Edwy Plenel, Breton d'outre-mer

Interview publié le 29/11/11 16:44 dans Media et Internet par Ermeline Mouraud pour ABP
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Edwy Plenel ancien directeur de la rédaction du Monde dirige depuis 2005 le quotidien en ligne Médiapart.

Edwy Plenel, fondateur de Médiapart, était invité à Plozévet, vendredi 25 novembre, pour parler de journalisme et de démocratie. Une présence en terre bigoudène propice aux confidences concernant son attachement à la Bretagne.


ABP : Né à Nantes, vous définissez-vous comme Breton ?

Edwy Plenel – Ce n'est pas parce qu'Anne de Bretagne nous a trahis que Nantes n'est pas en Bretagne ! Je dis souvent que je suis un Breton d'outre-mer. Mes parents se sont rencontrés à Rennes, je suis né à Nantes mais je n'y ai jamais vécu, j'ai habité aux Antilles jusqu'à l'âge de dix ans. Après un petit passage en banlieue parisienne, je suis parti en Algérie. Je suis un Breton projeté sur le monde ! Mais les Bretons n'ont jamais été dans la fixité du territoire. Les premiers migrants de l'intérieur étaient les Bretons, ils ont dû se déplacer de la campagne vers la ville à cause de la pauvreté. À cette époque-là, ils parlaient à peine français, ils « baragouinaient » et étaient considérés comme des ploucs. Le mépris était très fort mais c'est ce qui a fait de nous des personnes à même de comprendre ce qui arrive aujourd'hui aux migrants.


ABP : Votre père est bretonnant, quel rapport avez vous avec la langue bretonne ?

E. P. – C'est un paradoxe, je ne suis pas du tout polyglotte ! Mon seul point de fixité est sûrement la langue française. J'ai un ancêtre qui a été arrêté à la fin d'un fest-noz, il a fini au bagne car il ne parlait pas le français, la langue du tribunal. Mon père a fait des études de breton dans les années 30, à Rennes. Et s’il ne m'a pas transmis cette langue, il m'a appris que l'identité bretonne n'était pas une clôture, mais une ouverture aux autres peuples. Ce n'est pas une identité racine, mais une identité relation. C'est le meilleur que je pouvais retenir : une Bretagne d'ouverture, de curiosité, de brassage… On peut avoir une relation avec un lieu qu'on déplace en soi. C'est le propre de toute migration, de toute relation à une histoire que l'on transporte et que l'on mêle à d'autres. Le Festival Interceltique de Lorient montre très bien que les identités sont faites de relations, qu'elles bougent.


ABP : Connaissiez-vous la commune de Plozévet ?

E. P. – Quand j'étais tout petit je suis venu à la Pointe du Raz avec mes parents. J'ai dû passer par Plozévet, mais je n'ai aucun souvenir. J'associe Plozévet aux enquêtes menées dans les années 60 par Bernard Paillard, directeur de recherche au CNRS, Edgar Morin, sociologue, et André Burguière, historien. Des enquêtes ethnographiques qui font totalement écho aux problèmes d'aujourd'hui, entre la tradition et la modernité, la transition entre le vieux qui peine à mourir et le neuf qui a du mal à se développer. De ces recherches, Bernard Paillard et Edgar Morin ont fait un livre, Journal de Plozévet : Bretagne, 1965 (1). C'est une bible pour les journalistes ! À la fin de ce livre il y a un mémento de l'enquêteur, une sorte de mode d'emploi avec les bons réflexes qu'on devrait tous avoir en tant que journaliste. Il rappelle qu'avoir une curiosité généreuse, c'est le sel de notre métier.


Propos recueillis par Ermeline Mouraud


Pour en savoir plus :

Plozévet, une commune pas comme les autres, article de Bernard Paillard publié sur le site Médiapart à l'occasion de la conférence (voir le site)

Entretien entre Edwy Plenel et Pierre Plouzennec, maire de Plozévet (voir le site)

Journalisme et démocratie, retour sur la conférence du 25 novembre, à voir sur Bigouden.TV (voir le site)

Le dernier livre d'Edwy Plenel, Défense du journalisme, est paru en octobre aux Éditions du Seuil.

(1) éditions de l'Aube, 2001.


Vos commentaires :
Lundi 6 mai 2024
@ Alwenn

Tout à fait d'accord, mais il ne faut pas non plus crier au loup-garou parce qu'il fait nuit!

Jouer à se faire peur est un sport très pratiqué par certaines personnes et c'est regrettable! Peut-être cela aide à se valoriser à bon compte!

D'ailleurs, pourquoi toujours de droite...? L'extrème gauche (bretonne ou autre) n'a rien à envier en matière d'extrèmisme.

Ce sont tous les extrêmes qui ne sont pas souhaitables, et il n'existe pas d'extrèmisme plus fréquentable que d'autres!

L'histoire mondiale récente le démontrer très clairement!

Oui, s'il y a du Nationaliste (dans le mauvais sens du terme), c'est bien en France...

Nous avons tous vu Eva Joly se faire traiter d'étrangère alors qu'elle y vit et travaille depuis 40 ans, une très belle démonstration des vraies valeurs de la République indivible.

Si nos dirigeants républicains pensent cela d'Eva Joly, que doivent-ils penser des Bretons?

D'ailleurs, votre remarque est intéressante sur le fait qu'Edwy (le non sectaire) qui connait bien la problèmatique des peuples et langues minorisés de France (semble-il du fait de son père) ne fait rien sur le sujet!!!!

Même passif, c'est quand même une complicité!

Oui, en France, il existe un extrèmisme terrifiant et c'est du lourd! (Voir tous les textes sur les droits de l'homme non signés par la République....)

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