Samhain ou le nouvel an des anciens Celtes

Editorial publié le 1/11/11 1:22 dans ABP par Philippe Argouarch pour ABP
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La lanterne des morts et des vivants. Un partage conciliant.

La Toussaint, la fête des morts en Bretagne et ailleurs, est une ancienne fête druidique, appelée Samon par les Gaulois (ou Samonios, du nom du mois de novembre inscrit sur le [[calendrier de Coligny]]), et [[Samhain]] par les Gaels. Kala-Goañv en breton moderne. Elle signifiait la fin de l'été et de début de la seconde moitié de l'année. C'était en fait le début de l'année celtique. L'année commençait exactement au soir du 40e jour après l'équinoxe d'automne. Les équinoxes étant des évènements du cycle solaire facilement observables et prévisibles par nos ancêtres, grâce à de simples observatoires du coucher ou lever du soleil derrière des marqueurs en bois ou en pierre (des mégalithes). Samhain pouvait aussi avoir très facilement son marqueur, mais les festivals de l'ancien calendrier celtique, (mid-seasons en anglais) ne correspondaient pas aux solstices ou équinoxes. Les dates des 4 grands festivals de l'année celtique, Samhain, Imbolc (chandeleur), Beltan (1er mai) et Lugnassad (1er août, fête des moissons) avaient été choisies pour d'autres raisons qui semblent être liées au cycle végétal, un cycle important pour une civilisation agraire. Ce calendrier et donc ces festivités aurait existé même avant l'arrivée des Celtes dans l'Ouest de l'Europe comme le prouve les alignements de nombreux Cromlechs en Grande Bretagne dont beaucoup sont restés intacts.

La fête des saints ou Toussaint a été substituée à la fête celtique de Samhain dans toute la Chrétienté au VIIIe siècle par le pape Grégoire III --histoire d'en finir avec les pratiques dites païennes. D'autant plus qu'en 532, l'Église avait décidé de faire commencer l'année au 1er janvier juste après Noel. Il fallait en finir avec le calendrier julien (de Jules César) qui débutait l'année le 1er mars, et le calendrier celtique qui débutait l'année le 1er novembre. (1)

Les portes de l'au-delà entrouvertes

À Samhain, on célébrait la mort de l'année écoulée et par extension on célébrait les morts de la famille et du clan. Symboliquement, tous les feux étaient éteints durant Samhain. La lumière devait disparaître. On mettait juste une veilleuse pour retrouver sa porte de maison la nuit (bon, on n'avait pas de wc à l'intérieur !) et pour indiquer aux morts comment retrouver leurs familles. À cette période de l'année, en ce mois de novembre, le miz Du soit le "mois noir" en breton, nos ancêtres croyaient la rencontre des deux mondes possibles. On mettait à manger (mais pas des bonbons !) sur le pas de sa porte pour les morts. Anatole Le Braz, dans son livre "La légende de la mort" publié en 1893 a collecté des dizaines d'histoires sur une mort et des morts qui, en Bretagne, côtoient les vivants au point d'y être des familiers.

Les feux étaient ensuite rallumés pour célébrer le nouvel an. En Irlande, le feu sacré était rallumé sur la montagne de [[Tara]], et des porteurs de torches repartaient dans toutes les directions rallumer le feu des foyers de tout le pays, dès la fin des festivités.

Cette tradition de la bougie, que l'on met aujourd'hui dans une citrouille, pour accueillir les morts, aurait survécu aussi en Bretagne avec des betteraves. Pierre-Jakez Hélias la rapporte dans Le Cheval d'Orgueil : " Nous avons l'habitude, vers l'approche de la Toussaint, de creuser des betteraves, d'y pratiquer des trous en forme d'yeux, de nez et de bouche, d'y introduire un bout de bougie et de refermer le tout."

Elle a survécu aux États-Unis sous le nom d'Halloween, importée par les immigrants écossais et irlandais (et peut-être même bretons). Aux États-Unis, le sens primitif du moment a été perdu pour devenir une course aux bonbons pour les enfants et une affaire commerciale : la vente de costumes de déguisements. Des déguisements souvent dans l'intention de se faire peur dans un esprit diamétralement opposé à celui de nos ancêtres, qui, comme le rapporte César, n'avaient peur de rien du tout et certainement pas de la mort qu'ils considéraient comme un passage.

La dia-bel-isation

Une autre remarque que l'on peut faire c'est que les croyances de nos ancêtres n'étaient pas du paganisme avec tout le contenu péjoratif que ce mot indique. L'ensemble de ces croyances et de ces rites formait une religion qui a été reconnue en octobre 2010 par le Royaume-Uni, 2000 ans après avoir été interdite et diabolisée par les Romains, puis par l'Église romaine.

Certains linguistes pensent d'ailleurs maintenant que le mot diable ne provient pas du grec ancien διάβολος (diábolos) (issu du verbe διαβάλλω « diabállô ») qui signifie « diviser » mais bien de dei Bel, le dieu des Celtes, que l'Église a "dia-bélisé" pour en faire le "dei-bel" ou "diable". Le dieu Bel, Belenos en gaulois, que l'on célébrait six mois après Samhain à Beltan (les feux de Bel) avait justement des cornes, le dieu à corne ou Cernunos-- des cornes qui se retrouvent, et ce n'est pas un hasard, dans les représentations du diable.

Toutes ces astuces ont été utilisées pour supprimer ce qui a existé avant au cours de la plus grande campagne de colonisation, d'assimilation, de centralisation, de destructions de cultures, de langues, de peuples même comme par exemple les Étrusques, de tous les temps. C'est aussi cela, l'héritage de l'empire romain.

Le druidisme contient-il un message pour l'homme moderne ?

Le druidisme fait partie de notre héritage. Il est partie intégrale de notre patrimoine en tant que Bretons même si le catholicisme a modelé la vie pendant 1.600 ans. La Toussaint-Samain, fête des morts, avec toutes ses légendes de l'[[Ankou]] associées, prouve que beaucoup de choses sont restées sous-jacentes dans l'inconscient collectif des Bretons.

Le christianisme puis le positivisme scientifique ont tous les deux inculqué la volonté de dominer la nature plus que de la respecter en tant que nécessité à notre survie, en tant que matrice nourricière. La crise environnementale que nous subissons aujourd'hui découle directement de cette attitude. Les rapports étroits et le respect divin que nos ancêtres et leurs druides vouaient à la nature n'ont jamais été autant d'actualité.

Les cérémonies calendaires druidiques comme Samhain se faisaient en extérieur, en forêt, dans de vastes clairières ou près de certaines sources et il faut bien admettre que ce calendrier celtique était judicieusement calqué sur le déroulement des saisons. Novembre est le moment où la graine se sépare de la mère-plante pour tomber sur le sol. Il y à la fois mort et re-naissance. Ce moment particulier est donc symboliquement la véritable naissance du nouveau cycle végétal annuel --même si tout sera en sommeil, en gestation, jusqu'au printemps. Samhain est bien le véritable instant du début du cycle végétal et par extension de la nouvelle année.

Bonne fête et bonne année donc à tous et accueillons nos morts dans nos maisons !

(1) pendant la révolution, l'année commençait le 22 septembre (l'équinoxe avait été choisie pour le nouvel an révolutionnaire)

Philippe Argouarch

Mise à jour le 14/03/2016

Mise à jour le 31/03/2016


Vos commentaires :
Lundi 29 avril 2024
A Fañch Kerrain.
Je nuancerais l'idée d'une disparition du druidisme sur base que le polythéisme ne suporterait pas la critique philosophique sachant que
1. d'une part les écrits de grecs antiques dont Diodore de Sicile, reconnaissent aux druides une certaine paternité de la philosophie leur permettant entre autre d'éviter des guerres;
2. que d'autre part le polythéisme (encore faut-il nuancer la notion de polythéisme et d'avatars) n'a pas de difficulté à expliquer le dualisme qui demande au monohéisme des religions orientales une dialectique particulièrement tracassière qui produira de nombreuses interprétations noyées dans le sang;
3. que la philosophie celtique semble prôner le mouvement et l'adaptation au présent ce qui implique une évolution permanente (tout comme les tribus changeant de nom dans leurs migrations et incorporation de nouveaux éléments Thraces ou Daces par exemple) contrairement aux religions fixées par l'écrit typiquement conservatrices;
4. Je m'étonne pour l'étude des celtes antiques, de la difficulté des celtes modernes surtout scientifiques de se détacher du filtre des influences sectaires des fous du dieu révélé par le mage palestinien Yeoshua ben yossef. S'ils parvenaient à le faire sans sensiblerie, nous percevrions beaucoup mieux la richesse de la civilisation celte antique, sans angélisme mais en rendant aux druides ce qui leur appartient.
Autre chose au niveau de la langue et de la culture, parler une langue c'est s'imprégner de son esprit. il est un fait que l'une et l'autres sont l'âme d'un peuple et que, en francophonie, la violence du monolinguisme imposé a détruit une partie de notre âme mais pas tout.
Personnellement, je me suis émerveillé de chaque découverte de notre celtitude depuis les reliquats la forêt hercinienne de Germanie, à des lieux comme BELluno dans les dolomites ou l'étang de Binii à Sion en Suisse ou des remontées dans le temps du type Charleroi-Charnoy-Karnoit-Carnutes en Belgique. Découvrir les indices des traces celtes en Europe est un émerveillement depuis l'Anatolie jusque l'Ecosse.
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