Aujourd'hui, pour aller de Saint-Nazaire à Pornic, le trajet se fait en voiture. Mais sur la route côtière, on circule sans le savoir dans le tracé d'une ancienne voie ferrée, celle du petit train qui allait de Paimboeuf à Pornic, en desservant toutes les gares sur la côte, de 1906 à 1938.
L'actuelle ligne de Nantes à Pornic par Sainte-Pazanne et le pays de Retz est mise en service en 1875 par la compagnie des Chemins de Fer Nantais. Elle rentre dans le giron de la compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest, qui rachetée par l’État devient la compagnie de l’État en 1878. A partir de 1884, la ligne de Pornic est reliée à l'actuelle gare de Nantes, qui était celle de la Compagnie d'Orléans et dont la tête de ligne se trouvait à Paris-Austerlitz. La station balnéaire de Pornic se développe, et avec elle l'ensemble de la côte qu'il faut desservir mieux, plus localement.
C'est pourquoi le Conseil Général de la Loire-Inférieure concède à la Compagnie des Chemins de fer du Morbihan une ligne à voie métrique longue de 39 km 200 allant de Paimboeuf à Pornic, qui est inaugurée le 20 août 1906, une semaine après la fin des travaux dirigés par M. Delaunay, administrateur-directeur de la construction de Vannes, et par M. Denaux, chef du service de la construction, à Saint-Nazaire. M. Gouin est alors l'ingénieur en chef du service d'exploitation de la ligne, M. Seltedmayer son adjoint. Il fallait deux heures et demie pour parcourir le trajet. Il est intéressant de noter que les locomotives Pinguely no 101 et 103 qui circulaient sur le réseau du chemin de fer du Morbihan en Loire-Inférieure ont été miraculeusement préservées; la 101 au CFBS et la 103 en monument à Tournon après avoir été concédée au réseau métrique des Chemins de Fer du Vivarais.
La Compagnie des Chemins de Fer du Morbihan exploitait au nord de la Loire un autre réseau autrement plus important, qui faisait le tour de la Brière et des Marais salants et reliait Vannes à Herbignac par la Roche-Bernard ; de là, la ligne se séparait et allait d'un côté vers la gare de La Baule par Mesquer, Pont d'Armes, la côte et Guérande ; de l'autre côté, elle rejoignait Méan et Trignac par la Brière. Nous reparlerons de ce réseau sur ABP dans les semaines à venir.
A Paimboeuf, la gare SNCF se trouve au sud de l'ancienne île de Loire sur laquelle le bourg est établi, les voies vers Nantes partent plein sud. La gare de la ligne de Pornic se trouvait parallèle aux voies de la ligne de Nantes, à côté de l'ancienne gare, un peu à l'est, de là la voie cisaillait l'embranchement à voie normale vers le port (plan des voies visible ici : (voir le site) passait le long du mail derrière les butoirs de la ligne de Nantes, puis partait à l'ouest, contournait Paimboeuf et se trouvait sur l'accotement de la route qui va vers Corsept. La gare de Corsept était au nord du bourg, contourné par la ligne, qui retrouvait peu après la départementale vers Mindin, où la gare se trouvait près du bac qui, à l'époque, reliait la rive sud à Saint-Nazaire.
Sur la commune de Saint-Brévin, à l'emplacement de l'actuelle route qui se tient respectueusement en retrait de la côte, il n'y avait que des allées au milieu des pinèdes. Sur l'une d'elle passait la ligne, avec son petit train qui traversait Saint-Brévin avec force vapeur et bruit, et desservait une gare à Saint-Brévins-les-Pins, au bourg. La ligne continuait vers le Pointeau, puis faisait halte à Saint-Brévin l'Océan face à l'hôtel de la Forêt, une bâtisse fin 19e qui est souvent prise pour l'ancienne gare de nos jours. Aux Rochelets, la halte se trouvait près de l'actuel rond-point donnant accès à la route Bleue. Puis la ligne suivait, sur l'accotement de la départementale, jusqu'au hameau du Boivre dont elle s'écartait au sud-ouest pour desservir le bourg de Saint-Michel. De là, toujours sud-sud-ouest, la ligne rejoignait Tharon-Plage et passait un ruisseau par un petit pont : sur l'emprise de cette portion de ligne passe maintenant une route, le pont a été conservé. Après la halte du Cormier, la ligne ralliait La Plaine sur l'accotement de l'actuelle D96. Elle s'en s'écartait et contournait le bourg sur un chemin conservé, jusqu'au rond-point au sud du bourg. Là se trouvait la gare de la Plaine, d'où partait un embranchement de 1600 mètres jusqu'au bourg de Préfailles, desservant la halte de Quirouard au passage. La gare de Préfailles se trouvait en cul de sac face à l'actuelle mairie. L'emprise de la voie de la gare de La Plaine à Préfailles est maintenant un chemin.
La ligne empruntait la route qui contourne la Plaine par le sud (RD. 313) et rejoignait l'accotement de la route de Pornic (RD. 13) qu'elle délaissait à la croix de la Parisière pour plonger au sud-est vers Sainte-Marie et la Noëveillard, desservir une halte juste au nord de l'église, et remonter vers le nord se remettre sur le côté de la RD.13 ; l'emprise de cette section établie à travers champs est maintenant une route. Enfin, la ligne rejoignait l'arrière-gare de Pornic en passant la ria par un pont courbe établi au fond du port et conservé (1).
L'exploitation de cette ligne s'avéra vite déficitaire, hormis l'été, et ce malgré la cherté du prix pour les voyageurs, pointée par A. SIMON qui relate dans Le Populaire du 22 août 1906 le voyage inaugural de la ligne : il faut en effet payer sept centimes et demi par kilomètre en seconde et dix centimes en première, payer quarante-cinq centimes de station à station ne seraient-elles distantes que de deux kilomètres. L'hiver, il n'y avait que deux trains par sens et par jour. En 1935 les trois lignes de Loire Inférieure de la Compagnie des Chemins de fer du Morbihan furent fermées, le matériel dispersé ou démantelé. Les rails de la ligne de Paimboeuf à Pornic furent démontés et envoyés à la fonte en 1939 pour servir à l'effort de guerre. La ligne est encore représentée sur les cartes Paimboeuf – Saint-Père en Retz et Pornic de 1943 (2) et 1944. Un service d'autocars remplaça la ligne en partie : dans les années 1960, la Compagnie des Chemins de Fer du Morbihan subsistait en Pays de Retz, exploitant encore quelques autocars.
Les gares et les haltes connurent un sort divers : la gare de la ligne de Pornic à Paimboeuf appartient à la DDE, la remise du matériel est conservée. La halte de Saint-Brévin l'Océan, long et bas bâtiment formant plus préau que gare, est un arrêt des bus Lila. Il ne reste de la gare de La Plaine que les murs qui décorent le rond-point au sud du bourg. La halte près de la Parisière est encore debout, mais se ruine. Le petit bâtiment carré de la halte de Sainte-Marie, construit sur le même modèle que le précédent, est en bon état. La gare de Pornic de la ligne est juste en face des emprises SNCF et est propriété privée. Les gares et haltes de Mindin (3), du bourg de Saint-Brévin, de Saint-Michel-Chef-Chef, de Tharon (3), du Cormier, de Quirouard, de Préfailles ont été détruites. Les portions de voies construites en site propre et les ponts ont été repris par des routes : il est encore possible aujourd'hui, à vélo ou à pied, de suivre le train-train quotidien de la ligne des Chemins de Fer du Morbihan reliant Paimboeuf à Pornic, à l'époque où l'appartenance de la Loire-Atlantique à la Bretagne était sans ambigüité aucune.
Louis BOUVERON pour ABP.
Notes et remerciements
(1) Nous remercions Jean-Yves CARDUNER (henthouarn) pour ses photos visibles sur le forum Rail Bretagne (voir le site) Ses photos sont jointes avec l'article (visibles avec Firefox ou Chrome).
(2) Je tiens à disposition les agrandissements de la carte de 1943 avec le tracé de la ligne et l'emplacement des stations. Écrire à l'auteur de l'article (lien juste en-dessous de l'article).
(3) Avec ces photos sont jointes quatre cartes postales de gares disparues, l'une de la halte de Mindin, l'autre de la gare de Tharon, deux autres enfin de la gare de Préfailles. Si vous avez tout renseignement ou carte postale des gares et haltes de la ligne disparue, merci d'écrire à l'auteur ou d'abonder le sujet sur le forum Rail Bretagne.
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