À Saint-Marc, un monument emblématique du XXe siècle est menacé de disparition suite à un projet immobilier.
Il s'agit du blockhaus FL 250 de Saint-Marc, une grande tour en béton crénelée, à l'imitation des tours médiévales, qui abritait le PC de la 5e Marine Flak Brigade qui assurait en 1944/45 la couverture aérienne de la forteresse de Saint-Nazaire. Ce blockhaus, construit en 1943 est unique en France et est dans un très bon état de conservation, occupé qu'il est par un passionné qui l'entretient. Au pied du blockhaus s'étendent les bâtiments des officiers du PC, dont l'entrée est et la cour sont décorées de très belles poutres gravées en caractères gothiques allemands et datées de 1943. De nombreuses photos de l'ouvrage sont visibles ici : (voir le site)
La parcelle appartient à la ville de Saint-Nazaire, qui souhaiterait la vendre à un promoteur pour un projet immobilier, le prix des terrains en bordure de côte s'étant envolé ces dernières décennies. Le FL 250, bordé par toute une position allemande comprenant plusieurs nids à mitrailleuses et un souterrain-refuge au milieu des villas occupées par les troupes dépendant du PC, se trouve aux Gabourettes. La tour, qui est entièrement camouflée dans les arbres, n'est absolument pas visible de la côte et donc méconnue de bien des Nazairiens.
Dans l'ouvrage fondateur de la connaissance du mur de l'Atlantique en France, « Atlantikwall Mythe ou Réalité ? » écrit par Alain Chazette (en vente aux éditions Histoire et Fortifications, 69€), on trouve des informations sur le 22.Marine-Flak-Regiment, qui arrive en novembre 1941 pour assurer la protection aérienne du port et de la ville de Saint-Nazaire où les Allemands construisent la base sous-marine pour leurs UBoots. En avril 1943, le régiment, étoffé par de nouvelles unités, est transformé en V.Marine-Flak-Brigade et son PC s'installe 5, route de Sainte-Eugène à Saint-Marc, dans un blockhaus dénommé Flakgruko FL250. En effet, tous les blockhaus construits par les Allemands répondaient à des modèles précis et planifiés, et parmi eux le FL 250 qui n'existe qu'en un exemplaire unique en France. A port exceptionnel, blockhaus exceptionnel surmonté d'une impressionnante tour de guet aérien crénelée. Le PC suivait minute par minute la trajectoire des avions et les répercutait aux PC des Marine Flak Abteilungen qui les répercutait au niveau des diverses batteries placées sous leur contrôle. Toutes ces informations se trouvent dans les ouvrages de M. Chazette, que nous remercions pour sa disponibilité et son aide.
Au pied du blockhaus se trouvent les bâtiments d'habitation, organisés autour d'une courette. Au nord, l'entrée au sous-sol est protégée par une caponière disposée dans le flanquement, dispositif commun à de nombreux blockhaus allemands. On peut trouver de nombreux renseignements sur les ouvrages fortifiés allemands sur le site Atlantikwall : (voir le site)
Le réseau de guet aérien s'appuyait pour Saint-Nazaire sur plusieurs autres tours plus modestes de modèle FL 241, notamment à Montoir-de-Bretagne, au Petit Marsac, à la Vecquerie et Saint-Brévin. La couverture aérienne reposait sur deux ceintures défensives, l'une éloignée et l'autre rapprochée. En juin 1944, Saint-Nazaire, dénommée par les alliés Flak City, était une ville rayée de la carte où ne restaient que les installations allemandes, à peine ralenties dans leur fonctionnement et hérissées de canons : 10 batteries de 10,5 cm S.K.C 32 soit 44 pièces, 4 batteries de 10,5 cm S.K.C 33 soit 32 tubes en 16 pièces et trois batteries de 12,8 cm Flak 40 M pour 12 pièces de plus, en sus des batteries légères de 2, 3,7 et 4 cm Flak, éparpillées un peu partout y compris sur le toit de la base sous-marine.
Ce dispositif, à peu près achevé en 1944, était assez efficace. S'il n'a pu empêcher l'arasement de la ville en 1942/1943, on peut aujourd'hui affirmer que s'il reste encore quelques bâtiments d'avant-guerre au cœur de Saint-Nazaire, comme dans le quartier de l'église, et si les quartiers périphériques n'ont pas été trop détruits bien qu'ils bordaient de fortes positions allemandes, notamment sur la Côte, le mérite en revient à cette forte défense anti-aérienne du cœur de la Forteresse et de ses abords.
Hors de Bretagne, le blockhaus d'Eperlecques dans le Pas-de-Calais, la batterie Karola en Charente-Maritime, ont été classés monuments historiques. Les ouvrages fortifiés allemands des plages du Débarquement et en Normandie sont entretenus et mis en valeur (musées de Douvres, d'Ouistreham, batterie du Mont-Canisy). Dans les îles anglo-normandes, des budgets importants sont consacrés à la sauvegarde des blockhaus locaux.
Il faut en finir avec l'image du blockhaus « verrue » imposée par les occupants honnis. La guerre qui a déchiré l'Europe et saccagé nos régions a eu lieu il y a près de 70 ans, les ouvrages qu'elle a laissés sont partie intégrante de notre histoire et doivent être connus, viabilisés et sauvegardés, pas livrés aux pelleteuses.
Le projet immobilier prévu sur le site de la batterie Nz304 (nom de code allemand de la position) prévoit la disparition du FL 250, pièce clé de la forteresse Saint-Nazaire et monument important pour l'histoire récente de la ville.
Les dernières décennies qui ont vu l'extension de la ville ont vu aussi la démolition de nombreux blockhaus. Mais la réhabilitation de la Base et son intégration au cœur des activités urbaines a été le premier pas pour viabiliser le patrimoine bâti hérité de la deuxième guerre mondiale. C'est pourquoi le FL 250 doit être sauvé et restauré, pour devenir un patrimoine rendu aux Nazairiens et connu des touristes qui apprécient tant la Loire-Atlantique aux mille visages vantés par la vitrine départementale Oh la LA (voir le site) Les locaux situés au pied du blockhaus peuvent devenir la maison de quartier qui manque aux quartiers en développement autour de Saint-Marc tandis que la tour elle-même, restaurée et réhabilitée, peut être confiée au musée du Grand Blockhaus qui, le premier, a tenté de donner aux ouvrages allemands les plus importants la valeur de patrimoine local et national.
C'est pourquoi, afin de sauver ce monument important dans l'histoire de Bretagne en général et de la ville de Saint-Nazaire, son classement ou son inscription aux Monuments Historiques doit être encouragé et a plus de chances d'aboutir si les demandes sont nombreuses.
Pour cela, il faut écrire à l'Architecte des Bâtiments de France en Loire-Atlantique :
Monsieur l'Architecte des Bâtiments de France M. Alain Tournaire
Service Territorial d'Architecture et du Patrimoine
1, rue Stanislas Baudry – BP 63518
44035 NANTES Cedex 1
Objet : inscription ou classement d'un élément architectural remarquable à Saint-Marc-sur-Mer (commune de Saint-Nazaire)
Monsieur,
Par ce courrier, nous souhaitons attirer votre attention sur la nécessaire sauvegarde d'un des plus remarquables vestiges du Mur de l'Atlantique situé à Saint-Marc-sur-Mer, 5 route Sainte-Eugène. Cadastré EK 387, cet ouvrage appartient à la Commune de Saint-Nazaire.
Il s'agit d'un ensemble comprenant un Blockhaus type Fl 250 avec une Tour d'observation haute de 18 m reposant sur un large bunker enterré dans un état exceptionnel de conservation. Cet ancien poste de commandement de la DCA de la marine (Défense Contre Avions) a été construit en exemplaire unique sur tout le Mur de l'Atlantique. Sur le bunker enterré est construit un ancien mess de marine tout aussi remarquable, avec un patio, des colonnes en briques rouges et des poutres gravées. Il s'agit là d'un des tous derniers bâtiments de cette époque encore en place aujourd'hui. Cette construction dan s son ensemble, qui a fait l'objet de nombreux référencements dans plus de 10 livres historiques, est visitée tous les ans par des centaines de passionnés, notamment des Hollandais, des Belges, des Britanniques et des Américains. Il est absolument indispensable, pour notre mémoire collective, d'inscrire ou de classer cet élément architectural remarquable.
A titre d'exemple, le Blockhaus d'Eperlecques dans le Nord-Pas-de-Calais a été classé monument historique. En Normandie (Calvados et Manche), tous les vestiges du Mur de l'Atlantique ont été intégralement classés ; ils font l'objet de soin, comme le Poste de Commandement de la Pointe du Hoc pour lequel les autorités américaines ont engagé plus de 4 millions de dollars de travaux pour consolider la falaise sur laquelle il repose. Dans les îles anglo-normandes, ce patrimoine est fortement mis en valeur par les autorités. En Charente-Maritime, sur l'île de Ré, la Batterie Karola comprenant une haute tour d'observation bétonnée a été classé Monument Historique en 2004. Il est grand temps d'agir en Loire-Atlantique où, malgré une étude financée par la DRAC menée par M. Éric Lemerle en 1999, qui recense l'intégralité des vestiges du Mur de l'Atlantique dans le département, rien n'a été fait depuis. Alors qu'il était justement prévu, suite à cette étude, de classer une dizaine de sites les plus remarquables.
Nous nous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations respectueuses.
Louis Bouveron
Reddition de la poche de Lorient: 10 mai 1945.
Reddition de la poche de Saint-Nazaire: 11 mai 1945.
Ces redditions tardives s'expliquent par le fait que les Américains n'ont pas voulu rééditer la funeste expérience brestoise où ils rencontrèrent une résistance acharnée des troupes allemandes, sans gain stratégique puisque le port (et la ville) furent détruits, donc inutilisables.
La Bretagne (avec Brest, Lorient, Saint-Nazaire) a donc payé un tribut particulièrement lourd en fin de guerre.
Mais qui se soucie de le rappeler? Quelques-uns - beaucoup? - trouvent intérêt à laisser les ronces repousser sur cette mémoire-là. La bien-pensance aime les ronces....