Marc Jean est responsable des Archives municipales de Saint-Malo. Il vient de faire paraître Les dix frères Ruellan, héros et martyrs 1914-1918, éditions Cristel. C'est, assure-t-il, la famille française qui a perdu le plus d'enfants durant la guerre. Explications...
Nous souhaitions commémorer la fin des combats de 1914-1918 et cherchions à établir une liste exhaustive des morts des trois communes Saint-Malo, Saint-Servan, Paramé. Il y avait bien un livre des morts de la paroisse de Saint-Servan qui avait été publié à l'époque, un du collège de Saint-Malo mais rien d'autre. Nous avons donc établi des listes d'après les relevés des monuments aux morts que nous avons comparées avec le site « Mémoire des hommes » puis l'état civil de 1914 à 1924. Au même moment, un journaliste à Caen, me contacte pour avoir des informations sur la famille Ruellan de Paramé ! Nous effectuons les recherches dans nos archives et je retrouve alors une ancienne brochure sur un Ruellan parti aux États-Unis, dans laquelle se trouve un arbre généalogique. mais curieusement, il manquait 1918... L'article est publié et il mentionne les coordonnées d'Yvon Ruellan, c'est un descendant de Louis, l'un des dix frères de cette fameuse famille de Paramé. Je le contacte et il me confie alors des photos de famille ainsi qu'un tapuscrit (document tapé à la machine), réalisé dans les années 1930, reprenant la correspondance des frères Ruellan durant la guerre et leurs familles, restées à Saint-Malo. C'était remarquable…
En 1914, la famille compte encore treize enfants. M. Ruellan, le père, est armateur à Saint-Malo. Les dix garçons entrent dans la première guerre mondiale. Ils seront de toutes les batailles, maintes fois cités pour leur courage. Six vont mourir au front ; un, gazé, meurt prématurément. Auguste, déjà paralysé en 1914, meurt en 1938. La propriété familiale de Brouassin est alors achetée par la ville qui y construit l'annexe de la bibliothèque que l'on peut voir aujourd'hui. Derrière leurs mots, c'est un message fort d'engagement d'enfants, certes formatés pour honorer la patrie, comme c'était le cas dans bon nombre de familles entre 1870 et 1914, mais ce sont surtout des héros. Tout prouve dans mes recherches, qu'ils ont choisi de quitter une vie aisée pour s'engager à défendre leur pays.
Oui, je peux aujourd'hui l'affirmer, après avoir contacté tous mes collègues de France, métropole et départements d'outre-mer y compris. J'ai eu une soixantaine de retours me le confirmant. Le plus qui soit connu, c'est cinq frères ou quatre frères et leur père, originaires de Marseille morts au combat. J'ai retrouvé dans ce tapuscrit des paroles inédites, sans censure, dont la valeur méritait qu'on les publie mot pour mot. Tous les jours, les dix frères écrivaient pour dire leur foi, leur espérance et leur amour de la France. C'est sans doute Charles, un des survivants qui deviendra député d'Ille-et-Vilaine, ou l'une des sœurs qui l'a rédigé. Le document constitue la deuxième partie du livre ; j'ai juste ajouté un avant-propos pour mettre en perspective cette guerre, après la préface de Christophe Penot.
De nombreuses personnes de la famille nous ont appelé, de la région de Bordeaux, dont la dernière fille de Charles Ruellan, âgée aujourd'hui de 98 ans. Une rue porte déjà leur nom à Paramé. Nous envisageons, lors des cérémonies du 11 novembre, de poser une plaque commémorative sur leur maison et présenter une exposition à la mairie de Paramé avec quelques extraits de leur correspondance. Je souhaite aussi proposer très prochainement des conférences. Peut-être verrons-nous surgir d'autres éléments d'informations…
Les dix frères Ruellan, héros et martyrs 1914-1918, par Marc Jean, éditions Cristel, 270 pages, 22,70 €.
■Restons empli d'immense respect et d'émotion pour les Ruellan