Actualisation de la politique linguistique de la Région : un rendez-vous raté ?

Point de vue publié le 16/01/12 13:50 dans Politique par Yannig Baron pour Yannig Baron
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Entre le 2 et la 4 février le Conseil Régional va voter une réactualisation de la politique linguistique pour la Bretagne. C'est donc le moment d' attirer l' attention sur ce qui est proposé. Le regard que je porte sur cette politique concerne uniquement son aspect "enseignement" qui est à la base de tout le reste.

Au cours de l' année 2010, à la demande du Président de la Région, la commission enseignement-éducation du Conseil Culturel de Bretagne, 3e chambre officielle et consultative du Conseil Régional, avait travaillé le sujet. Elle avait fait des Propositions pour l'enseignement des langues de Bretagne votées à l' unanimité de l assemblée plénière du CCB le 14 mai 2011.

Le 10 décembre 2011, ce même CCB a confirmé ses recommandations dans l' avis qu' il a porté sur Les orientations pour le budget 2011 de la politique de la Région concernant la culture et le rayonnement de la Bretagne. Quelles sont-elles ? Je cite :

Le CCB insiste sur l' importance d' obtenir :

Un développement conséquent des filières immersives et à parité d' objectifs avec introduction dès la maternelle de l' enseignement de l' anglais suivant les principes pédagogiques de "l' enseignement intégré des langues."

Hors des filières bilingues, une généralisation progressive d'un enseignement "bilangue" langue de Bretagne (breton et/ou gallo) langue étrangère dans tous les établissements scolaires de Bretagne de la maternelle au lycée.

Un vaste plan de formation du nombre d' enseignants nécessaire à la réalisation de ces objectifs.

Disons le clairement, on ne retrouve rien de tout cela dans le rapport d' actualisation intitulé : une politique linguistique pour la Bretagne qui est soumis aux élus.

Comme toujours les optimistes (de nature ou patentés) pourront y trouver quelques mesures positives. Heureusement. Le problème c'est que globalement il ne situe pas à la hauteur des besoins si nous voulons assurer un avenir aux langues de Bretagne.

Un pas important avait été franchi en 2004 quand le Conseil Régional avait déclaré langues de Bretagne le breton et le gallo avec la même légitimité que le français. Ensuite des progrès se faisaient chaque année dans le bon sens. Aujourd'hui on attendait de nouvelles avancées. Une politique linguistique se doit de répondre aux besoins de tous les enfants de Bretagne, dans toutes les langues dont ils auront à se servir. Rien de tout cela ne se retrouve dans ce document qui manque singulièrement d' ambition.

Qualifier les "Propositions" faites par le CCB "d'utopistes" ou "d'irréalistes" ne suffit pas à résoudre le problème posé. Ce dont nous avons besoin, immédiatement, car cela conditionne tut le reste, c'est d'un "vaste plan de formation" des futurs enseignants. Nombreux seraient les candidats, jeunes ou déjà en postes, à y souscrire, s'ils avaient l 'impression de répondre à une grande ambition sociétale multilingue basée sur les langues de Bretagne et au service des Bretons et surtout de leurs enfants. Ce n'est absolument pas le cas.

Dans le Télégramme du 12 janvier le Président Le Drian souligne que la Région a une large maîtrise de la politique de formation : Dans le cadre de la politique jeunesse, la Région a élaborée une stratégie régionale emploi-formation. Un de ses axes vise à favoriser l réussite scolaire et universitaire... En partenariat avec le Rectorat et l' Université européenne de Bretagne... La Région vise à améliorer la qualité des formations... de l' information... de l' orientation...et de l' accompagnement... En relation avec les centres de formation longue : Stumdi, Roudour, Mervent, UCO, Skol an Emsav, toutes les structures sont en place pour répondre à des objectifs ambitieux.

Qu'on ne parle pas de restrictions budgétaires ou de crise. Ce vaste plan n' est que peu dans le budget global "Formation" de la Région. Si cela ne suffisait pas, rien n' empêche de prévoir que 5% du futur "emprunt régional" dont on parle y soient consacrés. Et cela représente quoi par rapport à la ligne TGV Le Mans/Rennes ?

Former 250 jeunes enseignants bilingues par an c'est, par définition, contribuer grandement à l' emploi non-délocalisable...

Le second problème grave à mes yeux est, comme il est écrit, celui de "l'institutionnalisation" du monde associatif qui est ou était à la base de tout ce qui s'est fait en Bretagne depuis 35 ans dans ce domaine. Vouloir régenter la vie associative, vouloir contrôler le contenu de l' édition de livres, comme cela est prévu est une démarche surprenante qui s' éloigne de la démocratie.

Écrire en gras et en encadré : La région pérennisera le fonctionnement de ces structures (les associations de parents) et proposera une contractualisation pour la période 2012-2015 autour de leurs objectifs de développement partagés et autres choses de ce genre, juste après avoir diminué de 80 000 € la subvention de l'association DIHUN, dans le seul but de détruire son originalité, à savoir " l' enseignement intégré des langues " comme le demande le CCB, semble pour le moins contradictoire. C'est aussi dilapider un capital de connaissance et licencier du personnel une fois de plus.

Ceci au moment où le Collectif des mouvements pour les langues régionales rassemblant tout ce qui bouge en ce domaine en France vient d' écrire aux candidats à la présidence de la république pour demander par exemple de : Généraliser l'enseignement des langues régionales à tous les niveaux de la maternelle à l' Université, en visant au plurilinguisme comme en Corse...

Détruire cette pédagogie qui fait le succès des politiques linguistiques dans d' autres Régions d' Europe et qui obtenu de nombreuse reconnaissances comme le "Label européen des langues" "exemple même de ce qu'il faut faire en France " comme le déclarait Pierre JANIN, haut fonctionnaire de la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France... au lieu de prendre toutes les mesures utiles pour l' étendre aux autres systèmes d' enseignement comme le propose le CCB n'est pas un signe positif, bien au contraire. C' est s' enfermer dans une vision restrictive des besoins de la jeunesse et de la société bretonne d'aujourd'hui.

Dans Ouest-France cette fois le président de la Région plaide avec juste raison pour une république des Régions et pour disposer de plus de compétences et de moyens et il y a urgence car c' est la seule voie qui n' a jamais été expérimentée pour apporter des réponses à la crise économique dit-il. La Région à la maîtrise quasi-totale de la formation, n'est-ce pas le moment de montrer sans attendre des lendemains dont rien n' indique qu'ils chanteront. C' est plus une question de choix et de volonté que de moyens.

Si la Bretagne veut gagner la bataille économique, il lui faut investir dans une culture d'avenir spécifique et universelle .

Yannig BARON


Vos commentaires :
Dimanche 12 mai 2024
pour revenir au sujet, vendredi la région a reporté à une date ultérieure le débat sur le politique linguistique. C'est le 4ème report. Que cela inspire-t-il donc aux militants politico-linguistiques ? Peu de réactions en tout cas... droll eo !

bons ébats et débats à vous en tout cas, ce fût un plaisir de me faire étriper par la bien pensance néo armoricaine.

kenavezo en ivern yen !

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