quand elles sont reconverties. Ce qui arrive malheureusement souvent avec des édifices pré-révolutionnaires, vendus et transformés, ou rasés. L'abbaye de Blanche-Couronne à la CHAPELLE-LAUNAY est aujourd'hui en de bonnes mains. En revanche l'intéressante chapelle du Fresne d'Appé, dans la partie basse de cette même commune, mériterait plus d'égards (voir le site) A CHATEAUBRIANT la belle chapelle XVIIe des Ursulines est devenue un garage, et les pneus s'entassent sous ses voûtes fatiguées. Le couvent installé dans les bâtiments de l'ancien prieuré roman de Béré a été malheureusement rasé dans les années 1970 (voir le site) La chapelle de la Tournerie à VUE est un atelier un peu négligé. Quant à la soi-disant rénovation des chapelles sud de l'ancienne église des Cordeliers à NANTES, elle est restée dans les annales comme un « massacre à la bétonneuse » un peu vite attribué au promoteur du XXIe, puisque les maçons du XIXe et du XXe avaient déjà beaucoup travaillé sur ces pauvres chapelles.

Leur toit, certaines chapelles sont en train de le perdre. A ISSÉ la chapelle de Monpaix délaissée peut encore être sauvée si une bonne fée se penche sur le berceau de sa voûte. A FAY-de-BRETAGNE il faudrait un charpentier pour la chapelle baroque de la Violaye, dédiée à sainte-Apolline, invoquée fréquemment contre le mal de dents puisqu'elle fut suppliciée avec des tenailles. Soit dit en passant, dans la même commune, la chapelle du château de la Joue, du XIXe, accuse son âge (voir le site) A SAINT-MARS-DE-COUTAIS les broussailles cachent la chapelle de la Basse-Cour, abri de compagnons de Charrette (voir le site) A SAINT-ETIENNE de MONTLUC la chapelle de la Sénéchalais tombe en ruines. Et enfin, pour finir le tableau, VERTOU, capitale de nos vignobles, possède deux chapelles en mauvais état : celle de la Bauche-Malo étayée et à demi en ruine, et celle de la Frémoire, fissurée et située pile dans la propriété des Vignerons indépendants des Pays de Loire (voir le site) dont la SCI « ne peut actuellement supporter le coût de la rénovation de la chapelle ».

Car tout est question de coûts. Ce que des collectivités peuvent faire, c'est-à-dire rénover lourdement et longuement un patrimoine hérité du XIXe siècle et donc bâti avec de mauvais matériaux et sans se préoccuper du terrain choisi, un particulier ne peut. C'est pourquoi le patrimoine privé – essentiellement des chapelles – concentre des monuments en mauvais état. Rassurons notre lecteur : la plupart des chapelles privées de Loire-Atlantique sont en bon, voire très bon état. Les 221 communes du département comptent en effet plus de 800 clochers, répartis en églises, chapelles, couvents, etc.

Le département étant dynamique, le besoin de place des uns et des autres aggrave le problème. Quid en effet des chapelles de Praud ou de la Bottière dans l'agglomération nantaise cernées par l'urbanisation, ou encore des chapelles de la Hélardière, de Martigné et de Bonne Nouvelle en DONGES que menace l'étalement irrésistible des cuves de Total, toujours plus près du bourg que la raffinerie a déjà chassé ? Nous nous y intéresserons dans deux semaines.

Cela dit, un patrimoine connu est un patrimoine protégé. On ne casse pas avec la même facilité la Sainte-Chapelle de Paris et un oratoire inconnu sur le bord d'une route de Plessé. Le manque d'information sur ce qui tombe en ruine est un vrai danger, nous espérons humblement y avoir remédié.

La semaine prochaine

Le deuxième volet de notre enquête concernera le patrimoine militaire de la Bretagne, du château fort breton au blockhaus. Si vous connaissez un monument en Bretagne qui est en péril, embroussaillé ou à l'abandon, signalez-le nous, envoyez-nous des photos à cette adresse : lbouveron44[at]gmail.com La protection du patrimoine breton est un enjeu national pour l'ensemble des Bretons, le premier des droits pour vous tous !


Vos commentaires :
Ar Vran
Jeudi 14 novembre 2024
Intéressant , êtes vous en contact avec l association « tiez breiz» qui s occupe du patrimoine breton, ils ont un site internet tiez-breiz.org ? Savez vous comment ils fonctionnent et s ils s occupent du patrimoine de la LA ?

Louis Le Bras
Jeudi 14 novembre 2024
Article très intéressant...évidemment le 44 semble le plus concerné !

ex site bretagne.unie.free.fr
Jeudi 14 novembre 2024
ça c'est du taf !
bravo .
je peux citer le petit patrimoine religieux (croix, calvaires) de st nazaire qui est completement delaissé meme quand celui ci est classé.

classé monument historique :
je pense au calvaire des rochelles noyé dans un lotissement si «pas detruit», et aussi à la croix d'henleix qui est -semble t'il - privatisée .personne ne sait où elle se trouve !


T.R
Jeudi 14 novembre 2024
Du travail constructif, intelligent et qui, je pense, portera ses fruits pour la sauvegarde de notre patrimoine breton !!!
Un travail de grande envergure qui mérite un soutien massif !

Hervé Le Quéré
Jeudi 14 novembre 2024

Il faut signaler(comme ça été fait dans l'article)l'excellent travail de l'association Breiz Santel qui en 60 ans est intervenue sur des centaines de chapelles et calvaires...on peut regretter le faible intérêt actuel de la société et de nos élus pour ce patrimoine (à quoi s'intéressent-ils d'ailleur ?). Les comités de chapelles avec beaucoup de spontanéité, ont été les chevilles ouvrières de ces projets de restauration ; on peut cependant regretter qu'ils n'aient pas toujours été bien conseillés. Je tenais aussi à rendre hommage à l'architecte Léo Goas qui avec compétence et ténacité s'est impliqué discrètement et efficacement dans des dizaines de projets...ces personnalités discrètes font aussi l'honneur de la Bretagne! Nos chapelles sont un peu comme la Bretagne...il appartient aux Bretons de se prendre en main pour la relever !

G.C
Jeudi 14 novembre 2024
Dans le Morbihan, il y a une église fermée et qui est au bord de s'effondrer au port Saint Goustan à Auray...

jojo22
Jeudi 14 novembre 2024
Un petit lien vers la Fondation du Patrimoine. Vous pouvez donner pour la restauration de la danse macabre de Kermaria-an-Iskuit (simple exemple, hein). En plus c'est déductible des impôts !

Pour le 44, il faut chercher en Pédélie...

Voir le site


Jacques Larrivière
Jeudi 14 novembre 2024
Mise à jour en Loire-Atlantique pour Petit-Auverné et saint Sulpice des Landes Voir le site

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