Louis Gallouédec, géographe français, Breton du Loiret

Article publié le 9/12/11 18:34 dans La diaspora par Louis-Benoît Greffe pour Louis-Benoît Greffe
https://abp.bzh/thumbs/24/24168/24168_1.jpg
https://abp.bzh/thumbs/24/24168/24168_2.jpg
L'ouvrage de référence sur Louis Gallouedec
https://abp.bzh/thumbs/24/24168/24168_3.jpg
La couverture d'un de ses manuels

Louis Gallouédec est un des plus célèbres géographes français. Progressiste convaincu, il s'est fixé définitivement dans le Loiret, à Saint-Jean de Braye, dont il a été maire un quart de siècle. Mais malgré son exil, il est resté profondément attaché aux traditions et à la culture de la Bretagne.

René-Louis Gallouédec est né le 17 février 1864 à Morlaix, il est le deuxième enfant d'une famille qui en comptera six. En 1865, son père entre à la Compagnie de l'Ouest et est muté à Vitré, en Bretagne gallèse l'année suivante. De 1869 à 1874, il est scolarisé à Vitré où les instituteurs remarquent ses aptitudes. Il est accepté le 1er octobre 1874 comme interne à LAVAL, plus grand internat de l'Académie de Rennes, dirigé par l'abbé FOLLIOLEY (voir le site) qui fut par la suite le dernier ecclésiastique proviseur d'un lycée public, le lycée Clemenceau de Nantes de 1890 à 1898. Revenons à Louis Gallouédec, qui prépare l’École Normale Supérieure au cours Rollin à Paris de 1883 à 1885, intègre l’École Normale Supérieure et en sort en 1888 enseignant d'histoire-géographie, après avoir été l'élève de Paul Vidal de La Blache.

Un géographe radical et progressiste implanté en Orléanais

Louis Gallouédec veut rester proche de la capitale, c'est-à-dire dans un rayon de 100 à 200 km autour de Paris. Le hasard de l'affectation le conduit au lycée d'Orléans, où il entre en fonction le 1er octobre 1888. Il s'implante localement et se marie en 1890 avec Marie-Blanche FOURNAT, fille du directeur de la filiale du Crédit Lyonnais en Orléans ; ce mariage lui ouvre les portes de la bonne société locale. Progressiste convaincu, il s'engage pour l'affaire Dreyfus et est l'un des membres fondateurs de la Ligue des Droits de l'Homme à Orléans en 1898. Il est entré dans la franc-maçonnerie, influencé par le déisme d'Ernest RENAN, à la loge de la Véritable Amitié, affiliée au Grand Orient et défend la laïcisation de l'enseignement en créant la Société Amicale d'Union et de défense de l'Enseignement Universitaire du Loiret le 31 mai 1901.

Cet engagement progressiste et républicain lui permet d'acquérir de solides soutiens politiques, notamment les radicaux HALMAGRAND et RABIER qui épaulent son engagement politique local, à Saint-Jean de Braye, commune de la banlieue est, limitrophe d'Orléans, où il se présente pour la première fois en 1900 et connaît un échec. Devenu conseiller municipal en 1904, conseiller général du canton Orléans-nord-est en 1907, il conquiert la mairie de la ville en 1912 et ce pour un quart de siècle jusqu'en 1937. Il y a développe l'enseignement (construction d'un groupe scolaire à la Pomme de Pin) et fonde à Fleury-les-Aubrais, au nord de son canton, l'hôpital psychiatrique qui porte aujourd'hui le nom de CHS Daumezon. Cet établissement était très novateur pour son temps et s'inspirait des techniques les plus avancées, à l'étranger notamment.

En parallèle, il poursuit une carrière notable dans l'enseignement. Il publie ses manuels avec Schrader à partir de 1906 chez Hachette, à l'époque où la géographie devient obligatoire pendant tout le cursus scolaire et le besoin de supports pédagogiques est donc le plus fort. Inspecteur d'académie dans la Seine en 1907, il se partage entre Orléans où il vit, Saint-Jean de Braye, fief électoral où il a une propriété viticole – la Motte Fresnaie – et Paris. Il arrête l'enseignement en 1911 et devient inspecteur général de l’Éducation nationale jusqu'en 1933.

Gallouédec, Breton de toujours

Gallouédec est très fortement marqué par sa jeunesse bretonne. Son père, Louis Gallouédec, né à Taulé, a appris à lire le français seul lorsqu'il était valet de ferme, et le catéchisme lui a tenu lieu d'enseignement de la langue bretonne. Ses deux parents étaient dans la domesticité ; il tire de cet héritage sa ténacité et sa capacité énorme de travail. Gallouédec fait tout en même temps, enseignement, politique, histoire de Bretagne, renforce la fortune de sa famille, notamment en faisant construire plusieurs maisons, se forge un statut en Orléans, et y arrive.

Il publie dans les Annales de Géographie à partir de 1892, outre un article sur la Sologne, deux articles sur la Cornouaille et un sur le Léon. Quoique ses écrits soient influencés par le moule de l’École Normale Supérieure et défendent la francisation et la modernisation de la Bretagne, il ressort chez Gallouédec un grand respect pour cet « ilot antique au bord d'une France moderne », pour les traditions de la Bretagne, qui doivent être maintenues, et le Breton, « rude, travailleur et énergique » dont « la dure vie maritime a encore augmenté la faculté de résistance et d'intrépidité ». Il oppose les façades maritimes ouvertes sur le monde et modernisées aux intérieurs encore pauvres et archaïques et constate, dans une vision certes francisée mais lucide de la Bretagne, le caractère particulier de la foi bretonne « teintée d'antiques souvenirs païens, avec des saints nationaux inconnus du reste de la chrétienté ». Il note aussi l'importance de l'Église catholique puissante, qui résiste à la francisation à marche forcée et unit les Bretons contre l'envahisseur.

Il fonde dans le Loiret l'Union Bretonne du Loiret en décembre 1927 et la préside jusqu'à sa mort en 1937, pour faire connaître la culture et l'histoire bretonnes dans son département. Cette société régionaliste existe toujours à ce jour, mais ne se consacre plus qu'au folklore celtique, bien présent à Orléans grâce aux Écossais qui ont participé avec Jeanne d'Arc à la levée du siège d'Orléans et dont l'un des chefs, Jean STUART, est inhumé dans la cathédrale d'Orléans (voir le site)

Gallouédec possède une villa à Perros-Guirrec où il se retire pendant les deux mois des vacances d'été qu'il passe en famille et à écrire. Cette villa, sur la plage de Trestaou, dénommée Ker Ozal, n'existe plus que sur les cartes postales.

Très attaché à la solidarité, Gallouédec, qui n'a pas eu d'enfants, a payé les études de ses frères puis de leurs enfants. Il a aussi fait venir des Bretons travailler à Orléans, notamment à l'hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais et a favorisé, notamment via l'Union Bretonne du Loiret, le rapprochement entre paysans bretons et du Loiret et le recrutement de saisonniers bretons dans les exploitations betteravières et céréalières de Beauce. Il a ainsi contribué au renforcement de la tradition de migrations saisonnières bretonnes vers le Loiret.


Notes et remerciements

Cet article a été tiré du livre de Georges JOUMAS, « Louis Gallouédec 1864-1937, un géographe de la 3e République », éditions Paradigme (2006). L'auteur publie actuellement un livre « Alfred Dreyfus Officier en 14-18 - Souvenirs, lettres et carnet de guerre » aux éditions Corsaire. Nous remercions l'auteur pour sa disponibilité et ses précisions.


Louis Bouveron


Vos commentaires :
Luc Guihard
Jeudi 26 décembre 2024
«Cette société régionaliste existe toujours à ce jour, mais ne se consacre plus qu'au folklore celtique». En tant que membre de la Kevrenn Orleañs, je m'étonne de ce commentaire très réducteur sur les activités de cette association, héritière de l'Union Bretonne du Loiret créée par Monsieur Gallouédec. Forte d'un bagad, d'un cercle de danse et de chanteurs, la Kevrenn explore bien des domaines de la culture bretonne, puisque qu'elle dispense des cours de langues, de broderie. Ce terme de «folklore» me semble quelque peu péjoratif. L'association est l'une des plus active d'Orléans, et très souvent sollicitée par la mairie elle-même. Elle est régulièrement présente au Festival Interceltique de Lorient. La Kevrenn perpétue avec sérieux et talent l'oeuvre de Louis Gallouedec.

Pierrig Le Bihan
Jeudi 26 décembre 2024
Malheureusement, l'esprit d'entraide, de solidarité et d'accueil qui commandait à la création de telles associations semble s'être évanoui de nos jours.
L'individualisme moderne semble avoir pris le dessus, pour ne laisser la place qu'à, justement, l'expression d'un certain folklore «celtique».
J'ai encore en mémoire l'exemple de ce jeune Breton arrivant en ville, qui n'eut même pas de réponse à sa demande de renseignement relative à son installation sur place.
Trist eo !

Anti-spam : Combien font 1 multiplié par 7 ?