M. Sarkozy, n'oubliez pas l'île de Sein

Chronique publié le 11/02/12 18:16 dans Cultures par Jean-Charles Perazzi pour JCP
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Suite du journal de campagne de J.-C. Perazzi


Candidat à la présidence de la République nécessite que l'on parcoure la Bretagne - et pas seulement elle - en tous sens. Ces temps derniers Sarkozy fait mieux que tous ses prédécesseurs. Chaque jour qui passe le voilà qui visite au pas de charge, chez nous et ailleurs, un village, une usine, un site, une petite ou moyenne entreprise, un établissement d'enseignement, une installation militaire, un port, une école navale, une exposition… On en passe ; on en a le tournis. Et que je te serre les mains, que je te caresse un bébé, embrasse une supportrice, congratule un élu, dépose une gerbe, remet une décoration, reçoit un cadeau, annonce ceci, promet cela et tout le reste… N'en jetez plus.

Mais n'allez pas croire que notre infatigable président se livre à un exercice qui est le premier du genre. Tous ceux qui rêvaient ou rêvent d'être au plus haut de l’État ont fait, en font autant. Enfin presque. Et leur tro Breizh nous vaut quelques moments étonnants, insolites, voire cocasses qui méritent d'être évoqués.

Coup d'œil dans le rétro

Octobre 76. Voici Georges Marchais. L'élection aura lieu en mars de l'année suivante. Une bonne demi-douzaine d'étapes au programme. A Concarneau, un militant de l'UDB lui cite un extrait de L'Humanité évoquant « le peuple breton et sa particularité ethnique indiscutable ». Bien vu. Sa réponse : « La Bretagne c'est la France ». C'est un point de vue. Huit mille personnes l'accueillent à Saint-Brieuc pour le dernier meeting. Durée du discours : 1 h 30. Au fond de la scène, nous finissons par renoncer à prendre des notes. Le préposé pose un disque sur l'électrophone. Huit mille voix entonnent alors les premières strophes de l'Internationale. Marchais bondit comme un diable : « Nom de Dieu, je vous avais dit de ne pas mettre ça ».

Crissement de l'aiguille sur le vinyle, rectification immédiate. Et la soirée s'achève sur une vibrante Marseillaise.

1981. Le candidat radical de gauche Michel Crépeau est sur la dune de Plogoff, au-dessus du site de Feunten-An-Aod qui doit abriter une centrale nucléaire. « En 1974, on voulait aussi en mettre une à proximité de La Rochelle.Dans une pareille affaire, il faut savoir se bagarrer et se serrer les coudes ». À deux pas de la bergerie, symbole écologico-bucolique évident, construite à la hâte, il plante un fusain. L'année suivante, en passant par là, le berger nous fait découvrir le fusain. Il a dépéri. Mais la branche lui servant de tuteur… porte des feuilles.

Au début de 1985, Jacques Chirac, toujours pressé, dans le style qu'on lui connaît, prépare déjà la présidentielle de… 1988. D'autant qu'elle sera précédée, dans moins d'un an des élections législatives. Son tour de Bretagne mené au pas de charge, débute à Rennes. Vigoureuse poignée de main aux journalistes qui seront chargés de le suivre, assortie d'un aussi vigoureux : « Content de vous voir ».

Le sommet du périple se situe à Pontivy où, sous un chapiteau, quatre mille inconditionnels hurlent sans arrêt à plein poumon en attendant son arrivée : «Chi-rac, Chi-rac ». Chargé de chauffer la salle, l'animateur de la soirée calme la troupe : « Notre compagnon est sur la route, il est attendu d'un moment à l'autre ». Comme la scène est à peu près la même chaque soir, je ne peux m'empêcher d'exprimer mon étonnement à un confrère de la télévision. « Tu n'as rien compris ». Il m'entraîne alors derrière la tribune où, comme un boxeur prêt à monter sur le ring… Chirac s'échauffe depuis une dizaine de minutes. Soit dit en passant, quelques années plus tard, une émission de télévision nous présentera une scène quasi-identique, avec… Lionel Jospin, candidat à son tour.


Tous les hommes politiques importants (?) ont mis un jour les pieds sur l'île de Sein. Il s'agit de rendre hommage à l'île et à ses héros (peut-être pas tous, mais ceci est une autre histoire) de la dernière guerre, arrivés en nombre à Londres dans les pas de de Gaulle.

Le visiteur de cette fin d'année 1985 est François Mitterrand. Lui aussi est déjà plus ou moins en campagne. Un jeune et frêle énarque très déterminé, qu'une bourrasque de l'île aurait mis à terre instantanément, ne parvient pas à m'empêcher de me pencher par-dessus l'épaule de celui que les Bretons appelleront Fañch Mitt'. Le message, sur le livre d'or de l'île, est bref. Une simple signature : « F. Mitterrand ».

M. Sarkozy, après Lanvéoc-Poulmic, Domrémy-La-Pucelle, après les villages, les usines, les sites, les entreprises et le reste, n'oubliez pas de mettre sur votre carnet de campagne « Île de Sein ». C'est important pour un candidat au poste suprême. Très important.


Jean-Charles Perazzi


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Vendredi 3 mai 2024

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